Édition du 29 mars 2004 / volume 38, numéro 26
 
  Les «gros mangeurs» de poisson évitent le diabète
La consommation de poisson réduit de moitié le taux de diabète chez les obèses

André Nkondjock

Le nombre de personnes obèses dans le monde ne cesse d’augmenter. Présentement estimé à environ 130 millions d’individus, il pourrait doubler d’ici 2025. Et toutes les régions du globe sont touchées.

Entre autres complications, l’obésité s’avère un facteur élevé de diabète de type 2, c’est-à-dire le diabète où il y a une insuffisance (plutôt qu’une absence) de sécrétion d’insuline. Ce diabète apparaît vers 40 ans et sa fréquence s’accroît avec l’âge.

Si l’on veut éviter la combinaison de ces deux maladies, on aurait avantage à consommer plus de poisson. En effet, la fréquence du diabète de type 2 est réduite de moitié dans les pays où il y a un fort taux d’obésité et une forte consommation de poisson.

C’est ce qu’a montré une étude épidémiologique d’André Nkondjock, de l’Unité de recherche en épidémiologie de l’Hôtel-Dieu (CHUM). Le chercheur a constaté cette corrélation en comparant la prévalence de ce type de diabète, le taux d’obésité et la consommation totale de poisson et de fruits de mer par habitant dans 41 pays.

Le rapport établi entre consommation de poisson et réduction du diabète est donc indirect, mais selon André Nkondjock la corrélation positive est trop fortement significative pour ne pas y voir de lien. «Dans les populations où il n’y a pas beaucoup d’obésité, l’effet d’une forte consommation de poisson sur le taux de diabète est positif mais faible, précise le chercheur. Mais là où l’obésité est élevée, une forte consommation de poisson fait chuter le taux de diabète de moitié.»

Géographie de l’obésité et du diabète

 
Le taux d’obésité est considéré comme élevé lorsqu’il atteint 7,4 % au sein d’une population, alors qu’une consommation de 11 kg de poisson et de fruits de mer par personne par année constitue le seuil pour parler d’une forte consommation. Dans les pays à taux élevé d’obésité et à faible consommation de poisson, près de 7 % de la population souffre de diabète de type 2. Le taux atteint 11 % chez les 45 ans et plus. L’Arabie Saoudite, l’Égypte, le Brésil et la Colombie, entre autres, entrent dans ces statistiques.

Dans les pays où l’obésité et la consommation de poisson sont élevées, le taux de diabète passe à 3,5 % dans l’ensemble de la population et à 6,2 % chez les gens de 45 ans et plus. Le Canada, les États-Unis, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Mexique, l’Australie, le Pérou et la Suisse en font notamment partie.

Plus précisément pour le Canada, mentionnons que le taux d’obésité atteint 12 % dans la population; avec une consommation annuelle de 23,5 kg de poisson par habitant, la prévalence du diabète de type 2 est de moins de 6 %, tous groupes d’âge confondus. À l’autre extrémité, l’Égypte affiche un taux d’obésité étonnant de 19,4 %; la consommation annuelle de poisson n’y est que de 8,7 kg par habitant et la prévalence du diabète dans la population totale atteint 11,7 %.

Comme on pouvait s’y attendre, les États-Unis sont au premier rang pour la fréquence de l’obésité, avec un taux de 22,5 %! Leur consommation de poisson est de 21,6 kg et le taux de diabète de 5,7 %.

Certains pays, comme la France, la Côte-d’Ivoire, l’Italie et les Comores, présentent un profil idéal, soit un faible taux d’obésité, une forte consommation de poisson et un faible taux de diabète. En France, par exemple, la prévalence de l’obésité est de 7 %, la consommation de poisson dépasse 30 kg par habitant et la fréquence du diabète n’est que de 1,2 %. Même chez les 45 ans et plus, le taux de diabète n’est que de 2,4 %.

Ce dernier exemple, de même que la comparaison des données entre le Canada et les États-Unis, indique que des facteurs autres que la seule consommation de poisson entrent en jeu, ce que ne nie pas André Nkondjock: «L’âge de la population, la pratique soutenue d’activités physiques, l’histoire familiale et le code génétique sont des facteurs à considérer pour le diabète, confirme-t-il. Notre étude est exploratoire, mais l’important est la constance de la corrélation entre les trois éléments, qui nous montre qu’il y a quelque chose à prendre en compte du côté de la consommation de poisson. Quand on compare les pays entre eux, les différences sont faibles et n’invalident pas la corrélation.»

Gras oméga-3

Certaines recherches avaient déjà montré un lien entre la consommation de poisson et la réduction du diabète, mais c’est la première fois qu’une étude met ces deux éléments en relation avec l’obésité.

Selon le chercheur, les acides gras oméga-3 contenus dans les huiles de poisson pourraient être l’élément clé expliquant l’effet anti-diabète du poisson chez les personnes obèses. «Des études ont révélé que les oméga-3 stimulent la sécrétion d’insuline et facilitent son action dans les tissus musculaires», souligne-t-il.

Les obèses auraient donc avantage à ajouter cet élément à leur alimentation puisque l’équilibre alimentaire est habituellement la seule façon de combattre le diabète de type 2.

La recherche d’André Nkondjock a été menée sous la direction d’Olivier Receveur, professeur au Département de nutrition. M. Nkondjock est actuellement chercheur postdoctoral au sein de l’équipe de Parviz Ghadirian, également du Département de nutrition et épidémiologiste à l’Hôtel-Dieu.

Daniel Baril



 
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