Édition du 29 novembre 2004 / volume 39, numéro 13
 
  Solidifier le mariage de l'os et de la prothèse
L'insertion d'un objet métallique dans le corps humain pose invariablement des problèmes

Sur l'écran de gauche, des cellules se sont développées sur une surface métallique. Sur l'écran de droite, il est possible de voir la surface de l'élément métallique, version haute résolution.

Antonio Nanci rêve du jour où une prothèse de la hanche émettra un signal lorsqu'elle aura besoin d'être réparée. Il rêve également du jour où il sera impossible d'écailler la peinture d'un véhicule parce que le pigment aura été intégré au métal grâce à un processus moléculaire.

La portée des travaux du chercheur de la Faculté de médecine dentaire dépasse largement ces organes blancs et durs qui reposent dans les bocaux de la vitrine d'exposition installée à l'extérieur de son bureau.

Les rêves du Dr Nanci s'inscrivent en fait dans le prolongement des recherches novatrices qu'il a déjà menées dans le domaine de la biologie cellulaire des tissus calcifiés. Le chercheur se plaît à se projeter dans l'avenir, mais certains problèmes le tiennent toutefois en haleine dans le monde actuel.

Le Dr Nanci s'emploie depuis un moment à perfectionner la technique mise à profit dans les prothèses de la hanche et les implants dentaires.

Le savoir-faire qui permet d'insérer un objet métallique dans un os a certes été d'un grand secours pour bon nombre de personnes, mais les matériaux ne sont toujours pas biocompatibles. Le corps déteste qu'on lui impose un objet étranger et ne réagit habituellement pas très bien à sa présence. C'est pourquoi les scientifiques ont commencé à fabriquer des prothèses et des implants en titane. Le titane est un alliage inerte qui ne provoque pour ainsi dire jamais de réactions. La plupart des métaux peuvent libérer des particules toxiques dans notre corps, contrairement au titane, qui se détériore rarement.

Un problème demeure toutefois pour les patients et les fabricants. Le lien qu'on crée en unissant un os et un objet métallique n'est toujours qu'une pâle imitation de celui qui se forme entre deux os. Il faut souvent beaucoup de temps avant qu'un os réussisse à incorporer un objet métallique et que la structure se stabilise et, parfois, il n'y parvient pas du tout. Le problème prend une ampleur considérable pour les personnes âgées, car elles n'ont plus la capacité de stimuler la croissance osseuse aussi efficacement. L'os peut alors s'abîmer davantage et l'implant ou la prothèse peut se déplacer.

Illustration d'un implant

Voilà à quoi travaille le Dr Nanci, qui est en quelque sorte devenu un «intermédiaire» entre le titane et l'os humain. Il est le lauréat de la prestigieuse subvention récemment accordée par le gouvernement fédéral dans le cadre du programme Projets de recherche concertée sur la santé. Le chercheur s'est employé à modifier la surface du titane pour former une nanotopographie des sommets et des creux afin que l'os et l'objet métallique adhèrent plus facilement l'un à l'autre. Son équipe s'est également consacrée à la recherche de techniques grâce auxquelles il serait possible de fixer de façon permanente certaines molécules à des surfaces métalliques pour qu'elles accroissent cette adhérence et agissent comme conducteurs, permettant ainsi aux cellules réparatrices de se rendre à l'endroit où elles sont le plus utiles.

Selon ces principes, un os qui a besoin d'être réparé appelle à la rescousse certaines cellules qui activent le processus de restauration et il est essentiel de réduire une fracture pour que les cellules vasculaires aient la possibilité de commencer la production des vaisseaux sanguins qui aident à la formation osseuse. Le Dr Nanci a examiné de plus près les sommets et les creux présents dans le titane à l'aide de son microscope électronique et a expérimenté des techniques dans le but d'amener les cellules à émettre des signaux qui facilitent le processus de réparation osseuse.

«Je me demande s'il est possible de créer des surfaces intelligentes qui enverraient des signaux aux cellules réparatrices», se questionne le Dr Nanci, qui travaille à l'Université depuis 21 ans.

Son équipe interdisciplinaire, composée entre autres de James D. Wuest (chimiste organicien de l'UdeM) et de Federico Rosei (physicien de l'INRS-EMT), a travaillé à l'échelle nanométrique pour attirer les cellules qui prennent part au processus de réparation à l'aide de principes physiques.

«C'est un peu comme si on allait à la pêche en se servant d'un appât pour attirer les cellules», explique le Dr Nanci, dont les travaux sur les manipulations cellulaires mettent à profit des principes physiques, évitant ainsi l'introduction d'un produit chimique dans le corps humain.

Le Dr Nanci, actuellement en pourparlers avec un important fabricant d'appareils orthopédiques des États-Unis, utilise certains des principes fondamentaux qui entrent en jeu chaque fois qu'une personne subit une fracture pour effectuer un travail extrêmement complexe en nanobiologie.

Le chercheur se prend de nouveau à rêver. Il souhaite que ses travaux sur l'émission de signaux non seulement trouvent des applications au-delà des implants dentaires et des prothèses de la hanche, mais également permettent de perfectionner les endoprothèses vasculaires et d'améliorer l'administration contrôlée des médicaments. Les surfaces intelligentes pourraient même transmettre des messages essentiels aux cellules souches adultes; voilà qui offre des possibilités fascinantes pour toute une gamme d'applications médicales.

Ses travaux sont-ils susceptibles d'être utilisés dans l'industrie? Selon le Dr Nanci, s'il devient possible d'avoir recours aux nanopores du métal, par exemple pour accroître l'adhérence d'une peinture à une surface métallique, les propriétaires d'une voiture dont la peinture a été égratignée par une clé ou à la suite d'un accrochage pourraient en bénéficier. Si le pigment est intégré aux nanopores du métal, la peinture ne pourra plus être endommagée de la sorte. Le Dr Nanci suppose qu'il faudrait en fait avoir une «nanoclé» pour faire ce type de dommages. Qui sait, peut-être sera-t-il un jour «en pourparlers» avec un vandale quelque peu entreprenant.

Philip Fine
Traduit de l'anglais par Jacynthe Juneau



 
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