Édition du 29 novembre 2004 / volume 39, numéro 13
 
  La juge Louise Otis a introduit la médiation à la Cour d'appel
La justice d'autorité n'est plus la seule façon de régler un conflit

La juge Louise Otis

Une petite révolution est en train de s'opérer dans le monde de la justice au Québec. Depuis maintenant sept ans, les parties en conflit peuvent opter pour la médiation à la Cour d'appel au lieu de passer par le processus long et couteux du procès.

«Nous avons aujourd'hui atteint la maturité permettant la cohabitation des deux systèmes de justice: celui du procès où le rôle du juge est de dire le droit et celui de la médiation où le juge cherche à régler le conflit», déclarait Louise Otis, juge à la Cour d'appel du Québec, à la 8e Conférence Albert-Mayrand, tenue à la Faculté de droit le 11 novembre.

C'est à la juge Otis qu'on doit l'introduction dans le système de justice de cette avenue novatrice. Implantée d'abord à la Cour d'appel, la procédure de médiation a ensuite été étendue aux autres paliers du système. Mme Otis a elle-même présidé plus de 300 séances de conciliation dont le but est d'amener les parties à trouver un terrain d'entente et de faire sanctionner le règlement par la Cour tout en évitant un procès qui bien souvent envenime la situation et frustre les personnes de leur pouvoir de décision.

De l'autorité à la responsabilisation

«Le conflit est en soi l'une des manifestations de la vie, a affirmé d'emblée Louise Otis. Il se retrouve dans toutes les sphères de l'activité humaine et est l'un des traits les plus significatifs de l'humanité. La paix résulte de l'équilibre entre des forces opposées; il faut donc chercher à maitriser les excès du rapport de force.»

Devant les tribunaux, le déséquilibre était traditionnellement corrigé ou compensé par l'argument d'autorité que le juge était seul à pouvoir énoncer. Mais le système de justice basé sur cette vision «arrive à son point de saturation», soutient la juge. Les délais qui s'allongent, les frais prohibitifs, les limites inhérentes au débat contradictoire, les traumatismes psychologiques qui en découlent, la société qui cherche son souffle, tout cela a suscité la recherche d'une voie de rechange et l'émergence des juges médiateurs.

«La collectivité a aussi atteint une maturité permettant aux citoyens de devenir parties prenantes de la solution et de la décision, poursuit la juge. Le droit autoritaire n'est plus la seule source de solution. C'est la fin du paternalisme judiciaire.»

Le système traditionnel repose sur la confrontation et sur la polarisation des attitudes; la médiation s'appuie sur la recherche d'une entente et sur le principe du consensus: les personnes concernées doivent demander la médiation et cette solution n'est jamais imposée. Les juges peuvent également refuser de jouer les médiateurs. L'approche accorde une place centrale à la discussion dans un contexte modulable. Le juge médiateur peut aussi agir sur les autres litiges liés au dossier et qui seraient pendants devant d'autres tribunaux. «Le juge est en charge du processus et cherche à favoriser le consensus, mais les parties sont responsables de la décision», précise Louise Otis.

Système unique au monde

La médiation peut s'appliquer à tous les domaines du droit, que ce soit le droit familial, le droit commercial ou même le droit criminel. Sont toutefois exclues les causes relevant des chartes ­ les droits fondamentaux étant non négociables ­ de même que les conflits issus d'un rapport de force inégal comme les cas de violence conjugale.

Selon la juge Otis, il s'agit là d'un système unique au monde qui permet des économies de temps et d'argent. «Nous sommes en train de réaliser au Québec la synthèse des systèmes de justice», déclare celle qui a formé non seulement des juges du Québec et du Canada à cette approche, mais également des juges de France, du Mali et du Maroc.

Dans sa présentation de la conférencière, la doyenne de la Faculté de droit, Anne-Marie Boisvert, n'a pas manqué de souligner les qualités exceptionnelles de la juge Otis: «C'est une femme à l'intelligence redoutable, aux qualités humaines peu communes, qui est dotée d'un dynamisme incroyable et qui a un gout marqué pour le travail bien fait et le professionnalisme. Mais elle n'a pas que des qualités: elle est aussi diplômée de l'Université Laval!»

Daniel Baril



 
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