Édition du 30 août 2004 / volume 39, numéro 1
 
  Anne-Marie Boisvert s’installe aux commandes
La nouvelle doyenne de la Faculté de droit parle d’ouverture sur la société

La nouvelle doyenne de la Faculté de droit, Anne-Marie Boisvert

Quand nous l'avons rencontrée, en juillet dernier, entre un séjour de travail aux États-Unis et un voyage familial en Chine, Anne-Marie Boisvert trouvait que tout allait très vite dans sa nouvelle vie: «La Faculté de droit, c'est un gros navire qui file à grande vitesse», déclarait en riant celle qui succède à son conjoint, Jacques Frémont, aux commandes de la plus grande faculté de droit du Canada.

Cet éclat de rire qui ponctue presque chacune de ses phrases donne une idée de l'ardeur et de la bonne humeur avec lesquelles l'amirale envisage ses nouvelles fonctions, malgré la lourdeur qui leur est associée. «J'ai accepté le décanat en toute connaissance de cause, admet-elle. Je savais qu'à côté des honneurs et des activités de prestige il y a un énorme travail à accomplir.»

Si on la trouve bien jeune, à 43 ans, pour devenir doyenne, elle fait remarquer qu'il y avait bien peu de candidats à ce poste. Ayant commencé sa carrière de professeure à 26 ans, après des études supérieures à la Harvard School of Law, Anne-Marie Boisvert a été l'une des dernières recrues de la Faculté avant un gel d'embauche qui a duré sept ans. «À cause de la pyramide des âges au sein de la Faculté, la plupart des autres candidats étaient soit trop vieux, soit trop jeunes, ou ils avaient déjà occupé le poste», explique-t-elle avec un autre éclat de rire.

Pérenniser les acquis

Même si elle insiste pour se démarquer de son prédécesseur, elle avoue que son principal défi ne consistera pas à révolutionner la Faculté, mais à «pérenniser les acquis des dernières années»: «La Faculté a connu une véritable lancée au cours du dernier décanat et il faudra gérer la croissance», dit Anne-Marie Boisvert. Ainsi, on a mis sur pied deux écoles d'été, l'une à Beijing, où une vingtaine d'étudiants de l'UdeM se sont rendus encore cette année pour se familiariser avec le droit chinois, et l'autre à Montréal, en partenariat avec l'université américaine Villa Nova. Celle-ci permet à des étudiants et à des professeurs américains de venir à Montréal et ainsi de consolider les liens tissés avec l'American Bar Association, qui reconnaît le diplôme de common law de l'Université. «Ces programmes fonctionnent très bien, mais pouvons-nous continuer à en créer de nouveaux? C'est la question qu'il faudra se poser», observe la doyenne, ajoutant qu'au cours de la dernière année la Faculté a reçu des invitations d'une demi-douzaine d'universités dans le monde désireuses de fonder des partenariats avec elle.

De plus en plus ouverte sur le monde, la Faculté a aussi pris le virage «universitaire», enregistrant une augmentation significative de ses inscriptions aux cycles supérieurs. Selon Anne-Marie Boisvert, il s'agit d'un phénomène généralisé dans les facultés de droit. Par ailleurs, comme le droit est un programme d'études supérieures partout dans les autres provinces (même à l'Université McGill, on accepte très peu de candidats en provenance des cégeps), «il est normal que les diplômés de l'UdeM, parmi les plus jeunes du Canada, ressentent de plus en plus souvent le besoin d'approfondir leurs connaissances.»

Un nombre considérable d'étrangers viennent aussi grossir les rangs des cycles supérieurs. «Certaines des spécialités que nous avons développées, comme le droit des affaires, sont très attrayantes, fait remarquer la doyenne. De plus, depuis les événements du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, de nombreux pays, particulièrement dans la région du Maghreb, ne veulent plus envoyer leurs étudiants aux États-Unis. Or, nous leur offrons une porte sur l'Amérique du Nord, en français de surcroît.»

Une faculté branchée

Branchée sur la société, la Faculté de droit est à l'affût des secteurs d'activité en émergence. Le Centre de recherche en droit public, notamment, se penche sur tout ce qui concerne les nouvelles technologies, que ce soit dans le domaine biomédical ou dans celui des communications. Un nouveau programme de maîtrise
en commerce électronique, mis sur pied conjointement avec HEC Montréal, reflète d'ailleurs cette évolution de la technologie.

La judiciarisation de tous les aspects de la vie sociale ne va-t-elle pas trop loin? «On ne connaît pas ici les excès américains, répond la doyenne. Cela dit, il est clair que l'explosion des savoirs et des technologies, d'une part, et le recul de certains autres systèmes normatifs tels que les religions, d'autre part, entraînent un besoin accru de normativité. Dans un monde complexe, on ressent le besoin de définir les règles du jeu et cela constitue justement la spécialité des juristes. Maintenant, le tribunal est-il le lieu idéal pour régler tous les problèmes sociaux? Certainement pas. Mais comme je le dis souvent à mes étudiants, les tribunaux sont les seuls à ne pas pouvoir balayer sous le tapis les questions qui lui sont adressées.»

Selon la doyenne, elle-même spécialiste du droit pénal international, une autre branche du droit dont l'importance ne cesse de s'accroître est celle du droit international. «L'expertise de la Faculté dans ce domaine est largement reconnue, dit-elle. Ce n'est pas sans raison que le Centre d'études et de recherches internationales est venu ici chercher son directeur, François Crépeau.» Comme elle le fait remarquer, l'internationalisation touche aujourd'hui tous les secteurs de la profession. «Qu'on parle de droit du commerce ou de celui de l'environnement, on ne peut pas ignorer la dimension internationale qui influe sur toutes les disciplines.» Généralement bilingues et parfaitement à l'aise dans les deux traditions juridiques (droit civil et common law) dont s'inspirent les tribunaux internationaux, les avocats québécois sont d'ailleurs très recherchés sur la scène internationale.

La dernière campagne de financement a permis de récolter 7,5 M$, un bond quantique par rapport aux maigres contributions que les précédentes collectes de fonds avaient permis d'amasser. Or, cette campagne a permis à la Faculté de mieux se faire connaître et de davantage se faire valoir auprès non seulement des grands cabinets mais aussi de l'ensemble de la communauté juridique. «Ouverture sur la société, ouverture sur le monde et ouverture sur notre propre communauté, la communauté juridique: on veut continuer dans cette direction-là», promet la dynamique nouvelle doyenne.

Marie-Claude Bourdon



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement