Édition du 15 mars 2004 / volume 38, numéro 24
 
  Les défauts de la vision aussi nombreux à 5 qu’à 65 ans!
Une recherche d’Isabelle Brunette lève le voile sur un aspect ignoré de la vision chez les enfants

À l’aide d’un aberroscope, la Dre Isabelle Brunette mesure la qualité optique de l’œil d’une patiente.

Contrairement à ce qu’on croyait, les aberrations optiques de l’œil ne suivent pas une progression linéaire au fil des âges. Très nombreuses chez les enfants, elles diminuent chez les adultes et remontent en flèche chez les personnes âgées. C’est l’étonnante découverte faite par une équipe de chercheurs que dirige Isabelle Brunette, professeure au Département d’ophtalmologie de la Faculté de médecine.

Les données antérieures montraient une augmentation progressive de l’ensemble des troubles de la vision à partir de 25 ans. «Il était nécessaire de vérifier si cette progression était linéaire parce que les études en question ont été effectuées avec peu de sujets et parce qu’on n’avait jusqu’ici aucune donnée objective sur les aberrations optiques d’ordre supérieur chez les enfants», indique la Dre Brunette.

Les aberrations optiques d’ordre supérieur sont celles qui entraînent une réduction de la qualité optique et auxquelles les lunettes ne peuvent remédier. Elles sont plus subtiles que les anomalies d’ordre inférieur comme la myopie, l’hypermétropie et l’astigmatisme, qui sont corrigés par le port de lunettes.

Des enfants de 65 ans!

Pour la première fois, on a donc réuni dans une étude sur l’ensemble des aberrations optiques 98 sujets âgés de 5 à 80 ans, en éliminant les personnes atteintes de cataractes. Les données recueillies à l’aide d’un aberroscope (appareil mesurant la distorsion du front d’onde d’un point lumineux réfléchi par la rétine) ont étonné les chercheurs: les troubles de la vision chez les enfants de 5 ans sont aussi marqués que chez les gens de 65 ans.

Le niveau moyen d’aberrations d’ordre supérieur décroît pendant l’enfance, l’adolescence et chez le jeune adulte pour atteindre son point le plus bas entre 35 et 40 ans. Puis il se met à remonter de façon continue jusqu’à 80 ans.

«Contrairement à ce qu’on croyait, les aberrations d’ordre supérieur ne sont pas à leur niveau minimal chez les enfants», souligne Isabelle Brunette.

Chez les adultes, l’augmentation des aberrations optiques s’explique par le vieillissement des structures oculaires et met principalement en cause une perte de transparence et un changement de forme du cristallin et, à un degré moindre, une altération de la forme de la cornée. Mais le nombre élevé de distorsions observées chez les enfants ne peut s’expliquer par l’opacification des milieux optiques, qui sont très clairs à cet âge.

«Ce serait plutôt le désalignement des éléments optiques de l’œil pendant son développement qui expliquerait les anomalies observées jusqu’à l’adolescence tardive, soutient l’ophtalmologiste. À la naissance, l’œil est petit, le cristallin est rond, la cornée est très courbe et les bébés sont hypermétropes. Puis avec la croissance, l’œil s’allonge, la cornée et le cristallin s’aplatissent. Et pourtant, la qualité de la vision tend à se maintenir malgré tous ces remaniements.»

Un processus d’autocorrection est donc à l’œuvre pour assurer une vision normale tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Selon Isabelle Brunette, les données recueillies portent à penser que les aberrations d’ordre supérieur joueraient un rôle dans ce processus de normalisation de la vision.

Les résultats de cette recherche, cosignée par les professeurs Juan Bueno, de l’Université de Murcie, en Espagne, Pierre Simonet et Habib Hamam, de l’École d’optométrie, et Mireille Parent, étudiante à la maîtrise à la même école, ont été publiés dans le numéro de décembre 2003 de la revue Investigative Ophthalmology and Visual Science, reconnue comme le meilleur magazine qui soit dans le domaine.

Isabelle Brunette poursuit ses travaux afin de comprendre davantage le lien entre les aberrations optiques et le développement de l’œil et ainsi de mieux connaître les différences entre l’œil de l’enfant et celui de l’adulte.

Daniel Baril



 
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