Édition du 19 avril 2004 / volume 38, numéro 28
 
  Cécité diabétique: un mal évitable
La Dre Marie Carole Boucher facilite le dépistage de la rétinopathie

La Dre Marie Carole Boucher examine une patiente à l’aide d’une caméra de détection de la rétinopathie.

Le diabète, qui touche déjà de 7 à 10 % des Canadiens, multiplie par 25 le risque d’être atteint de cécité. Avec le vieillissement de la population, on prévoit que le taux de diabète grimpera à 40 % en 2025. Cette épidémie appréhendée fait donc craindre une hausse marquée de la cécité.

«Le dépistage de la rétinopathie diabétique n’est pas facile parce que cette maladie est asymptomatique, souligne Marie Carole Boucher, professeure au Département d’ophtalmologie de la Faculté de médecine et ophtalmologiste à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Jusqu’à un stade avancé de la maladie, le patient n’éprouve aucune douleur et ne remarque aucune diminution de son acuité visuelle. La cécité peut toutefois se manifester de façon subite par une hémorragie dans le globe oculaire.»

Après 10 ans de diabète, 70 % des patients ont des atteintes aux yeux, soit sous forme de prolifération de vaisseaux sanguins dans la rétine, soit sous forme de fuites provenant des vaisseaux fragilisés par le diabète. Après 20 ans, près de 100 % des diabétiques sont touchés par la rétinopathie. Dans l’ensemble, 10 % des diabétiques souffrent d’une atteinte grave aux yeux susceptible de provoquer la cécité sans signe précurseur. Étant donné que ces affections peuvent être très bien traitées par la chirurgie au laser et que cette chirurgie est peu dispendieuse, le diabète devient donc la principale cause évitable de cécité au sein de la population active.

Faciliter le dépistage

Un exemple de prolifération de vaisseaux sanguins dans la rétine provoquée par le diabète. Ces vaisseaux peuvent saigner et entraîner une perte soudaine de la vision ou se rétracter et causer un décollement de la rétine.

Mais pour dépister les patients à risque, il faut examiner 100 % des diabétiques alors que moins de 50 % d’entre eux subissent des examens annuels. Différents facteurs sont responsables de ce faible taux de consultation: le caractère asymptomatique de la maladie; le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste (jusqu’à un an); l’inconfort de la technique d’examen, qui nécessite une dilatation de la pupille; et le fait que le dépistage demande une expertise particulière de la part du médecin spécialiste. «Même un médecin d’expérience ne détecte que 79 % des cas», affirme la professeure.

Pour faciliter le dépistage de masse et désengorger le système de santé, Marie Carole Boucher a établi un nouveau modèle de diagnostic recourant à la télédétection. «Des caméras numériques nous permettent maintenant de voir le fond de l’œil sans avoir à dilater la pupille, explique-t-elle. La prise des images de la rétine peut être faite localement par un technicien ou par une personne formée en conséquence, et l’expertise médicale est fournie à distance par un médecin spécialiste. Ainsi, un dépistage de qualité médicale est offert aux personnes diabétiques et les médecins généralistes ou endocrinologues sont libérés de cette tâche. Seuls les patients déjà atteints et dont l’état nécessite un suivi ou un traitement sont dirigés vers les ophtalmologistes, qui peuvent ainsi se consacrer entièrement aux traitements des véritables cas de rétinopathie.»

L’instauration d’un tel système implique de respecter à la lettre de hauts standards de qualité, à la fois pour la prise de photos, le transfert des données, leur manipulation et leur interprétation. Au cours des dernières années, la Dre Boucher s’est employée à élaborer et à évaluer ces standards. Une expérience pilote, menée au CLSC de Varennes où l’on a installé une caméra de détection, a donné des résultats prometteurs puisque 18 % des patients ainsi examinés n’avaient pas subi d’examens depuis plus de deux ans. «Ces patients étaient en situation dangereuse parce qu’ils n’étaient plus dans le système de santé», souligne la chercheuse.

De plus, l’expérience a montré qu’une telle méthode de dépistage permettait de réduire de près de 80 % le nombre d’examens de routine auparavant effectués par les ophtalmologistes tout en facilitant un dépistage de l’ensemble de la population diabétique. Lorsqu’un cas de rétinopathie est détecté, un rendez-vous est immédiatement pris avec un ophtalmologiste, ce qui diminue considérablement le délai d’attente. Par ailleurs, l’archivage des données favorisera la mise sur pied d’un registre de la rétinopathie diabétique qui servira, entre autres, à mesurer les résultats du dépistage.

Les caméras spécialisées indispensables pour ces télédétections pourraient être installées dans les CLSC et les cliniques médicales, chez les optométristes ou dans les pharmacies. Même si chaque appareil vaut 35 000 $, ce système fera faire des économies considérables au régime de santé puisque le coût lié aux soins à donner à chaque personne diabétique atteinte de cécité s’élève à 500 000 $.

La Dre Boucher poursuit ses travaux en vue d’améliorer le rapport qualité-prix des différents modèles de dépistage. Les ressources pourront ainsi être concentrées sur le traitement des personnes diabétiques.

Daniel Baril



 
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