Édition du Édition du 5 avril 2004 / volume 38, numéro 27
 
  Une consultation est en cours sur l’avenir du CRSH
François Lepage exhorte la communauté universitaire à s’exprimer

 

François Lepage

Le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) devrait-il écarter de ses programmes de subvention les chercheurs dont les recherches n’ont pas d’impact visible sur la société? Devrait-il limiter l’attribution de ses subventions aux chercheurs qui acceptent de travailler en partenariat? Voilà deux des nombreuses questions sur lesquelles la communauté universitaire est invitée à s’exprimer de manière à éclairer l’organisme subventionnaire engagé dans la plus importante réforme de son histoire.

«Dans l’esprit du CRSH, tout est sur la table, tout est possible», résume François Lepage, vice-doyen aux infrastructures et aux communications à la Faculté des arts et des sciences. M. Lepage a été mandaté par le vice-recteur Alain Caillé pour superviser la consultation sur le campus avec l’appui d’un comité chargé de compiler les réactions des universitaires aux propositions du CRSH. Mais le temps presse: les professeurs ont jusqu’au 15 avril pour faire parvenir leurs commentaires au comité. Les chercheurs pourront également commenter la version préliminaire du rapport de l’Université au cours d’une rencontre qui aura lieu le 26 avril à la salle B-3205 du Pavillon 3200 Jean-Brillant de 14 h à 17 h. L’Université a jusqu’au 1er mai pour transmettre sa réaction au CRSH.

Dans son document de consultation, intitulé D’un conseil subventionnaire à un conseil du savoir, le CRSH s’interroge donc sur le rôle changeant du chercheur en sciences humaines. «Les sciences humaines sont-elles organisées et ont-elles les moyens nécessaires pour permettre à nos structures sociales d’innover au même rythme que la technologie […] ?» demande son président, Marc Renaud.

Il ne fait aucun doute, note pour sa part M. Lepage, qu’en Amérique du Nord les professeurs de lettres, de sociologie ou d’éducation, par exemple, ne s’attirent pas le même respect du public qu’en Europe. «Ici, c’est l’ingénieur et le médecin qui ont la cote, dit-il, en ajoutant tout de même que «les gens commencent à prendre conscience que beaucoup de problèmes ne se règlent pas par la technologie» et que les sciences humaines jouent un rôle fondamental.

Des recherches trop peu remarquées

Pour François Lepage, d’ailleurs, la question des retombées et de la visibilité des recherches constitue un enjeu majeur de la consultation. «On reproche aux chercheurs de ne pas rendre visible l’impact de leurs recherches auprès du grand public», rapporte le professeur de philosophie. L’image du chercheur qui publie un livre sur un sujet obscur, que seuls quelques collègues lisent, a la vie dure!

«Il y a des recherches qui se prêtent à une grande visibilité et d’autres qui sont condamnées à rester dans l’ombre, poursuit M. Lepage. Leibniz n’a jamais été un coup de cœur chez Renaud-Bray. Du reste, même ceux qui mènent des recherches susceptibles d’être largement diffusées auprès du grand public reconnaissent qu’une grande partie de la recherche ne peut être rendue accessible ou vulgarisée.»

 
Dans son document, le CRSH dit que, «par rapport à d’autres pays, le Canada est sous-développé en ce qui concerne la transmission du savoir, assurée ailleurs par des centres d’étude et de recherche, des fondations, des conseils gouvernementaux, des académies nationales et d’autres organismes».

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le CRSH désire aussi promouvoir «l’engagement interactif à l’échelle nationale et internationale». En bref, «le chercheur, à titre individuel, aura toujours sa place à condition qu’«individuel» ne soit pas synonyme d’"isolement"».

Pour sa part, François Lepage est sensible à cet argument, tout en mettant le CRSH en garde contre le modèle unique. «En littérature, par exemple, les quelques chercheurs spécialistes de Proust n’ont pas eu besoin de fonder un superinstitut. Ils se parlent déjà. Et l’on ne peut être deux à tenir un crayon. En revanche, les chercheurs qui entreprennent une étude transversale sur les compétences linguistiques des élèves du secondaire au Canada auraient tout avantage à être en réseau.»

Cette consultation, on le voit, est extrêmement importante et aura vraisemblablement des répercussions sur le financement à long terme de la recherche en sciences humaines. Dans le dernier budget fédéral, livré le 23 mars dernier, toutes les enveloppes des conseils subventionnaires ont été haussées, mais celle du CRSH moins que les autres. Par ailleurs, au cours des dernières années, le budget du CRSH a pour ainsi dire doublé, passant de 99 M$ en 1995-1996 à 197 M$ en 2003-2004. Le CRSH représente 70 % des chercheurs soutenus. La communauté de recherche en sciences humaines compte 18 000 professeurs et 40 000 étudiants des cycles supérieurs.

M. Lepage mise énormément sur la consultation des chercheurs de l’Université. Avec son équipe, il a préparé un «canevas de discussion» visant à accompagner le document du CRSH et qui a été remis aux doyens, directeurs de département, etc. Les membres du comité qui travaillent avec M. Lepage sont Marcelle Cossette-Ricard (Département de psychologie), Amaryll Chanady (Département de littérature comparée), Nicole Dubreuil (Faculté des études supérieures), Marie McAndrew (Faculté des sciences de l’éducation et CEETUM), Gregor Murray (École de relations industrielles et CRIMT), Yves Murray (adjoint au vice-doyen à la Faculté des arts et des sciences) et Pierre Noreau (Faculté de droit et CRDP). Martin Blanchard, étudiant au doctorat, assure le secrétariat du comité. C’est lui qui est chargé de recevoir les réactions de la communauté (martin. blanchard@umontreal.ca).

«La transmission des connaissances, de l’héritage de la civilisation est cruciale. Mais est-elle directement mesurable? demande François Lepage. N’est-il pas juste de penser que tous ceux qui ont fréquenté les sciences humaines et sociales ont développé un sens critique qui a contribué à en faire de meilleurs citoyens? Les sciences humaines et sociales ont régulièrement à justifier leur existence. Il faut mener cette consultation de manière à ce qu’elles en sortent plus fortes.»

Paule des Rivières

 



 
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