Édition du 18 octobre 2004 / volume 39, numéro 7
 
  Une brève histoire du temps
On ne peut inverser la flèche du temps

Sjoerd Roorda

«Le temps coule par lui-même.» C'est par cette brève formule empruntée à Newton que Sjoerd Roorda, professeur au Département de physique, résumait sa vision du temps à la conférence «Le temps: un ultracourt métrage», qu'il a présentée le 17 septembre dernier.

La formule en apparence simple et évidente cache l'un des défis les plus complexes à relever pour la physique: le temps est-il une création de notre perception de la réalité ou fait-il partie de la matière? Pour Einstein, le temps était une illusion n'existant que dans le cerveau des êtres humains et seules les limites de notre connaissance nous empêchent de voir le futur avec exactitude et certitude.

La question du temps a été réintroduite en physique par le Nobel de chimie Ilya Prigogine, aussi physicien et philosophe, qui considère que l'Univers n'est ni totalement déterministe comme le croyait Einstein, ni complètement aléatoire.

Mais qu'est-ce donc que le temps? Après quelques secondes de réflexion, le professeur Roorda opte pour une définition opérationnelle: «Il est plus facile de mesurer le temps que de le définir, répond-il. Comme l'espace est ce qui peut être mesuré par la distance, le temps est ce qui peut être mesuré par la durée. Le temps est là comme l'espace est là: c'est l'une des quatre dimensions de l'Univers.»

Des Égyptiens à l'horloge atomique

La partie de sa conférence accessible aux non-initiés portait d'ailleurs sur la mesure du temps. Il y a plus de 6200 ans, les Égyptiens avaient un calendrier presque aussi précis que le nôtre, avec une année de 365 jours. Basé sur la position de Sirius à l'horizon, ce calendrier leur permettait de prévoir les débordements du Nil.

Au 15e siècle avant notre ère, les Égyptiens avaient aussi compris ­ bien avant Newton ­ que «le temps s'écoule» puisqu'ils ont inventé... l'horloge à eau, connue sous le nom de clepsydre.

À partir des observations de Galilée sur la périodicité du pendule, le Hollandais Christiaan Huygens invente, en 1656, l'horloge à pendule. Cette horloge très précise permettait de mesurer le temps à la seconde.
Avec l'invention des appareils photo à haute vitesse dans les années 30, on découvre des mouvements plus rapides que ce que l'oeil peut percevoir. Dans les années 60, le photographe Harold Edgerton, inventeur du flash électronique, réalise des photos à un millionième de seconde. L'une des plus spectaculaires montre une balle de fusil arrêtée en plein vol après avoir traversé une pomme.

Aujourd'hui, les horloges atomiques sont basées sur l'oscillation du césium, qui émet très exactement 9 192 631 770 oscillations à la seconde. Les erreurs de ces horloges seraient de moins de une seconde par million d'années.

La flèche du temps

Le volume d'Harold Edgerton, Stopping Time (Éditions Harry N. Abrams, 1987), a inspiré le thème de la conférence du professeur Sjoerd Roorda.

Jusqu'où peut-on aller dans la précision infinitésimale du temps? Existe-t-il une limite? «Il y a une limite à notre compréhension qui est la constante de Planck, soit 10-43 seconde, répond Sjoerd Roorda. Mais cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de temps plus court.»

S'il y a une limite à notre entendement, il y a aussi une limite à ce qu'on peut faire avec le temps. Même si, à partir d'une interprétation particulière de la deuxième loi de la thermodynamique, certains physiciens soutiennent qu'il est possible d'inverser le temps, le professeur Roorda réplique que la chose est impossible. La question lui apparaît même comme étant non pertinente.

«Le temps coule dans une seule direction, affirme-t-il. Ce qui veut dire qu'on ne peut l'inverser, pas plus qu'on ne peut l'accélérer ou le ralentir. Si l'on peut inverser un processus, ceci ne change pas la direction
de la flèche du temps et le big crunch ne la renversera pas lui non plus.»

Les machines à voyager dans le temps issues de notre cerveau à l'imagination fertile resteront donc dans le domaine du rêve.

Daniel Baril



 
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