Édition du 25 octobre 2004 / volume 39, numéro 8
 
  Les athlètes optimistes performent-ils mieux?
Christiane Trottier étudie les joueurs de tennis et leur entourage

Christiane Trottier a étudié l'attitude optimiste chez les joueurs de tennis. Une condition gagnante, selon elle.

Les gens optimistes sont en meilleure santé, ont un sentiment de bien-être plus élevé et sont globalement plus heureux que les pessimistes. Dans le domaine du sport, cela peut-il se traduire par des performances améliorées? C'est ce que cherche à savoir Christiane Trottier, dont la thèse de doctorat, au Département de kinésiologie, porte sur les joueurs de tennis et leur entourage. «Je veux comprendre comment les jeunes athlètes manifestent leur optimisme dans leur itinéraire de carrière, de quelle façon les parents expriment leurs sentiments optimistes et comment ils interagissent avec leurs enfants», explique l'étudiante qui mène simultanément une carrière de consultante professionnelle auprès d'athlètes de haut niveau depuis plus de 10 ans.

En psychologie, plusieurs études rapportent qu'une attitude «qui dispose à prendre les choses du bon côté» (selon la définition de l'optimisme du Petit Robert) permet de résister à la dépression, de mieux réussir ses études et même d'avoir une vie de famille plus satisfaisante. Mais assez peu de travaux ont porté sur l'optimisme dans les sports, d'où l'intérêt de la recherche de Mme Trottier. «Nous soupçonnons bien entendu qu'une attitude optimiste crée des conditions plus favorables à de bonnes performances, affirme-t-elle. Nous voulons le mesurer de façon précise auprès de six joueurs de tennis et de leur famille.»

Entre 2001 et 2003, la spécialiste en psychologie du sport a mené ses entrevues auprès de certains des meilleurs joueurs de tennis du Québec. Ce sont des garçons et des filles de 15 à 18 ans classés parmi «l'élite». La plupart habitent chez leurs parents. Ceux-ci peuvent influencer fortement leur enfant entre les matchs. «J'ai remarqué, dans ma pratique privée, que les jeunes étaient très sensibles à la pression parentale. Après une mauvaise partie, un père peut encourager son fils en lui disant qu'il pourra se reprendre au prochain match, que cette défaite n'est pas la fin du monde. Un autre parent montrera au contraire sa frustration et reprochera à l'enfant d'avoir bien mal choisi son moment pour perdre, car les qualifications approchent. Tout cela influe sur l'attitude de l'athlète.»

Des nageurs trompés

L'une des recherches les plus souvent citées par les psychologues du sport pour parler d'optimisme a été publiée en 1990 dans la revue de l'American Psychological Society par Martin Seligman.

Avec ses collègues, le chercheur américain a volontairement modifié les temps de 47 nageurs au terme de leur course. Les temps annoncés aux athlètes étaient plus lents que les durées chronométrées mais demeuraient vraisemblables.

Après l'annonce des résultats décevants, les nageurs devaient retourner à l'eau et réussir un meilleur chrono. Ceux qui avaient une nature optimiste ont nagé plus rapidement alors que les pessimistes ont fait pire que la première fois. «Cette recherche démontre qu'une attitude optimiste favorise de plus grandes performances quand l'athlète est sous pression, commente Mme Trottier. Plus précisément, l'athlète optimiste devrait mieux supporter la pression des échecs durant une compétition qu'un athlète pessimiste.»

Comme on le voit, cela n'a rien à voir avec le talent. Mais l'optimisme est-il un état d'esprit permanent ou temporaire? Difficile de répondre à cette question de façon précise, car deux thèses s'affrontent: l'une veut que l'état d'esprit soit quasiment inné et immuable, alors que pour l'autre il s'agit plutôt d'un état temporaire et modifiable avec l'autosuggestion. «Chose certaine, le plus beau cadeau qu'on puisse faire à un enfant, c'est de lui offrir une solide confiance en soi. Il est toujours utile de valoriser les succès et de dédramatiser les échecs.»

Changer l'image de soi

Au cours des sept dernières années, Christiane Trottier a suivi des dizaines d'athlètes de haut niveau au fil de ses consultations privées au centre Claude-Robillard, à Montréal. Des joueurs de tennis mais aussi des joueurs de badminton, des nageurs, des plongeurs, des escrimeurs, etc. «Généralement, on vient me voir quand un problème surgit, confie-t-elle. Au cours d'entretiens hebdomadaires, nous essayons de comprendre comment il est apparu et quelle en est l'ampleur.»

Si le problème est d'ordre personnel et dépasse ses compétences, elle dirige l'athlète vers un thérapeute généraliste. Dans la plupart des cas, elle dispose d'outils qui permettent à ses clients de changer leur vision s'ils traversent un passage à vide. «Je me souviens d'un joueur de tennis qui vivait une phase difficile depuis plusieurs mois. Nous avons essayé de voir ce qui avait changé dans son attitude et, rapidement, il est apparu qu'il s'attardait trop sur les forces de ses adversaires et sous-estimait les siennes. Il a beaucoup travaillé là-dessus et obtenu des résultats encourageants.»

Que faut-il entendre par «travailler là-dessus»? Quand une pensée négative se présente, l'athlète peut rapidement lui donner un tour plus positif. «Entretenir des idées négatives sur soi-même ne nous aide pas lorsqu'il faut participer à une compétition, au contraire», signale l'étudiante.

Actuellement, Christiane Trottier procède à l'analyse des données qu'elle a amassées à la suite de ses entrevues et s'est mise à la rédaction de sa thèse, qu'elle devrait déposer dans les prochains mois.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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