Édition du 18 octobre 2004 / volume 39, numéro 7
 
  Voyager au coeur de la langue avec Henriette Walter
Les Belles Soirées proposent une conférence sur les mots venus d'ailleurs

«Ce sont les gens qui parlent anglais qui devraient se plaindre, eux qui ont emprunté bien plus de mots aux Français que l'inverse. Mais ils ne s'en indignent pas. Quand on emprunte, on s'enrichit!» lance Henriette Walter. La linguiste, professeure émérite de l'Université de Haute-Bretagne et auteure de nombreux ouvrages sur les langues, dont Honni soit qui mal y pense: l'incroyable histoire d'amour entre le français et l'anglais, sera de passage aux Belles Soirées le 19 octobre. Intitulée «Le voyage des mots venus d'ailleurs», sa conférence racontera l'histoire du français à travers ses emprunts aux autres langues.

«Il y a un peu plus de 100 langues auxquelles le français a emprunté, dit Henriette Walter. Certaines n'ont donné qu'un ou deux mots et d'autres en ont donné des centaines, voire des milliers.» Au départ, c'est le francique, une langue germanique, qui a fourni le plus de mots: ce sont, entre autres, les noms de couleurs comme bleu, blanc ou brun, mais aussi jardin, guérir et guerre. Au Moyen Âge, on a aussi beaucoup emprunté à l'arabe en raison de l'influence de la culture scientifique de l'Orient, notamment les mots zéro, chiffre et algèbre.

Puis, au 16e siècle, c'est l'italien qui exercera l'influence la plus grande sur le français. «Nous avons eu à cette époque des reines italiennes, les Médicis, et la cour s'est italianisée. On a donc adopté des centaines et mêmes des milliers de mots d'origine italienne, comme sentinelle et esquisse. Si bien que l'italien a été la langue à laquelle on a le plus emprunté jusqu'au milieu du 20e siècle. À partir de ce moment, bien sûr, c'est l'anglais qui l'emportera sur l'italien», note la linguiste.

Mais bien avant que le français se mette à puiser son vocabulaire dans la langue anglaise, c'est cette dernière qui a subi l'influence du français. «Plus de 60 % des mots de l'anglais sont d'origine française ou latine. Certains mots sont venus directement du latin, mais la plupart du temps ils sont passés par le français», affirme Henriette Walter. C'est à partir de 1066, quand Guillaume le Conquérant débarque en Angleterre et se fait couronner roi que le français s'infiltre dans la langue germanique. Alors que paysans et citadins modestes continuent à parler anglais, jusqu'au milieu du 14e siècle, la cour et tous les gens raffinés d'Angleterre s'exprimeront en français.

«On pense tout de suite aux animaux qui, dans le pré, portent des noms germaniques comme pig, sheep ou calf, alors que, dans l'assiette, ils portent des noms d'origine française comme pork, mutton ou veal. Les mots qui sont de l'ordre de la culture sont français. C'est la même chose pour les fleurs. Quand on parle des fleurs des arbres, on dit bloom ou blossom, un mot germanique. Mais les fleurs cultivées se disent flowers, qui vient du français. Des verbes un peu littéraires, comme to descend, sont français, alors qu'en anglais de tous les jours on dit to go down

L'histoire des langues, que ce soit celle du français ou de l'anglais, est tissée d'emprunts, rappelle Henriette Walter dans son livre Honni soit qui mal y pense. Dans le domaine du vêtement, corset et tutu sont passés du français à l'anglais, mais blazer et cardigan de l'anglais au français. Quant à kimono et sarong, tous deux utilisés en français et en anglais, ils viennent du Japon et de l'Indonésie. De l'Espagne (vanille) au Portugal (marmelade) en passant par la Perse (divan) et l'Inde (bungalow), les mots font voyager.

Marie-Claude Bourdon



 
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