Édition du 15 mars 2004 / volume 38, numéro 24
 
  La tremblante des étoiles
Gilles Fontaine découvre une nouvelle catégorie d’étoiles vibrantes

Analyse spectrale de différentes phases vibratoires d’une sous-naine blanche

La découverte de nouveaux objets célestes provoque toujours un certain émoi dans les milieux de l’astrophysique. Celle de Gilles Fontaine, professeur au Département de physique, et d’Elizabeth Green, de l’Université de l’Arizona, codécouvreurs d’une nouvelle catégorie d’étoiles vibrantes, n’a pas fait exception.

«L’annonce de cette découverte a été le haut fait de la Conférence internationale sur l’astroséismologie, tenue au Portugal l’été dernier», avoue le chercheur, qui a déjà contribué à la découverte de trois autres types d’étoiles vibrantes. Il est d’autant plus heureux de cette dernière trouvaille qu’elle est survenue de façon fortuite, alors qu’il était plutôt à la recherche d’étoiles doubles chez les sous-naines blanches.

Mais de quoi s’agit-il au juste? «Toutes les étoiles connaissent des phases vibratoires à certains moments de leur évolution et ceci se traduit par une variation de l’intensité lumineuse, explique Gilles Fontaine. Ces phases vibratoires peuvent durer des centaines de millions d’années, mais les variations lumineuses sont très faibles et ne sont observables qu’avec des appareils spécialisés. C’est comme essayer de mesurer les oscillations de la flamme d’une petite bougie d’anniversaire placée à 10 km de distance.»

Les causes de ces vibrations ne sont pas toujours les mêmes et l’on connaît actuellement une trentaine de types d’étoiles vibrantes. Notre soleil en est une. Dans son cas, la convection intense à sa surface produit des ondes sonores qui font vibrer l’astre.

L’astroséismologie

L’intérêt que présentent ces étoiles est très grand puisqu’elles ont la particularité de permettre l’observation de leur structure interne. De la même façon que les ondes sismiques permettent aux géophysiciens d’étudier la composition des différentes couches de l’écorce terrestre jusqu’au noyau, les vibrations d’une étoile permettent aux astrophysiciens d’en préciser la masse, le volume, la luminosité et l’âge. Certains paramètres, comme la composition chimique de la surface et des couches intérieures, ne sont accessibles que par cette méthode dérivée de la sismologie et qu’on appelle l’astroséismologie.

Gilles Fontaine

«C’est par l’astroséismologie qu’on a pu mesurer de façon très précise la température et la densité du Soleil et établir un modèle stellaire standard des plus réalistes», souligne le professeur Fontaine.

La nouvelle catégorie d’étoiles vibrantes qu’il a débusquée fait partie de la famille des sous-naines blanches. L’étude astroséismologique de l’une d’elles a permis de déterminer qu’elle possède une structure en oignon composée d’un noyau de carbone et d’oxygène qui constitue 10 % de la masse, le reste étant fait d’un manteau d’hélium pur. Une mince couche d’hydrogène (0,01 % de la masse) entoure l’ensemble.

«Ces données nous fournissent de nouvelles indications sur l’évolution et la mort des naines blanches et il nous est ainsi possible de rectifier nos modèles», précise le chercheur.

Parce que les vibrations de ces sous-naines blanches sont très lentes, l’étude a demandé cinq semaines d’observation en continu du même astre, ce qui a nécessité le recours à des télescopes répartis tout autour du globe, soit en Amérique, en Europe, en Afrique du Sud et en Australie.

En mettant à contribution l’expertise de ses collègues et ex-étudiants Pierre Brassard (UdeM), Stéphane Charpinet (observatoire Midi-Pyrénées), Pierre Chayer (Université Johns Hopkins) et Malvina Billère (European Southern Observatory), Gilles Fontaine a pu résoudre l’énigme de ces vibrations, qui seraient dues à la radiation émise au centre de l’étoile. «Cette radiation peut prendre un million d’années pour atteindre la surface, explique-t-il. Selon la densité des couches externes, la radiation peut être bloquée et la tension engendre la vibration.»

La radiation s’échappe finalement par les couches plus minces et l’image pourrait ressembler à celle d’une braise dont l’incandescence oscille selon l’intensité de la chaleur.

Suzanna, Betsy et LAPOUNE

Une étudiante du professeur Fontaine, Suzanna Randall, venue de Londres pour poursuivre l’étude de ces étoiles, consacrera son doctorat à l’observation d’une seconde sous-naine blanche vibrante, ce qui devrait apporter de nouvelles données sur ces astres. L’observation débutera ce mois-ci à l’observatoire du mont Bigelow, près de Tucson, en Arizona.

Pour rendre hommage à sa collègue Elizabeth Green, Gilles Fontaine a baptisé ces étoiles du nom de Betsy. «Ça fait plus poétique que WR315», souligne-t-il, tout en sachant qu’elles finiront par être désignées de la sorte.

Dans un milieu réputé pour être plutôt conservateur, ce geste en a étonné quelques-uns. Mais Gilles Fontaine n’en était pas à sa première fantaisie. Il a nommé son appareil d’astroséismologie LAPOUNE et a déjà inscrit comme collaborateur Achille Talon!

Daniel Baril



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement