Édition du 25 octobre 2004 / volume 39, numéro 8
 
  capsule science
Pesticides: faut-il s'inquiéter pour nos enfants?

Selon une étude de l'Institut national de santé publique du Québec publiée la semaine dernière, des résidus de pesticides se retrouvent dans l'urine de 99 % des enfants québécois de trois à sept ans vivant dans les quartiers résidentiels. Doit-on s'inquiéter de ce phénomène? «Oui et non, répond le médecin toxicologue Gaétan Carrier, titulaire de la Chaire en écotoxicologie environnementale de la Faculté de médecine. Oui parce qu'il faut se préoccuper de tout ce qu'on touche, respire ou ingère. Et non parce que les concentrations mesurées sont bien en deçà du seuil où la toxicité pourrait provoquer des problèmes de santé.»

Mandatés par le ministère de l'Environnement du Québec par l'entremise du Groupe de réflexion sur les pesticides en milieu urbain, les auteurs de l'étude devaient chercher à établir un lien entre la contamination par les pesticides et leur usage dans les quartiers résidentiels. Chaque année, une centaine de cas d'intoxication chez les enfants qui ont été en contact avec du gazon traité aux pesticides sont rapportés au Centre antipoison du Québec.

Les auteurs ont eu la surprise de constater que les substances retrouvées dans l'urine des 89 enfants qui ont participé à cette recherche (produits de la transformation par le foie d'insecticides à usage domestique et agricole absorbés en ingérant des aliments contaminés, en respirant l'air contaminé ou au contact de surfaces contaminées) proviennent davantage de leur alimentation que de l'exposition environnementale. D'où exactement? «Des fruits et légumes locaux et importés, résume Gaétan Carrier. Sur la base de cette étude, on ne peut exclure une contribution significative de produits venant de l'étranger puisque la contamination chez ces enfants était aussi importante au début du printemps, avant toute application de pesticides au Québec, qu'à la fin de l'été. De nos jours, l'utilisation de pesticides va de pair avec la production agricole. On en trouve partout: avocats, brocolis, pommes, oranges, prunes, pêches, mangues, etc.»

Pour le Dr Carrier, il serait souhaitable d'éliminer tout produit toxique dans les cultures destinées à l'alimentation humaine. Mais en raison de la rentabilité que ces produits assurent, l'industrie peut difficilement s'en passer aujourd'hui. Si l'on interdisait du jour au lendemain les insecticides, fongicides et herbicides au Québec, par exemple, c'est toute la pomiculture en Montérégie qui s'effondrerait. Or, en attendant des solutions de rechange sans danger, les autorités gouvernementales responsables des contrôles  et de la gestion de la lutte contre les parasites agricoles et horticoles préconisent l'utilisation de produits efficaces mais moins dangereux pour la santé humaine et l'environnement. «On le fait déjà, affirme Gaétan Carrier. Il y a 15 ou 20 ans, les pesticides autorisés étaient beaucoup plus toxiques que ceux qui sont employés aujourd'hui. De plus, le nombre d'arrosages a été considérablement réduit.»

L'alimentation serait donc le principal vecteur de la contamination aux pesticides. Les résultats de cette étude montrent une contamination faible mais non nulle par certains pesticides contenus dans les aliments. Mais ils suggèrent en revanche que les normes en vigueur sont respectées. Cela soulève toutefois la question des contrôles des produits importés au Canada. «L'entrée des denrées est surveillée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, signale le Dr Carrier. Les denrées qui franchissent les frontières doivent respecter les normes en vigueur au pays. Mais il n'est pas impossible que le système ait ses failles.»

Comment éviter ou réduire l'ingestion de pesticides contenus dans nos aliments? En lavant ou en pelant les fruits et légumes avant de les consommer. Chose certaine, il y a beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients à en manger. La présente étude indique que l'alimentation des petits Américains contenait moins de traces de pesticides que celle de nos enfants et des enfants de la Méditerranée. C'est probablement que les fruits et les légumes frais sont beaucoup plus rares dans leur assiette. Sont-ils pour autant en meilleure santé? Pas sûr.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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