Édition du 22 mars 2004 / volume 38, numéro 25
 
  La Journée internationale de la Francophonie célébrée à l’Université
Marie-Célie Agnant livre un vibrant plaidoyer en faveur d’Haïti

De gauche à droite, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, le premier ministre du Québec, Jean Charest, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, Abdou Diouf, le premier ministre du Canada, Paul Martin, et le recteur Robert Lacroix.

De l’avis général, on avait rarement vu autant de mesures de sécurité mises en place à l’Université de Montréal. Des agents armés de détecteurs et accompagnés de chiens inspectaient les sièges de l’auditorium Ernest-Cormier à la recherche d’éventuels explosifs pendant que, dans le hall d’honneur du Pavillon Roger-Gaudry, de grands gaillards vêtus de costumes sombres et munis de cellulaires montaient la garde. C’est que plusieurs invités de marque avaient confirmé leur présence à la cérémonie officielle destinée à souligner la Journée internationale de la Francophonie.

Les premiers ministres du Canada Paul Martin, du Québec Jean Charest et du Nouveau-Brunswick Bernard Lord, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, Abdou Diouf, et plusieurs autres dignitaires s’étaient déplacés pour l’événement. Retransmise en direct sur TV5, la cérémonie se déroulait cette année à Montréal dans le cadre des fêtes du 125e anniversaire de l’UdeM.

Micheline Cambron

Avenir du français, diversité culturelle et solidarité politique se sont avérés les grands thèmes de la Journée, qui a débuté par une table ronde qu’avait organisée Micheline Cambron, professeure au Département d’études françaises et codirectrice du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises. La journaliste Madeleine Poulin a animé le débat sur l’avenir des francophonies en Amérique, présenté sur le thème «Créer, penser, informer». Une autre animatrice bien connue, Denise Bombardier, était chargée de l’animation de l’émission diffusée sur TV5 à partir du Hall d’honneur, devant les drapeaux des 32 membres de la Francophonie déployés pour l’occasion.

Un plaidoyer en faveur d’Haïti

Marie-Célie Agnant, la première conférencière à s’exprimer, a livré un plaidoyer vibrant en faveur d’Haïti. Pour cette écrivaine et conteuse, le français est la langue du colonisateur dans le sens le plus douloureux qui soit. «La France, en quittant Haïti, n’a rien laissé d’autre que cette langue, qui est devenue une montagne séparant l’élite, l’infime minorité parlant un français épuré des scories du créole, et le reste de la population», a-t-elle déclaré. Faisant allusion aux 90 millions de francs en or qu’Haïti a dû payer à la France après son indépendance et à l’endettement chronique qui a suivi, elle a dénoncé le manque de solidarité de la Francophonie à l’égard d’Haïti, y compris lors des derniers événements qui ont secoué le pays. «Je ne peux éprouver pour la langue française la même vénération que celle d’écrivains d’autres générations», a-t-elle observé, tout en soulignant le paradoxe de son attachement à cette langue qui lui a été imposée mais qu’elle a aussi décidé de s’approprier et qu’elle défend régulièrement dans des conférences et des ateliers partout en Amérique.

Marie-Célie Agnant

Glen Pitre, le deuxième conférencier, a pour sa part abordé, de façon drôle et émouvante à la fois, la situation du français dans le bayou Lafourche, en Louisiane, où il a grandi. «C’est peut-être là que le français est le plus fort dans la région, mais il risque de disparaître avec les vieux», a dit ce cinéaste au savoureux accent acadien. Ce qui a tué le français en Louisiane, selon lui, c’est la promesse de prospérité représentée par l’anglais. «Nous n’avons pas été battus, nous avons été séduits, a-t-il poursuivi. Avons-nous fait le bon choix? C’est à vous de répondre. Car le serpent est encore dans l’arbre et la pomme encore plus douce. Avez-vous peur? Peut-être le devriez-vous, car il ne faut qu’une génération pour perdre une langue.» Glen Pitre a également évoqué la très grave crise environnementale qui menace la terre même de ses ancêtres: chaque année, 70 km2 de la côte louisianaise sont engloutis par le golfe du Mexique.

Gerry L’Étaing, qui enseigne à l’Institut supérieur d’études francophones (ISEF) de l’Université des Antilles et de la Guyane, a tenu des propos plus optimistes. Sa communication visait à souligner l’importante contribution de l’ISEF au rayonnement du français langue étrangère dans une zone majoritairement hispanophone et anglophone.

Les visages de la francophonie

Joseph Yvon Thériault

De leur côté, l’écrivain franco-ontarien Robert Dickson, le jeune chanteur fransaskois Michel Marchildon, le professeur d’études françaises à l’Université de Waterloo François Paré et le sociologue de l’Université d’Ottawa Joseph Yvon Thériault ont donné un aperçu des différents visages de la francophonie au Canada. Selon M. Thériault, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche Identité et francophonie, il y a un danger à envisager «les francophonies des Amériques comme des entités de plus en plus diversifiées et métissées». À une diversité cosmopolite «qui finit par annuler toutes les différences», il oppose une diversité communautaire qui exige, pour garantir la préservation d’une véritable diversité, l’existence d’entités culturelles autonomes.

Au cours de la cérémonie officielle qui a suivi, les dignitaires présents ont tous manifesté leur attachement à la francophonie comme espace non seulement de défense de la langue française, mais aussi de tolérance et d’harmonie entre les peuples. «Votre existence au sein de ce continent, dans un contexte souvent difficile, est la preuve que la francophonie peut faire entendre au monde un message de paix, d’harmonie et d’attachement à la démocratie. Continuons à faire entendre ce message», a dit Abdou Diouf à l’assemblée. Le secrétaire général s’est montré profondément honoré du doctorat honoris causa que lui a remis l’Université de Montréal à la clôture de cette journée.

Les drapeaux de près de 60 pays et provinces francophones ornaient le Hall d’entrée du Pavillon Roger-Gaudry le 17 mars, à l’occasion des célébrations marquant la Journée internationale de la Francophonie à l’Université.

Marie-Claude Bourdon      



 
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