Édition du 15 novembre 2004 / volume 39, numéro 11
 
  L'aménagement intérieur est un processus en évolution
Le premier titre de compagnon de Ferdie est accordé à Tiiu Poldma

Tiiu Poldma

Seule femme du Canada à enseigner en design avec un doctorat en éducation, Tiiu Poldma est une pionnière dans le domaine de la théorie de la recherche en design. Professeure à l'École de design industriel depuis 2000, elle vient de se voir décerner par les professionnels du milieu le titre de compagnon de Ferdie, titre honorifique créé cette année et dont elle est la première titulaire.

Ferdie, c'est la Fédération d'études et de recherches en design d'intérieur de l'est du Canada. Cette association a été fondée en 1986 par des membres de la Société des designers d'intérieur du Québec soucieux de hausser la qualité de l'enseignement de cette discipline et de promouvoir l'excellence dans la pratique professionnelle du design d'intérieur.

Une jeune discipline

«Le design d'intérieur a fait son entrée au Canada dans les années 70 et l'on commence à peine à saisir toute la complexité de la signification de l'aménagement intérieur», souligne la professeure. Ce n'était pas encore le cas dans les années 80, quand elle enseignait le design d'intérieur au Collège Dawson et qu'on associait sa discipline à la décoration intérieure.

«L'aménagement intérieur, c'est beaucoup plus que cela, poursuit-elle. Nous cherchons à résoudre tout problème de confort et d'ergonomie au travail tout en tenant compte de la vie sociale et des relations interpersonnelles. On nous engage souvent pour résoudre des problèmes d'éclairage ou d'aération ou encore pour évaluer l'effet des couleurs sur la psychologie des employés.»

Tiiu Poldma a un parcours particulier puisque sa formation touche à la fois aux sciences de l'éducation et au design. Après des études de premier cycle en design d'intérieur à l'Université Ryerson, à Toronto, elle se perfectionne en éclairage à la Illuminated Engineering Society et acquiert une expérience professionnelle dans plusieurs bureaux. Elle ouvre sa propre agence et entreprend des études aux cycles supérieurs en sciences de l'éducation à l'Université McGill: d'abord une maitrise en culture et valeur appliquées au design par laquelle elle cherche à mieux saisir les notions et la philosophie du design, puis un doctorat pour rapprocher la théorie et la pratique et résoudre les incohérences qu'elle avait observées entre les deux approches.

«Jusqu'ici, il n'y avait pas de théorie ni de philosophie de la recherche en design d'intérieur, explique-t-elle. Avec mon doctorat, j'ai essayé de transférer au laboratoire mon expérience professionnelle afin d'en comprendre le processus et de joindre la théorie et la pratique. Il faut, par exemple, savoir tenir compte du fait que l'aménagement intérieur n'est jamais permanent mais relève d'un processus en évolution et que les personnes interagissent avec leur environnement.»

Dans cette perspective, la chercheuse travaille à des projets d'éclairage dynamique qui permettraient de créer une expérience évolutive d'interaction avec le milieu, que ce soit au travail, à la maison ou dans des endroits publics comme les restaurants.

Elle met également son expertise au service de populations vulnérables, comme les personnes âgées et celles atteintes de la maladie d'Alzheimer, en étudiant les effets positifs des couleurs sur l'affectivité ainsi que les formes d'éclairage susceptibles d'éviter les chutes.

La professeure Poldma travaille en lien avec l'industrie. Il y a quelque temps, la compagnie Sico faisait appel à son savoir-faire pour une étude sur la nomenclature des couleurs. C'est donc à elle et à son équipe d'étudiants qu'on doit les noms évocateurs robe de bal, bleu courtisan, bleu soyeux, bleu chatoyant, robe de satin, bleu de bal, chevalier bleu ou prince noir pour ne nommer que les nouveaux tons dans la gamme des bleus.

Estonienne, canadienne et québécoise

Tiiu Poldma est née à Montréal de parents estoniens. «Mon père a quitté l'Estonie après la guerre pour s'installer à Montréal», raconte-t-elle. À la maison, on parle estonien, une langue proche des langues scandinaves, et Tiiu fréquente les classes d'immersion française à l'école anglaise. Ce qui fait que la petite fille devient trilingue.

En 1974, alors qu'elle est âgée de 14 ans, sa famille déménage à Toronto, craintive du ressac du nationalisme et désireuse de se rapprocher d'une communauté estonienne plus importante. Tiiu Poldma revient à Montréal au milieu des années 80 et travaille dans les milieux autant anglophones que francophones. «Dans le domaine du design, il n'y a pas beaucoup d'échanges entre anglophones et francophones à Montréal, mais je réussis à collaborer avec les deux groupes et à établir un certain lien entre les deux», remarque-t-elle.

Quand elle amorce sa maitrise à l'Université McGill, Tiiu Poldma donne naissance à un garçon, aujourd'hui âgé de neuf ans, et dont le père est aussi d'origine estonienne. Dans son entourage, on se demandait comment elle parvenait à remplir son double rôle de mère et d'étudiante. «J'ai toujours voulu vivre ma vie à fond», résume-t-elle.

Daniel Baril



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement