Édition du 8 novembre 2004 / volume 39, numéro 10
 
  Un chercheur s'attaque au béryllium
Présent dans les usines de métaux, il cause une maladie du travail

Des milliers de travailleurs sont exposés au béryllium, un métal toxique.Les fonderies sont des lieux d'exposition au béryllium.

«Le temps écoulé entre la première exposition et l'apparition des manifestations de la maladie, est généralement de 10 à 15 ans. Celle-ci peut n'apparaître que 25 ans après la dernière exposition.»

Chaque jour, plusieurs centaines de milliers de travailleurs québécois sont potentiellement exposés au béryllium, un métal toxique qui peut provoquer une maladie pulmonaire appelée bérylliose. Les symptômes de cette maladie comprennent une difficulté à respirer, la toux, une douleur thoracique et une faiblesse généralisée.

Entre 1999 et 2002, 16 cas de bérylliose chronique ont été diagnostiqués chez des travailleurs par des comités que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) avait mis sur pied. À ce nombre, on pourrait ajouter 33 travailleurs touchés à des degrés moindres, dont 12 reconnus avec une bérylliose subclinique et 21 sensibilisés au béryllium. Leur moyenne d'âge est de 46 ans. «Certains ne peuvent plus travailler et leur qualité de vie se trouve diminuée, fait remarquer Joseph Zayed, du Département de santé environnementale et de santé au travail de la Faculté de médecine.

Bien que la maladie ne guérisse pas, le traitement des symptômes est possible par la médication. Même si cette maladie est très connue des spécialistes en santé au travail et que les premières normes sur les émanations datent d'aussi loin que 1949, on ignore encore les mécanismes précis qui mènent à l'atteinte des voies respiratoires. Or, un projet de recherche sous la direction du professeur Zayed veut justement faire la lumière sur les poussières microscopiques qui seraient à l'origine de la maladie. L'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) financera cette recherche de près de un million de dollars.

On sait que les travailleurs des entreprises spécialisées qui utilisent le béryllium sont les plus à risque: fonderies non ferreuses, alumineries, usines de soudage et de fabrication de céramique semi-conductrice, usines de pièces destinées aux secteurs aéronautique, de l'armement et de l'énergie nucléaire. Un aspect insidieux de l'atteinte des voies respiratoires réside dans le délai entre l'exposition au métal et l'apparition des symptômes. «La période de latence des symptômes, c'est-à-dire le temps écoulé entre la première exposition et l'apparition des manifestations de la maladie, est généralement de 10 à 15 ans. Celle-ci peut se manifester alors que le sujet est toujours exposé au béryllium ou elle peut n'apparaître que 25 ans après la dernière exposition», peut-on lire dans un document du ministère du Travail.

Implications importantes

Joseph Zayed et Lise Gareau

«Nous allons utiliser des modèles animaux pour tester trois formes chimiques de béryllium, soit le béryllium pur, l'oxyde de béryllium et le béryllium de cuivre. Notre hypothèse de départ, c'est que la toxicité varie d'une forme à l'autre», explique le professeur Zayed.

Les implications de cette recherche pourraient être importantes en conduisant à une révision des normes internationales, actuellement uniformes, qui tiendrait compte de la toxicité des formes chimiques du métal. «En ce moment, dit M. Zayed, la communauté scientifique estime qu'il n'y a pas suffisamment d'information toxicologique et de connaissances scientifiques sur l'exposition des travailleurs pour établir solidement de nouvelles normes d'exposition en milieu de travail.»

Le métal gris, très léger et très dur, est doté d'une grande élasticité. On sait depuis un siècle qu'il donne au cuivre une résistance six fois supérieure quand il est mélangé à celui-ci dans une proportion de 2 %. C'est pourquoi 95 % des alliages au béryllium sont destinés au cuivre. Or, le spécialiste de la santé au travail craint justement que cette forme chimique de béryllium soit particulièrement associée à la bérylliose.

Souris au laboratoire

À plusieurs égards, les symptômes observés chez la souris de laboratoire ressemblent à ceux observés chez l'être humain. On utilisera donc sept groupes de 35 souris. Le premier groupe servira de groupe témoin et chacun des six autres sera exposé soit à des particules respirables (d'une grosseur de moins de cinq
micromètres), soit à des particules totales (de taille variable) pour chacune des trois formes chimiques de béryllium. La durée d'exposition s'étendra sur 19 jours.

«Nous avons choisi une souche de souris déjà sensible au béryllium, indique le chercheur. Une particularité de ce projet consiste à imiter l'inhalation en faisant absorber les particules par les voies respiratoires.»
L'expérience commencera en janvier 2005 dans le laboratoire de Gaston Chevalier, de l'Université du Québec à Montréal. M. Chevalier est cochercheur avec Bruce Mazer, de l'Université McGill, Ginette Truchon, de l'IRSST, et Gilles Lespérance, de l'École Polytechnique. Suzanne Philippe, assistante de recherche, Yves Cloutier, spécialiste de la métrologie des aérosols, Lise Gareau, technicienne, et Pierre Larivière, chimiste, sont aussi engagés dans le projet.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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