Édition du 8 novembre 2004 / volume 39, numéro 10
 
  Monique Proulx s'installe à l'Université
Écrivaine en résidence pour l'année, Monique Proulx offrira ses conseils aux étudiants aux prises avec l'angoisse de la feuille blanche

Monique Proulx en entrevue à Forum sur le mont Royal. Impossible, pour cette femme libre, de résister à la tentation de sauter dans les feuilles mortes.

Agente d'information à l'Université du Québec. C'est le seul emploi stable que Monique Proulx ait jamais occupé. Cela a duré trois ans. Elle en garde un souvenir... nauséeux. «Le neuf à cinq m'a rendue malade, se rappelle en riant cette romancière et scénariste que le Département d'études françaises accueille comme écrivaine en résidence pour l'année 2004-2005. Quelque chose, dans mon corps, me disait que cette vie-là n'était pas pour moi...»

Insomnies, évanouissements et autres symptômes ont disparu aussitôt que la jeune femme a retrouvé sa liberté. Les médecins n'ont pas compris ce qui s'était passé. «Je suis comme ça. J'ai besoin d'avoir tout mon temps à moi. Écrire, c'est plus qu'un geste. C'est une attitude, un style de vie.»

En entrevue à Forum dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Monique Proulx se révèle telle qu'elle est: une écrivaine en liberté beaucoup plus qu'en résidence. Impossible, pour elle, de résister à la tentation de sauter dans les feuilles mortes.

Née à Québec et Montréalaise d'adoption depuis 20 ans, cette écrivaine dont l'imagination carbure autant au vitriol qu'à la poésie n'a jamais été aussi vénérée par le public que Marie Laberge ou Arlette Cousture. Mais ses romans ont en revanche un accueil beaucoup plus enthousiaste chez les critiques littéraires. De plus, les livres de Monique Proulx sont au programme des cours obligatoires dans les cégeps. Les étudiants qu'elle rencontre connaissent donc une partie de son oeuvre. «Mon lectorat est ici. J'ai la chance de croiser des gens qui sont mes lecteurs. J'apprécie beaucoup cette interaction.»

D'ailleurs, elle se sent chez elle dans son petit local au huitième étage du pavillon Lionel-Groulx, où les étudiants en création littéraire viennent la consulter sur des questions de forme narrative ou de structure du récit. «Je suis très heureuse de l'invitation du Département d'études françaises, dit-elle. Une journée par semaine, généralement le jeudi, je suis à la disposition des étudiants. Je réponds à leurs questions, je les encourage. Certains sont désarçonnés devant leur projet littéraire. Ils se sentent seuls. J'en connais un bout sur la solitude. Écrire, c'est exaltant, mais c'est aussi effrayant.»

Hommes misérables à la fenêtre

Dans une entrevue désormais célèbre parue en 1994 dans L'actualité, au cours de laquelle René Homier-Roy révélait la relation difficile entre Monique Proulx et son père, celle-ci déclarait: «Au Québec, je n'ai connu que deux sortes de pères: les lavettes, comme le mien, et les autoritaires fascisants. Je ne sais pas lesquels sont les plus nocifs.»

Tout en relatant l'entretien qu'elle a eu avec l'animateur de C'est bien meilleur le matin («Je me suis fait piéger; nous sommes tombés dans les confidences, j'ignorais qu'il allait écrire tout ça!»), l'écrivaine continue de se faire questionner sur les personnages masculins qui peuplent ses romans. «C'est vrai que les pères de ma génération, en général, ne sont pas très assumés. Oui, il y a plusieurs pères irresponsables dans mes livres. Mais les femmes ne sont pas mieux. Très souvent, elles sont drôlement perdues.»

Littérature et cinéma

Si l'oeuvre de Monique Proulx est singulière, ce n'est pas en raison de son caractère prolifique. Avec cinq romans en 20 ans, il faut chercher ailleurs. «Monique Proulx est, pour ainsi dire, un "écrivain public", a écrit Gilles Marcotte à son sujet. De toute évidence, elle désire que ses romans, ses nouvelles aient avec l'espace social des liens intimes.»

Il y a toujours une certaine critique sociale dans ses livres. On y trouve des exclus et des marginaux remplis de sagesse. Dans Le sexe des étoiles, c'est un transsexuel; dans Homme invisible à la fenêtre, c'est un peintre hémiplégique. Ce roman paru en 1992 est son plus grand succès de librairie. Il a été récompensé par quatre prix et mis en images par Jean Beaudin. Dans Le coeur est un muscle involontaire, son dernier-né, c'est un écrivain autoexclu du monde (Réjean Ducharme sous un autre nom).

Mais depuis quelques années, ce sont les projets cinématographiques qui l'occupent le plus. Car Monique Proulx est aussi scénariste. «Le cinéma est une industrie et présente beaucoup de contraintes. Mais c'est aussi intéressant d'écrire un scénario qu'un roman. C'est un travail moins individuel.»

Monique Proulx a scénarisé ses propres histoires (Le sexe des étoiles, Souvenirs intimes), mais elle a aussi joint sa voix à celle d'autres créateurs. Avec Denis Chouinard, elle écrit actuellement l'histoire d'une ex-détenue, un film dont le titre provisoire est Annie croyait aux esprits. Avec Charles Binamé, l'auteure a scénarisé Le coeur au poing, où une femme décide d'accorder une heure de sa vie aux personnes qu'elle rencontre par hasard. «Ces histoires n'étaient pas de moi, mais elles auraient pu l'être, lance-t-elle. J'ai la chance d'avoir la confiance de cinéastes qui partagent à merveille mes univers.»

Après le passage de Normand Chaurette, écrivain de théâtre, du poète Gilles Cyr et du romancier André Major, la présence de Monique Proulx à l'Université de Montréal réjouit Patrick Poirier, directeur scientifique du Centre de recherche en littérature québécoise. «Je pense que son expérience de romancière et de scénariste peut être très enrichissante pour les étudiants», affirme-t-il.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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