Édition du 23 février 2004 / volume 38, numéro 22
 
  Sécurité alimentaire: une surveillance inadéquate
Le doyen de la Faculté de médecine vétérinaire est inquiet

Trop peu de vétérinaires sont engagés dans la surveillance des produits alimentaires.

Grippe du poulet, maladie de la vache folle, fièvre aphteuse: la santé des animaux et la transmission de leurs maladies aux êtres humains ne cessent d’alimenter l’actualité et l’inquiétude des consommateurs quant à la qualité des denrées alimentaires qu’ils mettent dans leur assiette. Or, selon le Dr Raymond S. Roy, doyen de la Faculté de médecine vétérinaire, le public a raison de s’inquiéter. Le trop petit nombre de médecins vétérinaires engagés dans la surveillance des produits alimentaires d’origine animale et l’état problématique du réseau de laboratoires de diagnostic vétérinaire constituent des menaces à la sécurité alimentaire.

Dans son mémoire déposé le 10 février à la Commission de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation sur les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire, le Dr Roy a aussi déploré le sous-financement de la recherche dans les domaines de la salubrité des viandes et des maladies animales infectieuses et en émergence.

Même si les cas d’encéphalopathie spongiforme bovine qui ont récemment défrayé la chronique étaient isolés, ils ont semé le doute chez les consommateurs et entraîné des pertes considérables dans l’industrie agroalimentaire. Selon le Dr Roy, le secteur de la sécurité alimentaire exige «des décisions basées sur la science», comme l’indique le titre de son mémoire. «Un programme de traçabilité comme celui que le Québec a entrepris de mettre en place, c’est très bien pour retracer l‘origine des animaux malades, mais, pour qu’il serve à quelque chose, il faut un réseau de surveillance efficace, basé sur des effectifs suffisants et des laboratoires adéquats.»

Pénurie de spécialistes

En ce moment, le Québec ne dispose pas de laboratoires répondant aux exigences des niveaux de biosécurité 2 et 3, qui permettent de faire de la recherche sur des gènes pathogènes dans des conditions d’isolement optimales. Quant à la pénurie de spécialistes, le doyen estime qu’il manque de 40 à 50 médecins vétérinaires spécialisés dans les grands animaux. Sur les quelque 80 diplômés qui sortent de la Faculté chaque année, seulement une quinzaine se spécialisent en agroalimentaire, soit moins que le nombre de départs à la retraite enregistré annuellement dans ce secteur. Selon le Dr Roy, l’amélioration du réseau de surveillance exige également de former davantage d’experts en pathologie vétérinaire et en virologie. «Ces domaines étaient peu attirants pour les étudiants en raison du manque d’emplois, explique-t-il. Maintenant que nous avons besoin de spécialistes dans ces disciplines, nous en manquons.»

Faudra-t-il adopter la norme japonaise qui prévoit que tous les bovins destinés à la boucherie doivent préalablement être testés pour détecter la présence d’encéphalopathie spongiforme bovine? «Du point de vue de l’hygiène publique, à cause des risques minimes de transmission et des coûts que cela suppose en vertu des méthodes de dépistage actuelles, cela ne serait pas sensé, répond le Dr Roy. Mais les conséquences économiques liées aux exigences de certains pays pourraient le justifier.» Selon lui, il faut faire plus de recherche sur de nouvelles méthodes de diagnostic vétérinaire plus rapides, plus efficaces et moins coûteuses afin d’améliorer la qualité de la surveillance exercée sur les produits alimentaires.

Pour cela, il faut, selon le Dr Roy, mettre sur pied un complexe intégré de pathologie animale qui doterait la Faculté de médecine vétérinaire et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation de laboratoires de niveaux de biosécurité 2 et 3. C’est ce qui a été fait en Ontario: on a fermé les petits laboratoires régionaux relevant du ministère de l’Agriculture et concentré les ressources à l’Université Guelph. La construction des nouveaux laboratoires s’ajouterait au programme de rénovation et d’agrandissement entrepris par la Faculté de médecine vétérinaire pour retrouver son statut d’unité pleinement agréée par l’American Veterinary Medical Association (AVMA), qu’elle a perdu en 1999. La prochaine visite de l’AVMA est prévue pour 2005.

Marie-Claude Bourdon



 
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