Édition du 25 octobre 2004 / volume 39, numéro 8
 
  Construire écologique pour sauver la planète... et l'espèce
L’astrophysicien Hubert Reeves livre une conférence sur la nécessité de réduire le gaspillage énergétique

Hubert Reeves

«Il faut arrêter l'extinction dont nous sommes la cause avant d'en être nous-mêmes les victimes.» L'extinction dont parle Hubert Reeves n'est pas anodine: dans 25 ans, 30 % des espèces animales actuelles auront disparu. C'est la sixième extinction massive que connait la Terre et l'être humain risque d'y passer. On peut craindre le pire.

C'est le message que l'astrophysicien, professeur associé au Département de physique, a livré à la conférence de la fondation Ferdie, présentée à l'amphithéâtre Ernest-Cormier le 18 octobre. La fondation, qui a pour but de soutenir l'enseignement et la recherche en design d'intérieur, a voulu marquer sa préoccupation à l'égard de l'écologie en invitant l'auteur de Mal de Terre et en lui confiant le mandat de discourir sur le thème de «l'art de bâtir écologique».

Ceux qui s'attendaient à des propos adaptés au domaine de la construction et de l'architecture ont plutôt eu droit à un rappel des propos philosophico-écologistes du physicien. Au commencement, il y a eu le bigbang. Depuis, la matière s'est organisée selon un niveau de complexité sans cesse croissant jusqu'à permettre l'émergence de la conscience et de l'intelligence, qui caractérisent l'être humain. Mais cette intelligence le conduit à détruire son environnement et à menacer ses semblables ­ donc lui-même ­ de l'holocauste nucléaire. L'intelligence ne serait-elle donc qu'un cadeau empoisonné?

Gaspillage d'énergie

À défaut de nous entretenir de construction écologique, Hubert Reeves aura sensibilisé son auditoire ­ plus de 700 personnes! ­ à la nécessité de réduire le gaspillage énergétique. «En 100 ans, a-t-il rappelé, nous avons brûlé la moitié du pétrole que la nature a mis 100 millions d'années à produire. Dans 20 ans, la demande sera plus forte que l'offre. Nous avons aussi brûlé la moitié de la forêt de la planète.»

La conséquence, c'est que le gaz carbonique, qui était de 260 ppm en 1800, est passé à 380 ppm en l'an 2000. Il s'en est suivi un réchauffement de un degré depuis 1900, la température planétaire moyenne passant de 14 à 15 degrés. Mille fois plus d'espèces disparaissent aujourd'hui qu'en 1900. Selon les dernières études sur le sujet, 90 % de ce réchauffement serait attribuable à l'activité humaine. Et l'on s'attend à un réchauffement de 3 à 5 degrés au cours du 21e siècle.

Mais la planète a vu pire. Il y a 300 millions d'années, en raison du dégel du méthane des fonds océaniques, la teneur en gaz à effet de serre était 15 fois supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui. Et les conséquences ont été catastrophiques: plus de 90 % des espèces ont disparu, a précisé le conférencier, qui préside la Ligue pour la préservation de la faune sauvage.

Actuellement, une bonne partie de la consommation d'énergie sert à éclairer... l'espace! Une photo de la Terre vue de l'espace la nuit permet en effet de très bien discerner le contour des continents et les grandes villes. Selon le professeur Reeves, cet éclairage inutile occasionné par des équipements mal conçus ou dû à de mauvaises habitudes équivaut à l'énergie de plusieurs dizaines de centrales thermonucléaires.

Une autre source de gaspillage est l'automobile. La consommation moyenne de nos voitures est passée, récemment, de 10 à 11 litres par 100 kilomètres. «Si l'on abaissait cette consommation à 5 litres, on dépasserait de beaucoup les objectifs des accords de Kyoto, qui sont insuffisants», a affirmé le physicien.

Sus au Suroît

Pour Hubert Reeves, la solution à la crise énergétique réside dans l'énergie solaire et dans l'énergie éolienne. Ces sources d'énergie qui, il y a peu, n'étaient considérées que comme des sources d'appoint, représentent maintenant 10 % de l'énergie produite en Allemagne et 20 % de celle du Danemark.

Le physicien écologiste se réjouit par ailleurs de l'opposition populaire manifestée contre le projet de centrale au gaz du Suroît. «Il y a 30 ans, un tel projet aurait facilement été accepté. La vigilance de la pression écologiste est donc importante et ce mouvement nous permet d'être optimistes.»

Si l'optimisme est permis, c'est que l'être humain, à l'origine de la sixième extinction massive, a les moyens de la stopper avant d'en être lui-même la victime. «La réponse à la question "L'intelligence est-elle un cadeau empoisonné?" ne dépend que de nous», a conclu le conférencier.

Les intervenants du milieu de l'architecture et de l'aménagement ont leur mot à dire dans la réponse qui sera fournie à la question, a estimé pour sa part le président de la fondation Ferdie, Alain Moureaux. «Les propos d'Hubert Reeves, a-t-il dit, nous amènent à réfléchir sur notre façon d'agir et de produire et, si tous se tournent vers le vert, nous apporterons notre modeste contribution à la sauvegarde de la planète.»

Daniel Baril



 
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