Édition du 1er novembre 2004 / volume 39, numéro 9
 
  Howard Dean: «Le peuple américain n'est pas derrière Bush»
Avec la visite de l'ancien gouverneur du Vermont, la campagne présidentielle américaine s'est déplacée à Montréal

Howard Dean

«Même si George W. Bush devait remporter l'élection de mardi, je veux que les Canadiens sachent que ce ne sont pas tous les Américains qui soutiennent ce président, son unilatéralisme et son mépris de la communauté internationale», a martelé l'ex-candidat à l'investiture démocrate Howard Dean dans le discours qu'il a prononcé le 26 octobre dernier au cours d'un déjeuner-causerie sur les enjeux nationaux et internationaux des prochaines élections présidentielles américaines. Est-ce à dire que le politicien concédait déjà la victoire aux républicains? La question a dû traverser l'esprit de certaines des personnalités qui s'étaient déplacées pour l'entendre et dont le soutien au sénateur Kerry ne faisait pas de doute. «Si les Canadiens pouvaient voter, la victoire de John Kerry serait éclatante», a déclaré le conférencier, suscitant de vigoureux applaudissements dans la salle.

Organisé conjointement par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), le Centre d'études et de recherches internationales de l'UdeM (CERIUM) et l'Institut d'études internationales de Montréal de l'UQAM, le déjeuner-causerie s'inscrivait dans un colloque d'une journée sur les enjeux des élections présidentielles américaines du 2 novembre. Le directeur du CORIM, Pierre Lemonde, a souligné dans son mot de bienvenue la contribution particulière de Jean-François Lisée, directeur exécutif du CERIUM, dans l'organisation de l'événement, qui s'est avéré un franc succès: étudiants et chercheurs, syndicalistes et politiciens, journalistes et avocats avaient envahi le Grand Salon du Reine Elizabeth pour prendre le pouls de la campagne américaine à travers les propos d'Howard Dean.

L'ancien gouverneur du Vermont de 1991 à 2002 et ami du Québec a tenu à préciser qu'il n'était pas venu à Montréal en tant que représentant de John Kerry. «Mais depuis sa victoire aux primaires, nous travaillons ensemble et nous avons beaucoup discuté des enjeux de l'élection», a-t-il dit. Si son manque d'adresse dans le maniement de la langue de bois lui a coûté l'investiture au printemps dernier, comme il l'a lui-même reconnu avec humour, il reste que ses préoccupations en matière d'assurance maladie, de responsabilité fiscale, d'égalité des droits et de politique internationale ont fortement teinté les positions démocrates de la présente campagne, a noté Raymond Chrétien, président du conseil d'administration du CERIUM et ancien ambassadeur du Canada à Washington, dans sa présentation du conférencier.

Ces thèmes ont d'ailleurs marqué le discours du politicien. «Si le Canada, la France, l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Italie et tous les autres pays développés ont un système d'assurance maladie, si même le Costa Rica réussit à assurer les soins de santé de ses citoyens, aucune raison ne justifie que 20 % des Américains soient dépourvus d'une couverture adéquate et risquent la faillite personnelle quand ils tombent malades», a-t-il fait remarquer.

Une attitude arrogante

Sur la question internationale, Howard Dean a déploré l'attitude arrogante de l'administration Bush vis-à-vis de la communauté internationale et plus particulièrement de ses voisins, le Canada et le Mexique. «Le président Vicente Fox était déterminé à lutter contre la corruption et constituait un allié important des États-Unis, a-t-il rappelé. En lui tournant le dos à cause de son refus d'appuyer la guerre en Irak, nous avons manqué une belle occasion de renforcer nos liens avec ce pays.»

L'élection de John Kerry à la Maison-Blanche changerait tout cela, affirme Howard Dean. Sur le plan environnemental, les possibilités seraient meilleures de voir les États-Unis reconnaître le problème du réchauffement planétaire et adopter une version amendée du protocole de Kyoto. Quant au conflit au Moyen-Orient, les Américains, qui ont perdu toute crédibilité à cause du parti pris de l'administration Bush envers Israël, pourraient reprendre leur rôle traditionnel de médiateur entre les Israéliens et les Palestiniens.

En matière d'échanges commerciaux, le Canada a-t-il vraiment avantage à voir un démocrate prendre le pouvoir? «Je ne dis pas que cela réglerait tous les contentieux commerciaux avec le Canada, mais une administration dirigée par John Kerry serait plus respectueuse des ententes internationales et des décisions rendues par les instances d'arbitrage comme celles de l'OMC», a-t-il fait valoir à une journaliste qui lui posait la question.

La position sur le Québec

Pour ce qui est de la position américaine sur l'avenir constitutionnel du Québec, l'élection du candidat démocrate n'y changerait rien, a répondu Howard Dean. «Aux États-Unis, le séparatisme québécois est un phénomène qui n'a pas de sens, a-t-il expliqué. Le tissu même de notre pays est constitué de plusieurs groupes minoritaires ­ les Afro-Américains, les Latino-Américains, etc. ­ qui partagent tous le sentiment d'être américains. S'il fallait que chaque minorité revendique la séparation, le pays éclaterait en morceaux.»

Les Américains sont inquiets de l'avenir de leur nation, a ajouté Howard Dean. «C'est pourquoi le président Bush parle de foi, d'avortement, de guerre: des enjeux qui divisent au lieu de rassembler.» Le gonflement de la dette, la radicalisation des groupes musulmans intégristes, le contrôle de la Cour suprême par les conservateurs et le déficit démocratique qui a caractérisé le scrutin en Floride aux dernières présidentielles sont des problèmes bien réels, selon lui. Quelle sera l'issue du vote de mardi? «Avec la guerre en Irak, nous avons perdu le leadership moral du monde, mais si le président Bush est réélu, nous pourrions perdre beaucoup plus que cela», a conclu le démocrate.

Marie-Claude Bourdon



 
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