Édition du 7 septembre 2004 / volume 39, numéro 2
 
  L'hôpital Sainte-Justine inaugure la «pédiatrie interculturelle»
Plus de 40 % des patients de l'urgence sont issus des communautés culturelles

Le Dr Fernando Alvarez, originaire d'Argentine, a connu l'expérience de l'immigration et est donc très sensible à la question de la diversité culturelle à l'hôpital.

Selon une étude menée en 2002 par Annie Gauthier, étudiante en anthropologie, plus de 40 % des patients qui se présentent à l'urgence de l'hôpital Sainte-Justine sont des immigrants de première génération. Or, pour mieux tenir compte de cette situation, l'hôpital a lancé le concept de «pédiatrie interculturelle».

«Dans notre formation médicale, il y avait peu de place pour la prise en considération des différences entre les personnes qui recevaient nos soins de santé, explique le Dr Fernando Alvarez, directeur du service de pédiatrie de l'hôpital universitaire pour enfants. Dans le contexte actuel de la diversité culturelle, nos diagnostics, nos approches thérapeutiques et notre discours ne sont plus adaptés.»

Pour se donner des moyens, les médecins ont accueilli dans leur hôpital des anthropologues médicaux chargés d'approfondir cette question en vertu du nouveau contexte. Une dizaine d'étudiants en anthropologie ont été jumelés à autant de pédiatres afin d'effectuer des études sur les rapports entre médecins et patients d'origine étrangère. Et selon les partenaires de cette «alliance thérapeutique», comme ils l'appellent, la barrière des langues ne constituerait pas le principal obstacle. «Quand une mère haïtienne vous dit que son bébé de 45 jours a le mauvais sang, il faut savoir interpréter ses paroles, fait remarquer le médecin. Elle peut dire par là qu'elle est elle-même angoissée et que l'allaitement pose certains problèmes.»

Le Dr Alvarez, originaire d'Argentine, a lui-même connu l'expérience de l'immigration puisqu'il a vécu en France et aux États-Unis avant de s'installer au Québec en 1992. Il est donc très sensible à cette question de la diversité culturelle et de ses implications. «Quand une mère vous confie son enfant, on ne peut pas agir de la même façon si elle vient d'Amérique latine, d'Afrique ou de la Beauce, au Québec. Il faut apprendre à adapter son intervention.»

Quand l'anthropologue Gilles Bibeau lui a suggéré cette collaboration, il y a deux ans, il a donc accepté avec empressement. «L'alliance thérapeutique, indique-t-il, cherche à mettre le parent, l'enfant et le médecin sur la même longueur d'onde. Nous défendons une médecine profondément humaniste. C'est pourquoi le regard que porte l'anthropologie nous est si précieux.»

Les quelque 150 spécialistes du Département de pédiatrie de l'UdeM sont invités à se sensibiliser à la pédiatrie interculturelle et 10 participent aux travaux de recherche en anthropologie médicale à titre de codirecteurs. Le Dr Alvarez, par exemple, qui est un spécialiste de la transplantation hépatique, supervise une recherche sur les enfants qui subissent ce type d'intervention.

Un bon exemple de l'apport de la pédiatrie interculturelle est la collaboration établie avec la communauté crie. À trois reprises, alors que la coopération entre des parents et le personnel soignant était difficile, il est arrivé qu'on exige de rencontrer le chef de bande. Celui-ci est venu du nord du Québec pour s'entretenir avec le médecin et ses collaborateurs. «Nous lui avons expliqué l'importance du respect de la médication pour le succès du traitement. En devenant responsable de cet enfant, il a pris son travail très au sérieux et est intervenu auprès des parents. Dans chaque cas, le résultat a été très positif.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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