Édition du 29 novembre 2004 / volume 39, numéro 13
 
  Mieux cerner l'hyperactivité du syndrome de Gilles de la Tourette
Marc Lavoie explore le cerveau des personnes affligées de tics nerveux

Marc Lavoie

Même si très peu de gens en sont atteints, le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) ne passe pas inaperçu. Caractérisé par des tics moteurs et vocaux incontrôlés et parfois par des expressions obscènes ou choquantes, le SGT est souvent perçu comme un manque de savoir-vivre ou un refus délibéré d'accepter les normes sociales de la bienséance.

«Ce syndrome révèle une incapacité d'inhiber de façon appropriée les réactions motrices, mais cette incapacité est de source neuronale», indique Marc Lavoie, chercheur au Centre de recherche Fernand-Seguin et au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine. Ses travaux ont montré que les personnes souffrant du SGT éprouvent des difficultés d'attention au moment d'accomplir une tâche motrice sélective; elles sont incapables de gérer les informations cognitives au bon moment et d'activer les bonnes régions cérébrales.

Un syndrome étrange

On connait en fait très peu de chose sur le SGT. C'est en 1885 que le Dr Gilles de la Tourette en a fait la première description détaillée et ce n'est qu'au milieu du 20e siècle qu'on en a reconnu la pertinence sur le plan clinique. Pour le Dr de la Tourette, il ne faisait pas de doute que le désordre était d'origine nerveuse.
Dans la population infantile, 10 ou 11 % des enfants peuvent être affectés par des tics moteurs, des tics verbaux ou encore par les deux. Seuls ceux qui présentent les deux genres de tics sont considérés comme souffrant du SGT. Ils ne forment que 1 % de la population infantile. Le syndrome affecte par contre cinq fois plus de garçons que de filles. Les enfants atteints manifestent également des signes d'hyperactivité et de comportements obsessifs-compulsifs comme le lavage répétitif ou la recherche démesurée de symétrie.

Les symptômes apparaissent vers l'âge de 5 ans et les tics surviennent indépendamment du contexte, de l'environnement ou de la présence d'autres personnes. La fréquence augmente graduellement jusqu'à 10 ans pour diminuer au cours de l'adolescence. Onze pour cent des gens atteints conserveront ces manifestations à l'âge adulte. Les symptômes moteurs sont généralement des grimaces et des tics dans les régions du cou et de la tête et parfois dans les membres.

Les tics vocaux ressemblent à des aboiements ou à des grognements. Même si le SGT est surtout connu pour les expressions scatologiques, les jurons ou autres vulgarités qui le caractérisent parfois, ce genre de tic vocal est extrêmement rare, affirme Marc Lavoie. Dans de tels cas, la personne est consciente de l'aspect choquant des mots prononcés, ce qui témoigne d'un manque d'inhibition à l'égard des interdits langagiers.

Deux cortex en cause

Gilles de la Tourette (1857-1904)

Les travaux de Marc Lavoie, recourant aux potentiels évoqués, ont permis de mieux connaitre la symptomatologie cognitive du SGT. Une de ses étudiantes au doctorat, Geneviève Thibault, a comparé les mesures électrocorticales prises chez des adultes affligés de tics moteurs chroniques avec les mêmes mesures obtenues auprès d'un groupe témoin. Les données ont montré une suractivation du cortex frontal suivie d'une sous-activation du cortex pariétal chez les personnes atteintes du SGT lorsqu'elles accomplissent une tâche d'attention recourant à un stimulus visuel.

«Les régions suractivées sont celles de l'orientation de l'attention, alors que celles qui sont sous-activées jouent un rôle dans l'interprétation des stimulus, explique le chercheur. Cela signifie que les personnes aux prises avec des tics éprouvent de la difficulté à coordonner correctement et au bon moment leurs ressources cognitives lorsqu'elles doivent exécuter une tâche contrôlée. Elles utilisent plus de ressources et activent des régions cérébrales différemment des personnes non atteintes.»

Marc Lavoie poursuit ces travaux en comparant, à la fois à l'aide de tests neuropsychologiques et de potentiels évoqués, l'activation cérébrale de trois types de patients: des personnes qui souffrent du SGT, des gens aux comportements obsessifs-compulsifs et des personnes atteintes des deux troubles de comportement. «L'objectif est de découvrir les différences et les similitudes neurophysiologiques entre ces groupes et de savoir s'ils répondent de la même façon aux traitements», précise-t-il.

Les médecins ont parfois soigné le SGT avec un antipsychotique agissant sur les récepteurs de dopamine, mais l'équipe de Marc Lavoie, dont font partie Kieron O'connor et Emmanuel Stip, recourt à la thérapie cognitivo-comportementale. «L'antipsychotique utilisé a des effets secondaires majeurs, alors que la thérapie comportementale et cognitive donne des effets comparables à la médication après six mois», affirme-t-il.

La thérapie fait appel entre autres à la visualisation des tics sur vidéo, à la relaxation musculaire, à l'électromyographie pour apprendre à contrôler les muscles touchés et à la gestion du style de vie pour surmonter l'hyperactivité.

Daniel Baril



 
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