Édition du 30 août 2004 / volume 39, numéro 1
 
  Plus un porc est bien traité, plus il est rentable
Les vaccins sont moins efficaces si l’animal est stressé, affirme Vincent Girard

Vincent Girard

Un cochon heureux est un cochon rentable. Voilà, brièvement résumé, ce que pense Vincent Girard, professeur de nutrition et d'alimentation animales à la Faculté de médecine vétérinaire. «Des travaux récents le démontrent: si vous améliorez le bien-être des animaux d'élevage, leur résistance immunitaire augmente et ils deviennent moins vulnérables aux infections; les vaccins sont plus efficaces et le recours aux médicaments diminue», affirme-t-il.
Avec de très nombreux projets de recherche, notamment sur de nouveaux produits pharmaceutiques destinés à l'industrie porcine, les chercheurs en santé animale consacrent actuellement beaucoup d'énergie à mettre au point des solutions de rechange à l'usage des antibiotiques dans l'industrie du porc. Mais pour amener les agriculteurs à changer leurs pratiques, il faut utiliser un langage qu'ils comprennent. «Les agriculteurs ont constamment à l'esprit le rapport coût-avantage, déclare M. Girard. Pour qu'ils modifient leurs façons de faire, ils doivent donc être convaincus que ces modifications les rendront plus compétitifs.»
Responsable d'un projet de 12 M$ financé par la Fondation canadienne pour l'innovation, le professeur Girard entend bien rapprocher les agriculteurs des chercheurs en sciences au cours des prochaines années. La subvention assure les coûts de construction d'une animalerie de 10,5 M$ sur le campus de la Faculté, à Saint-Hyacinthe. Modulaire et polyvalente, cette animalerie permettra aux chercheurs de reproduire les conditions d'élevage pour des troupeaux de taille réduite.

Vincent Girard croit que le bien-être des animaux d'élevage est un facteur de rentabilité. Il cherchera à le démontrer scientifiquement.

Petits troupeaux en labo


Chaque unité d'élevage pourra tester des vaccins et des prébiotiques sur 5 bovins ou 25 porcs à la fois, soit sur un élevage en miniature. Mais l'intérêt du projet, c'est que ces minifermes seront sous haute surveillance puisque y seront observées les avancées nutritionnelles, physiologiques et hygiéniques et que des concepts novateurs d'ingénierie y seront expérimentés.
Le bâtiment sera conçu de façon à mener des expériences dans différentes conditions d'élevage. Par exemple, on mettra un plancher de caillebotis sur fosse à lisier, comme on le voit le plus souvent dans les fermes commerciales. Puis on modifiera ces conditions de façon à tenir compte du bien-être de l'animal. L'espace sera ainsi muni d'un dispositif innovateur de séparation et d'évacuation automatiques des rejets liquides et solides et d'un mécanisme de réduction des odeurs.
«Nous savons que les vaccins et les prébiotiques sont moins efficaces dans un environnement où l'animal est stressé. Mais ce n'est pas suffisant d'affirmer cela au producteur. Il faut pouvoir lui montrer concrètement ce que ça donne», explique M. Girard.
Parmi les chercheurs qui auront accès à ce bâtiment, les membres du Groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc et du Département de biomédecine de l'UdeM, les partenaires du Département des sols et de génie agroalimentaire de l'Université Laval et des ingénieurs de l'Institut de recherche et développement en agroenvironnement, situé à Saint-Hyacinthe.
Les scientifiques du volet zootechnique disposeront de quatre unités d'élevage indépendantes de niveau de biosécurité 2, d'un laboratoire central et d'un espace de couplage des unités d'élevage avec les installations de traitement des rejets gazeux, liquides ou solides.
Deux axes prioritaires de recherche seront établis: la réduction des rejets à la source et la protection de l'environnement.

L'exemple de Walkerton


Pour Vincent Girard, personne n'est à l'abri d'un drame semblable à celui qu'a connu la petite ville de Walkerton, en Ontario, quand une contamination des sources d'eau potable à la bactérie E. coli a provoqué des décès. Il a été reconnu que cette bactérie mortelle provenait des résidus liquides des élevages de la région qui ont percolé vers les nappes phréatiques. Les travaux de la plateforme vont permettre d'évaluer, en laboratoire, les conditions climatiques et la composition des fumiers qui favorisent la survie des pathogènes dans le sol et d'éviter ainsi la contamination des nappes d'eau souterraines.
Le professeur Girard estime qu'une plus grande attention devrait être accordée aux risques pour la santé publique liés à l'activité agricole. À l'occasion de ses nombreux déplacements d'une ferme à l'autre, l'agronome et biochimiste a souvent observé que les élevages de porcs et de bovins présentaient des lacunes. «Disons que les conditions n'étaient pas optimales», précise-t-il.
Récemment, on pouvait lire sur le site de Cybersciences que l'agriculture était qualifiée d'industrie la plus polluante du monde par le Fonds mondial pour la nature. «L'agriculture n'est pas seulement la plus grande industrie au monde ­ employant 1,3 milliard de personnes et produisant 1,3 trillion de dollars de denrées annuellement ­, elle est aussi la plus polluante», écrivait Josiane Picot.
Les travaux de Vincent Girard pourraient bien contribuer à renverser cette tendance. «L'agriculture appliquant les principes du développement durable, on y croit», résume-t-il.
Mathieu-Robert Sauvé



 
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