Édition du 14 juin 2004 / volume 38, numéro 32
 
  Capsule science
Plus de jeunes équivaut-il à plus de crimes?

Les événements entourant la crise sur le territoire de Kanesatake ont amené le ministre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon, à tenir des propos sur la violence qui règne dans cette communauté en établissant un lien entre jeunesse et criminalité. Ces propos, auxquels on a reproché un manque de nuances, ont été décriés de toutes parts. Mais le ministre avait-il entièrement tort? Les communautés qui comptent plus de jeunes ne risquent-elles pas d’être davantage sujettes à la violence?

«Il est bien établi en criminologie qu’il existe un rapport entre la composition démographique d’une population et son taux de criminalité, répond Marc Ouimet, professeur à l’École de criminologie. Toutes choses égales d’ailleurs, un pays, un état, une ville ou un quartier constitué d’un nombre disproportionné d’adolescents et de jeunes adultes sera aux prises avec une criminalité plus forte qu’ailleurs. Ce sera aussi le cas si le nombre d’hommes est disproportionné.»

Sur le plan individuel, la probabilité de perpétrer des crimes est fortement corrélée à l’âge, explique le criminologue. «Peu de bébés ou d’enfants commettent des actes criminels alors que la plupart des adolescents sont responsables d’au moins un crime annuellement. Durant la vingtaine, on note une baisse marquée de la participation à des actes criminels, mais on remarque une hausse de la gravité des gestes commis (vols qualifiés, agressions sexuelles et violence conjugale notamment) chez ceux qui persistent. Puis, on voit l’implication dans des crimes chuter dans la trentaine et la quarantaine et relativement peu de personnes de 50 ans et plus sont mises en cause pour avoir commis un crime.»

La relation observée à l’échelle transversale est aussi valide sur le plan longitudinal, précise Marc Ouimet. Une communauté qui vieillit verra son taux de criminalité diminuer. Contrairement à l’idée répandue – et entretenue par les médias – que la violence augmente sans cesse, le taux de criminalité est en baisse en Amérique du Nord. «Une partie de la baisse considérable de la criminalité notée depuis 10 ans au Québec, au Canada et aux États-Unis s’explique par le vieillissement de la population, affirme le professeur. Il est difficile de situer exactement l’impact des variations démographiques sur la diminution de la criminalité par rapport aux autres facteurs comme l’amélioration des perspectives économiques des jeunes, l’allongement des études ou la hausse des probabilités d’arrestation-condamnation-incarcération, mais «à l’œil» on pourrait l’évaluer à 30 %.»

L’hypothèse démographique peut-elle rendre compte de la surcriminalité au sein d’un groupe particulier de la population? Selon les données du recensement de 2001, certains groupes ethniques de la région métropolitaine de Montréal se caractérisent par la jeunesse de leur population. Par exemple, si l’on compte 25 720 Noirs, 9025 Latino-Américains et 11 660 Asiatiques chez les 15-24 ans, on retrouve respectivement 7810, 1705 et 4585 résidants de ces trois groupes chez les 65 ans et plus. «Alors que, pour la population totale, le ratio des 15-24 ans et des 65 ans et plus est de 1, il est de 3,3 chez les Noirs, de 7,4 chez les Latino-Américains et de 2,5 chez les Asiatiques, note Marc Ouimet. Ainsi, simplement sur la base de la structure démographique, il serait normal d’observer une surcriminalité chez certains groupes de la population.»

Marie-Claude Bourdon



 
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