Édition du 8 novembre 2004 / volume 39, numéro 10
 
  Traquer le tueur de la prostate
L'équipe du Dr Fred Saad parvient à des résultats prometteurs

Le Dr Fred Saad est un des experts canadiens du cancer de la prostate.

Administré à raison d'un traitement toutes les trois semaines sur une période de 24 mois, un nouveau médicament retarde de plus de cinq mois l'apparition des métastases osseuses chez les patients atteints d'un cancer de la prostate à un stade avancé. De plus, on note une réduction des complications liées aux métastases de l'ordre de 36 %.

C'est la conclusion à laquelle sont parvenus l'uro-oncologue Fred Saad et ses collaborateurs à l'issue d'une recherche multicentrique menée auprès de 122 patients et dont les résultats ont été publiés dans le Journal of National Cancer Institute en juin 2004. Comparativement aux sujets auxquels on a administré un placebo, indique l'article, ceux qui ont reçu le médicament à base d'acide zolédronique ont beaucoup moins souffert des métastases aux os. Les métastases osseuses sont les pires, et les plus courantes, conséquences du cancer de la prostate réfractaire au traitement hormonal.

«Nous menons de nombreuses recherches pour améliorer la qualité de vie des patients atteints d'un cancer de la prostate à un stade avancé et les traitements progressent de jour en jour», fait observer le Dr Saad, qui enseigne la chirurgie à la Faculté de médecine. À son avis, la recherche fondamentale et la recherche clinique sur le cancer de la prostate connaissent le même essor que celles sur le cancer du sein il y a une quinzaine d'années. Des découvertes significatives pourraient découler de cet effort concerté où la région de Montréal joue un rôle majeur.

«Avant qu'on puisse traiter adéquatement le cancer du sein, relate-t-il, on administrait des soins palliatifs par chimiothérapie afin d'améliorer la qualité de vie des femmes atteintes. Peu à peu on est parvenu à prolonger la survie de ces patientes et même à traiter ce type de cancer avec succès dans les stades initiaux. On peut souhaiter que la même chose se produise avec le cancer de la prostate.»

Un cancer meurtrier

Deuxième cause de décès par cancer chez les hommes au Canada, le cancer de la prostate dégénère souvent en tumeurs qui s'attaquent aux os du patient, provoquant fractures et paralysies très douloureuses. «Quand le cancer s'en prend aux os, il n'y a presque plus aucune chance de survie, commente le Dr Saad, reconnu comme un des spécialistes mondiaux de cette maladie qui touche un homme sur huit. C'est pourquoi nous mettons beaucoup d'énergie à la mise au point de méthodes de détection précoce.»

Après des mois, sinon des années d'évolution sans provoquer le moindre symptôme, certains cancers causent très rapidement des métastases osseuses. Mais on a pu déterminer quels étaient ces cancers «agressifs». Comment savoir  qu'un homme comme l'ancien président français François Mitterrand vivra 14 ans avec une tumeur maligne alors que son voisin ne survivra pas 2 ans? Récemment, deux patients montréalais du Dr Saad, âgés de 40 à 50 ans, ont été emportés par la maladie en 12 mois.

En sachant quel type de cancer risque d'être mortel, le médecin pourra procéder à une chirurgie qui sauvera des vies. Actuellement, le seul dépistage consiste en un toucher rectal annuel, accompagné d'un test sanguin appelé Antigène prostatique spécifique (APS). Quand un cancer est diagnostiqué, on cherche d'abord à en ralentir la progression grâce à un traitement aux hormones. «Depuis plusieurs années, on sait qu'il existe un lien entre la testostérone et le cancer. Comme si l'hormone nourrissait le cancer. En stoppant la production de testostérone, on annule son évolution. Mais cela ne dure qu'un temps. Après un an et demi ou deux ans, le taux d'APS remonte.»

Nouvelles connaissances

L'an dernier, le médecin et un étudiant au doctorat, Laurent Lessard, ont publié un article dans le British Journal of Urology qui pourrait faire avancer d'un grand pas les connaissances dans le domaine. Les chercheurs ont démontré qu'un facteur de transcription bien localisé dans les cellules cancéreuses serait un excellent marqueur. Le NF-kB, de son petit nom, pourrait permettre de repérer les patients à risque de développer des métastases et ainsi de procéder, éventuellement, à une intervention précoce.

D'autres travaux du Dr Saad, effectués en collaboration avec le laboratoire d'Anne-Marie Mes-Masson, du CHUM, cherchent à favoriser une meilleure compréhension des éléments moléculaires, immunitaires et génétiques de la maladie. Ils sont aussi menés afin de permettre la mise au point de nouvelles thérapies pour lutter contre la forme de cancer qui s'avère réfractaire aux traitements hormonaux.

Une étude internationale auprès de 1000 sujets, à laquelle le Dr Saad a participé, a révélé un taux de survie de 24 % supérieur après l'administration du taxotère, un médicament plus efficace que celui qui est couramment employé dans les hôpitaux. Pour des patients dont l'espérance de vie est très réduite, c'est une amélioration significative.

Au CHUM, le Dr Saad travaille quotidiennement avec des familles qui vivent des drames liés au cancer de la prostate. Mais en partageant son temps entre la clinique, la recherche et l'enseignement, il est bien placé pour voir l'avenir avec un certain optimisme. «En tout cas, dit-il, on voit une lumière au bout du tunnel.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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