Édition du 13 septembre 2004 / volume 39, numéro 3
 
  Non, laver le linge n'est pas un sport
Une recherche-action en kinésiologie vise des groupes plutôt sédentaires

Isabelle Ouimet travaille avec la communauté avoisinante afin d'encourager les groupes sédentaires à faire
du sport.

Certaines études démontrent que les immigrants d'origine indienne, hispanophone et haïtienne ont un taux de sédentarité élevé. En conséquence, ils courent plus de risques que la moyenne des Québécois d'être atteints de diabète de type 2. La solution? Leur faire connaître les avantages de l'activité physique susceptibles de réduire les risques associés à cette maladie. Un vaste projet de recherche-action entrepris par une étudiante à la maîtrise au Département de kinésiologie, Isabelle Ouimet, vise à élaborer des programmes d'exercices et d'éducation aux bonnes habitudes de vie pour les personnes insulinorésistantes ou diabétiques.

Concrètement, la recherche a permis de produire une trousse «clés en main», la mieux adaptée aux besoins et à la réalité de ces immigrants. L'outil, destiné aux professionnels de la santé et de l'activité physique, est le résultat d'un travail mené conjointement par des chercheurs de l'Université de Montréal et la Direction de la santé publique de Montréal en partenariat avec le CLSC Côte-des-Neiges et Santé Canada. Il s'agit d'un cédérom sur lequel on trouve, entre autres, 10 séances d'exercices et qui est accompagné d'un manuel d'information à l'intention de l'usager. Il a déjà été testé auprès d'immigrants et devrait faire l'objet d'autres tests avec d'autres communautés culturelles cet automne. Mme Ouimet a participé au travail de recherche qui a conduit à la conception de cet outil. Ce travail a permis de mieux connaître les habitudes de vie des groupes d'immigrants les plus à risque de souffrir du diabète.

En fait, Isabelle Ouimet a recueilli une masse d'informations sur la perception de ces gens quant à l'activité physique et sur les facteurs qui pourraient les inciter à se lancer dans un programme d'exercices.
D'où vient la nécessité d'une telle étude? «Elle provient d'une revue de la littérature qui a révélé que les Indiens, les hispanophones et les Haïtiens présentaient un risque plus élevé d'être atteints de diabète de type 2 que les caucasiens (ou Occidentaux)», affirme Mme Ouimet, qui travaille sous la direction de Louise Béliveau.

Pour documenter sa recherche, Mme Ouimet a rencontré des groupes d'hispanophones et d'Indiens ainsi qu'un groupe de caucasiens afin de connaître et de comparer leurs différences de perception et de motivation à l'égard de l'activité physique. Les résultats obtenus mènent à deux grands constats : les immigrants ne font pas les mêmes activités physiques que les Québécois de souche et l'intensité de l'effort est plus faible, surtout chez les femmes immigrantes.

Sur le plan de la perception de l'activité physique, deux dimensions ressortent, selon Mme Ouimet. Il s'agit des dimensions ludique et utilitaire. La dimension utilitaire est surtout le fait des femmes indiennes. «Pour elles, laver le linge et faire la cuisine, par exemple, sont des activités physiques, dit Mme Ouimet. Les hommes, eux, associent davantage l'exercice physique aux loisirs. La dimension ludique, elle vient d'eux.»
Selon l'étude de Mme Ouimet, les hommes sont un obstacle à la pratique de l'activité physique structurée ou encadrée chez la femme. «La plupart des femmes hispanophones et indiennes ne reçoivent pas de soutien de leur mari et de leur entourage pour entreprendre un programme d'exercices, explique Mme Ouimet. Dans leur communauté, il est mieux vu d'aider les enfants à faire leurs devoirs ou de cuisiner que de prendre du temps pour aller au gymnase.» Résultat: lorsque ces femmes ont de rares occasions de s'adonner à une activité physique, elles se sentent coupables. Chez les caucasiens, les femmes ont plus de liberté et la pratique de l'activité physique y est généralement bien vue.

D'autres obstacles existent également : le manque de temps, des problèmes de santé, des conditions météorologiques pas toujours favorables, les prix d'achat du matériel ou d'un abonnement dans un centre de conditionnement et la religion. Selon Mme Ouimet, les rituels religieux grignotent le temps consacré aux autres activités. À tous ces facteurs s'ajoutent les interdictions. «Ainsi, chez les membres de certaines communautés protestantes, la pratique de la danse est interdite.»

Dans le groupe de caucasiens, les coûts associés à la pratique de l'activité physique représentent plutôt un facteur de motivation. «Une fois l'équipement ou l'abonnement acheté, ils veulent l'utiliser pour rentabiliser leur investissement.»

L'objectif ultime de ce projet de recherche est d'amener les groupes hispanophones, haïtiens et indiens à une pratique régulière de l'activité physique à une intensité modérée. « Pour cela, trois séances de 20 à 30 minutes par semaine suffisent», estime Mme Ouimet.

Stéphane Gagné
Collaboration spéciale



 
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