Édition du Édition du 5 avril 2004 / volume 38, numéro 27
 
  Portrait de l’artiste en clown
Constance Naubert-Riser a contribué à monter La grande parade

Laura Knight, Charivari ou La grande parade (détail), 1928,Newport Museum and Art Gallery, Newport (pays de Galles).

Dès le 18e siècle, les artistes se sont très souvent représentés en saltimbanques et ont peint d’innombrables scènes de cirque ou de théâtre. Goya, Degas, Picasso, Daumier, Chagall, Toulouse-Lautrec, Léger ont laissé de grandes toiles sur ce thème.

«Depuis que les artistes ont été chassés de la cour du roi de France, sous Louis XIV, les peintres se sont appropriés cette image des exclus. C’est une figure identitaire très forte. Comme l’artiste, l’acrobate, le funambule, c’est celui qui prend des risques», explique l’historienne de l’art Constance Naubert-Riser, qui a monté, avec une équipe de spécialistes, l’exposition d’envergure La grande parade: portrait de l’artiste en clown.

Ce sont 175 œuvres des plus grands peintres d’Europe et d’artistes américains qui seront présentés au cours des prochains mois, au Grand Palais, à Paris, jusqu’au 31 mai, puis au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, à partir du 25 juin. C’est d’ailleurs le directeur du musée canadien, Pierre Théberge, qui a dirigé l’équipe internationale de commissaires dont faisait partie Mme Naubert-Riser.

Constance Naubert-Riser

L’inauguration de l’exposition à Paris, le 11 mars dernier, a remué les chroniqueurs. «Quelle puissance dans ces œuvres qui possèdent en elles-mêmes un pouvoir certain mais qui, rapprochées, en dialogue, en disent encore plus», a clamé Armelle Héliot dans Le Figaro. À propos de la présentation thématique, elle note que le spectateur ne doit pas demeurer passif. «Et sur les fils que l’on tend, il faut se faire fildefériste pour suivre les propositions des commissaires», écrit-elle encore.

Parmi les œuvres majeures, les Picasso, bien sûr, mais aussi les Dix, Chagall, Doré, Léger, Klee, Tiepolo et Watteau.

Secret bien gardé

C’était donc ça, le secret de la professeure du Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques (qu’elle a dirigé jusqu’en juin dernier). Elle avait laissé entendre à Forum qu’elle travaillait sur "quelque chose", mais s’était montrée avare de commentaires. "Nous ne pouvons pas parler de nos projets tant que le catalogue n’est pas chez l’imprimeur, explique-t-elle aujourd’hui. Tant que tout n’est pas réglé, nous devons nous en tenir à une stricte confidentialité." Il y a de nombreuses embûches à surmonter entre la naissance d’une idée et le vernissage d’une exposition de cette envergure, qui repose sur des prêts de 23 musées des quatre coins du monde et qui compte sur un budget d’au moins deux millions de dollars.

 
 

Henri de Toulouse-Lautrec, Le trapèze volant, 1899.

L’idée de La grande parade a vu le jour à Montréal, en 1998, lorsque Jean Clair, directeur du musée Picasso, est venu parler de la période verte du grand peintre espagnol. L’autre élément inspirateur, un texte de Jean Starobinsky publié en 1970, Portrait de l’artiste en saltimbanque, allait donner de l’élan à cette idée de réunir de grandes œuvres autour de ce thème coloré. Mais il y avait loin de la coupe aux lèvres.

Une étudiante à la maîtrise de l’UdeM, Mélanie Racette, a été intégrée dans l’équipe. Auteure de l’imposante chronologie du livret et d’un grand nombre de notices, elle a joué un rôle significatif dans la rédaction du magnifique catalogue publié en français et en anglais par les presses de l’Université Yale et le Musée des beaux-arts du Canada.

Une quatrième exposition majeure

Depuis 15 ans, Constance Naubert-Riser est membre d’une équipe de spécialistes à qui nous devons des expositions d’importance. Après Les années 20: l’âge des métropoles en 1991 et L’Europe symboliste en 1995, cette équipe sous la direction de Jean Clair a présenté Le cosmos: du romantisme à l’avant-garde en 2000. Cette exposition voulait souligner le tournant du millénaire avec un autre thème très riche.

Les commissaires, qui jouissaient déjà d’une excellente réputation dans leur milieu respectif, ont acquis au rythme des vernissages une crédibilité internationale. Mme Naubert-Riser est particulièrement fière de l’exposition sur le symbolisme. Depuis la présentation de Montréal sur les "paradis perdus", le symbolisme semble en voie d’être réhabilité puisque deux expositions majeures, en Allemagne et en Suède, ont été consacrées à ce thème.

La grande parade
montre en majorité des œuvres d’art pictural, mais on pourra aussi admirer des sculptures, des photos et des séquences de cinéma présentées en boucle sur support vidéo. Les artistes sont principalement européens, mais quelques œuvres sont signées par des Américains.

Le thème du clown, très populaire en Europe, a toutefois échappé aux artistes canadiens et québécois. Pour être inspirés par ce thème, ils auraient dû être placés en présence de cirques. Or, les cirques ambulants ont été plutôt rares sous nos latitudes, explique l’historienne de l’art. Du moins, jusqu’à la naissance du très célèbre… Cirque du Soleil.

Une exposition à ne pas manquer, donc.

Et quand on demande à Mme Naubert-Riser si elle a d’autres projets, elle répond tout simplement oui. Inutile d’insister.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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