Édition du 16 février 2004 / volume 38, numéro 21
 
  L’administration de la santé à la croisée des chemins
Renaldo Battista travaille à la création d’un institut d’évaluation en santé

Directeur du Département d’administration de la santé, le Dr Renaldo Battista met en place l’Institut d’évaluation en santé.

Pour ne pas dépasser son budget qui assure 2600 angioplasties par année, le CHUM a décidé récemment d’imposer un quota quotidien de ce type d’intervention. Pas plus de deux par jour aux hôpitaux Notre-Dame et Hôtel-Dieu et trois à Saint-Luc. Une politique semblable s’applique pour les défibrillateurs cardiaques.

Voilà de beaux cas pour l’Institut d’évaluation en santé, que l’Université de Montréal entend créer au cours des prochains mois, comme le recteur Robert Lacroix l’annonçait à l’Assemblée universitaire le 29 septembre dernier. Mettant à contribution une centaine de professeurs, plus de 50 chercheurs postdoctoraux et quelque 400 étudiants aux cycles supérieurs qui se penchent sur divers aspects des sciences de la santé, un tel institut serait en mesure d’assurer un «leadership national et international dans un domaine dont la pertinence sociale ne fait aucun doute», précisait M. Lacroix.

«Il y a actuellement deux discours sur la santé, dit le Dr Renaldo Battista, nouveau directeur du Département d’administration de la santé de la Faculté de médecine, dont l’un des mandats est de mettre en place cet institut. Le discours triomphaliste, porté par l’industrie, qui vante les progrès technologiques en médecine. Et le discours sur les problèmes du système de santé qui fait face à une crise de ses ressources matérielles et humaines. Ces deux discours s’opposent à l’intérieur même du gouvernement.»

Cette confrontation donne lieu à des situations complexes où le personnel médical se heurte parfois à des dilemmes éthiques et moraux délicats. «Je suis de ceux qui pensent que plus d’argent devrait être injecté dans le système de santé, mais je pense aussi que les hôpitaux devraient être financés en fonction de leurs performances», affirme le spécialiste de la santé publique.

Le cas du cœur mécanique

Quand il présidait le Conseil d’évaluation des technologies de la santé du Québec (devenu depuis l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé), le Dr Battista a fait partie à titre d’épidémiologiste d’une équipe chargée de donner un avis sur le cœur mécanique ou «dispositif d’assistance ventriculaire gauche» (DAVG). Ce dispositif est un petit bijou technologique puisqu’il assure aux insuffisants cardiaques un taux de survie de 70 à 90 % et une bonne qualité de vie. Toutefois, le coût d’implantation d’un DAVG Novacor au Canada pour une centaine de jours (dans l’attente d’une greffe) est estimé à quelque 200 000 $.

Le Québec peut-il se payer cette technologie? Le groupe d’experts suggérait que oui, mais à une très petite échelle. Les implantations (pas plus de 10 pour la première année) seraient effectuées dans un seul centre au Québec. Mais on contournait la délicate question de l’utilisateur payeur: que devait faire le personnel médical devant un patient prêt à payer pour son cœur mécanique? Dans leur conclusion, les experts (parmi lesquels le sociologue Guy Rocher) reconnaissaient que la population avait son mot à dire. «Pour que le public comprenne et accepte ces décisions, il sera donc nécessaire que les enjeux fondamentaux soulevés par l’allocation des ressources collectives puissent faire l’objet d’un débat large et ouvert.»

«Nous sommes à la croisée des chemins en matière de technologies de la santé, estime le Dr Battista. En plus des secteurs biotechnologique et pharmaceutique, d’importantes questions seront soulevées par le développement de la génomique et de la protéomique.

Un retour en terrain connu

Après avoir été professeur durant 22 ans au Département d’épidémiologie et de biostatistique ainsi qu’au Département de médecine de l’Université McGill, le Dr Battista effectue un retour dans son alma mater puisque cet Italo-Canadien a fait ses études à l’Université de Montréal dans les années 70 avant de se spécialiser à l’Université Harvard.

«Je retrouve l’UdeM après 25 ans, et je constate qu’elle a beaucoup progressé. On n’a qu’à circuler sur le campus pour voir qu’elle est en pleine effervescence, avec tous ces pavillons en construction.»

Le directeur du Département d’administration de la santé estime que le moment est bien choisi pour tisser des liens entre les facultés et son département. Des liens, précise-t-il, avec les facultés des arts et des sciences, de pharmacie et des sciences infirmières, avec HEC Montréal et plusieurs unités de la Faculté de médecine. Des projets de partenariat avec d’autres universités se dessinent aussi. «Plusieurs chercheurs et professeurs travaillent déjà en collaboration. Le temps est venu de consolider ces coopérations… Notre objectif ultime, c’est de contribuer à l’évolution du système de santé.»

Expert reconnu sur la scène internationale, le Dr Battista a notamment siégé au conseil scientifique de l’Agence nationale française pour le développement de l’évaluation médicale, au conseil d’administration de l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé et au conseil scientifique de l’Agence catalane pour l’évaluation des technologies de la santé. Il a de plus présidé l’International Society of Technology Assessment in Health Care de 1995 à 1997. De 2001 à 2003, il a été membre du conseil consultatif de l’Institut des services et des politiques de la santé des Instituts de recherche en santé du Canada. Le Dr Battista est l’auteur de plus de 100 articles et chapitres de livres sur des sujets divers en médecine préventive, en épidémiologie clinique et en recherche sur les services de santé.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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