Édition du 25 octobre 2004 / volume 39, numéro 8
 
  Le travail sur les médicaments progresse
Patrice Hildgen a breveté un procédé nanométrique de libération ciblée de médicament anticancéreux qui en réduit la toxicité

Patrice Hildgen conçoit des particules nanométriques permettant de livrer le médicament sur des récepteurs membranaires précis.

Offrir au patient un traitement efficace dans un mode programmé de façon précise et dont il n'aurait plus à se soucier est l'ultime objectif en recherche galénique, cette branche de la pharmacologie qui traite des formes du médicament.

«Quelles que soient leurs formes ­ comprimés, solutions, sirops ou onguents ­, les médicaments actuels ont tous un point en commun: on ne contrôle pas la façon dont la substance active est libérée dans l'organisme», souligne Patrice Hildgen, professeur à la Faculté de pharmacie. Bien que difficile à atteindre, l'objectif de livrer le médicament directement et uniquement à l'endroit désiré devient de plus en plus accessible grâce à la nanotechnologie.

Les travaux de Patrice Hildgen, menés in vitro sur des tissus cancéreux, ont démontré l'efficacité du procédé nanotechnologique à toutes les étapes de sa réalisation, soit le chargement du médicament dans une particule de polymère, l'adhésion de la particule à l'endroit désigné et la libération du médicament. De plus, l'innocuité de la méthode est assurée.

Le chercheur a fait le point sur l'état actuel de ce procédé révolutionnaire au colloque «Les journées de la douleur», tenu au CHUM au début du mois.

Livrer à la bonne adresse

Les médicaments à libération ciblée ne sont pas différents des médicaments traditionnels, du moins pour ce qui est de la substance active utilisée. Ce qui varie, c'est la forme: la molécule active est «accrochée» à une particule faite de polymères (une micelle) ou insérée dans une capsule biodégradable. Le design particulier de la particule lui permet de se fixer à un endroit précis d'une cellule déterminée et de livrer le médicament à la bonne adresse.

Certains de ces polymères sont conçus pour pénétrer dans une cellule et libérer la substance active à l'intérieur. Les particules utilisées sont de l'ordre de 50 à 250 nanomètres, mais les chercheurs travaillent présentement sur des particules de 5 nanomètres.

«Ces procédés présentent plusieurs avantages, explique Patrice Hildgen. D'une part, ils réduisent la toxicité du médicament en évitant sa dispersion dans tout l'organisme. Du même coup, ils permettent de diminuer la quantité du médicament et le nombre de doses. De plus, la particule protège le médicament et évite sa destruction par le système immunitaire en cours de route.»

Les travaux du chercheur portent précisément sur le design de ces véhicules nanométriques. L'une des particules mise au point et pour laquelle un brevet a été déposé avec Univalor a la propriété de se fixer aux récepteurs membranaires des réseaux capillaires de tissus cancéreux très vascularisés. Les cancers du sein et de la prostate présentent de telles caractéristiques vasculaires.

Les tests effectués in vitro sur des cellules de rats ont montré que tout fonctionne comme prévu. Une fois le médicament anticancéreux livré à la surface de ces réseaux capillaires, la particule de transport, faite de matériaux acceptés par l'organisme, est progressivement éliminée ou assimilée par celui-ci. La prochaine étape sera de tester le procédé in vivo.

Le professeur Hildgen travaille également à l'application d'une telle méthode au traitement contre la douleur. Dans ce cas, le procédé à l'étude consiste à insérer dans des capsules creuses des cellules productrices d'endorphines et à les amener à se fixer aux bons endroits sur le système nerveux.

Un troisième volet de ses travaux vise l'élaboration de nanoparticules furtives qui libèreraient un médicament en continu. «Dans certains cas de maladies chroniques, les patients doivent subir plusieurs injections par jour ou avaler plusieurs comprimés à répétition, rappelle le chercheur. Un médicament à libération contrôlée permettrait de réduire ces traitements à une injection par semaine ou par mois selon le cas.»

La particule nanométrique utilisée à cette fin est conçue comme une éponge qui libère progressivement son contenu médicamenteux. Parvenu au terme de sa vie utile, le matériau de transport est éliminé.

Pas de miracle

Les médicaments nanométriques se sont avérés jusqu'ici plus faciles à concevoir qu'à réaliser. Les procédés physicochimiques actuels d'encapsulation ou de fixation aux particules de transport ne permettent que des rendements de l'ordre de 10 à 25 %, ce qui veut dire que de 75 à 90 % du médicament ne se fixe pas aux particules nanométriques.

«Il faudra atteindre un taux de réussite de 80 % pour que le procédé devienne véritablement efficace, estime le chercheur. Et plus c'est petit, plus c'est difficile à contrôler et moins on livre de substance médicamenteuse. Il faut aussi que le médicament vaille vraiment la peine d'être transporté au bon endroit pour l'objet d'une telle application. Pas question de le faire pour de l'aspirine.»

Bien que la méthode permette d'envisager la création de médicaments plus efficaces et moins toxiques, il ne faut toutefois pas penser qu'elle apportera la panacée, prévient Patrice Hildgen. «Il n'existe pas de système universel. Il faut plutôt chercher le meilleur procédé pour chaque cas.»

Daniel Baril



 
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