Édition du 18 octobre 2004 / volume 39, numéro 7
 
  capsule science
Y a-t-il des couguars au Québec?

Des centaines de personnes le croient et, chaque année, le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs recueille des témoignages de gens qui affirment en avoir aperçu dans les forêts du nord et de l'est de la province. Toutefois, les preuves incontestables manquent toujours à l'appel depuis qu'un chasseur a abattu un de ces grands félins près de la frontière américaine en... 1938.

Le débat vient d'être relancé grâce au travail d'une étudiante en sciences biologiques de l'UdeM, Le Duing Lang, rattachée au Laboratoire d'écologie moléculaire et d'évolution de François-Joseph Lapointe. On y a formellement identifié un couguar dont l'échantillon de poils provenait du parc national Fundy, au Nouveau-Brunswick. «L'analyse de l'ADN révèle qu'il s'agit bel et bien d'un couguar. Mais est-ce un animal échappé d'un zoo ou un authentique couguar de l'Est? C'est ce qui reste à préciser», explique le biologiste.

Prédateur bien acclimaté à la taïga boréale, le couguar, appelé aussi lion des montagnes, est relativement répandu dans l'Ouest canadien. Toutefois, la sous-espèce qui réside dans l'est du continent, Felis concolor couguar de son nom latin, était devenue si rare que plusieurs la croyait éteinte, exception faite d'une population isolée de Floride. Mais d'irréductibles observateurs nordiques n'abandonnaient pas l'espoir d'apercevoir la bête mythique au détour d'un sentier.

Une entreprise de Sherbrooke, Envirotel, a mis au point il y a cinq ans un appât olfactif à base d'urine de couguar, qui est à l'origine de l'identification du poil de couguar du parc national Fundy. Répandu autour de poteaux munis de velcro, non loin des endroits où des témoins ont rapporté avoir vu l'animal, le produit attire les félins, qui y laissent quelques poils. Parcs Canada a placé des dizaines de ces appâts en Gaspésie, en Estrie et dans trois parcs nationaux des provinces maritimes.

Restait à trouver un laboratoire capable d'analyser les poils recueillis, ce qui n'est pas une mince affaire. «Notre équipe possède une bonne expertise dans l'analyse de l'ADN pour reconstituer la généalogie d'espèces sauvages, déclare le professeur Lapointe. Nous l'avons fait pour la tortue des bois et la souris sylvestre notamment. Mais une touffe de poils, ou même un ou deux poils dans certains cas, c'est bien peu pour repérer la séquence génétique propre à une espèce.»

Le professeur rend hommage à son étudiante au baccalauréat, Mme Lang, qui a pris les choses en main à l'intérieur d'un projet d'initiation à la recherche réalisé sous la supervision de Nathalie Tessier. «Elle a travaillé d'arrache-pied pour mettre au point, en six mois, une technique d'extraction qui fonctionne à merveille, dit-il. Plus de 400 analyses ont été nécessaires pour y arriver. Il fallait être certain que l'ADN était bien celui d'un couguar, et non d'un ours, d'un chevreuil, d'un lynx, voire d'un chat domestique.»

Entre 2002 et 2004, 111 échantillons de poils recueillis dans les différents sites ont été acheminés au laboratoire montréalais. Près du quart des échantillons analysés à ce jour se sont avérés trop pauvres en matériel génétique pour être valables. Il faut dire que le poil est principalement composé de cellules mortes; c'est dans le follicule, ou la racine, qu'on a le plus de chances de trouver des renseignements pertinents. Mais ceux-ci ne sont pas toujours présents.

L'analyse a donné des résultats significatifs pour 14 échantillons: 12 d'entre eux provenaient d'animaux non félins qu'on n'a pas cru bon d'identifier; un provenait d'un lynx du Canada et un dernier d'un couguar. «Nous avons vérifié et contre-vérifié cette donnée de sorte qu'il n'y a pas de doute dans mon esprit sur la valeur scientifique de cette information», dit François-Joseph Lapointe.

Peut-on s'attendre à identifier par cette voie un couguar «québécois» au cours des prochains mois? «En tout cas, l'intérêt est manifeste», affirme François-Joseph Lapointe, qui a vu les journalistes multiplier leurs demandes d'entrevues à ce sujet. Chose certaine, les échantillons de poils vont certainement affluer en plus grand nombre dans le laboratoire du pavillon Marie-Victorin.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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