Édition du 31 mai 2004 / volume 38, numéro 31
 
  Création de l’Institut québécois de la biodiversité
L’organisme veut sauver les collections de sciences naturelles

Les porte-parole de l’Institut québécois de la biodiversité observant quelques lépidoptères de la collection entomologique de l’Université de Montréal : Pierre Brunel, Frédérick Back, Hubert Reeves et Pierre Dansereau. À eux quatre, ils incarnent plus de trois siècles de connaissances scientifiques.

L’astrophysicien Hubert Reeves, le biologiste Pierre Dansereau et l’artiste Frédérick Back se sont associés à la sauvegarde des collections de sciences naturelles du Québec en participant au lancement de l’Institut québécois de la biodiversité (IQBIO) le 18 mai à l’Université de Montréal. Le nouvel organisme a pour mandat de soutenir «la conservation, le développement et la mise en valeur des collections scientifiques», comme l’indiquent ses lettres patentes.

Concrètement, l’IQBIO veut empêcher la disparition d’une quantité de petits trésors méconnus qui témoignent de la richesse écologique du territoire québécois et des mers environnantes et susciter l’intérêt à leur égard. «Certaines collections sont littéralement au bord de la poubelle, mentionne Pierre Brunel, professeur retraité du Département de sciences biologiques et président de l’IQBIO. Si l’on ne fait rien, ces collections vont disparaître au moment où leurs responsables prendront leur retraite.»

C’est à M. Brunel qu’on doit l’initiative de ce regroupement, ouvert à tous ceux qui ont à cœur la préservation du patrimoine scientifique et qui compte pour l’heure 27 membres. Dès 1990, M. Brunel signait un premier rapport faisant état de la richesse insoupçonnée d’une quantité de collections de sciences naturelles. Il récidivait en 1993.

Lui-même propriétaire d’une imposante collection d’invertébrés marins qu’il a formée au fil des ans et qui contient des spécimens d’espèces rares ou disparues, Pierre Brunel a éveillé l’opinion publique à sa cause en 2001 (voir Forum du 20 janvier 2003). Il signalait notamment que le Québec était la seule province canadienne à ne pas posséder de musée de sciences naturelles. «L’enrichissement des connaissances sur nos écosystèmes passe par la préservation des collections de sciences naturelles qui ont été patiemment constituées par des scientifiques. Nous devons sauver les meubles», dit-il.

Des trésors dans des placards

Pour fonder l’IQBIO sur une base solide, M. Brunel a entrepris de répertorier les collections les plus intéressantes et les plus menacées, qu’elles soient de propriété privée ou publique. «Nous avons été surpris par l’ampleur de la tâche, a-t-il confié à Forum. Alors que nous avions espéré documenter une quarantaine de collections au départ, notre répertoire en comptait 95 en mars 2003, puis 150 à la fin d’août et 195 en décembre.»

Plusieurs nouvelles collections auraient été signalées depuis. Pour juger de la qualité des collections et de leur pertinence scientifique, les biologistes de l’Institut se font un devoir de les visiter une par une. À ce jour, moins de la moitié des collections ont reçu la visite de M. Brunel ou d’un de ses collègues. «Nous avons fait d’étonnantes découvertes, mentionne-t-il. Je pense à ce collectionneur d’Oka qui possédait une riche collection entomologique. Ou encore à cet ancien professeur de l’Université qui avait laissé dans un placard des centaines de boîtes de préparations microscopiques de coupes histologiques de cerveaux de mammifères.»

Rien n’est acquis à l’UdeM, qui abrite 29 collections d’importance. En effet, seulement 7 bénéficient d’un statut qui leur vaut des ressources et du personnel; 14 sont étiquetées «à statut incertain» et 6 sont «sans statut».

Le musée: pas pour demain

Devant l’étendue de la tâche à accomplir, Pierre Brunel ne veut pas s’aventurer sur le terrain des prospectives. L’IQBIO a été créé grâce à une modeste subvention du ministère de l’Environnement du Québec; il tentera désormais de se financer par diverses sources. Il loge officiellement là où repose la collection de M. Brunel. Mais si l’on veut éventuellement rassembler les collections scientifiques dans un lieu consacré à la biodiversité, il faudra un espace beaucoup plus grand et du personnel qualifié. Il y a loin de la coupe aux lèvres.

Faisant remarquer l’âge des personnalités qui ont soutenu la création de l’Institut – Pierre Dansereau a 93 ans et Frédérick Back en a 80 –, M. Brunel estime qu’il revient peut-être aux retraités de prendre part à cette croisade consacrée à la mémoire. «Je considère comme normal de rendre à la société un peu de ce qu’elle nous a donné», affirme-t-il.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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