Édition du 29 novembre 2004 / volume 39, numéro 13
 
  L'École de réadaptation fête ses 50 ans
Les soins aux blessés de guerre ont fait réaliser à Gustave Gingras la nécessité d'avoir une école de réadaptation

L'auteur François Hudon

«Il fallait décrocher les pendus, ramasser les victimes de défenestration, dégager des voitures les corps ensanglantés des traumatisés et ramener en vitesse des malheureuses saignées à blanc à la suite d'un avortement maison», écrit le Dr Gustave Gingras dans ses mémoires à propos de son travail à l'Hôpital Saint-Luc dans les années 30.

Le jeune stagiaire en médecine n'était pas au bout de ses peines. En 1939 éclate la Deuxième Guerre mondiale et il sera mobilisé par l'armée canadienne. Il assurera les soins à l'hôpital de neurochirurgie et de chirurgie plastique de Basingstoke, en Angleterre, où les traumatisés crâniens et les blessés de la moelle épinière se multiplieront à mesure que le conflit avance.

C'est le neurochirurgien réputé Wilder Penfield qui l'engage à son retour de la guerre pour qu'il s'occupe d'une cinquantaine d'anciens combattants, ce qu'il fera de 1945 à 1949. «Le cours de la vie du médecin militaire s'en trouvera bouleversé à jamais», écrit François Hudon dans le livre qu'il vient de faire paraître sur l'histoire de l'École de réadaptation de l'UdeM.

Moins de 10 ans après la fin du conflit mondial, en effet, le Dr Gingras fonde la première école de réadaptation francophone du monde, qui fête son cinquantenaire cette année. «Une école existait déjà depuis plusieurs années à l'Université McGill [...] et une autre, depuis un quart de siècle, à l'Université de Toronto. Dans chacune de ces institutions l'enseignement était dispensé, bien entendu, en anglais. Il importait dans mon esprit que l'enseignement et les normes d'une nouvelle école soient les mêmes que ceux existant dans ses grandes institutions canadiennes. Autrement nos futurs gradués auraient évolué sur un plan différent de leurs collègues des autres provinces», évoque le Dr Gingras.

Répondre aux besoins

«Le service à la collectivité. C'est ce que je retiens de la contribution de Gustave Gingras, dit l'auteur de l'Histoire de l'École de réadaptation. S'il est aujourd'hui peu connu du grand public, le Dr Gingras était incontestablement, aux premières années de l'École, une vedette dans le domaine de la santé publique. Le physiatre demeurera directeur de l'unité jusqu'en 1976. C'est lui qui figure sur la couverture du livre.

L'idée de créer cette école, rappelle l'historien des sciences qui enseigne l'histoire de la médecine depuis 10 ans à l'Université, s'appuie sur des besoins criants qui ne feront que s'amplifier. Après les blessés de la guerre, l'épidémie de poliomyélite a apporté son contingent de patients aux physiothérapeutes et ergothérapeutes. Puis, comme le rapporte François Hudon, les accidentés auront besoin de soins spécialisés. «Les accidentés du travail reçoivent, en Amérique, une attention particulière dès le début du 20e siècle, puisque la conception des machines et équipements n'assure d'aucune façon la protection et la sécurité des ouvriers. La situation est la même pour les ouvriers agricoles, dont la machinerie n'est guère plus sécuritaire.»

L'essor des technologies médicales et pharmaceutiques fera en sorte que l'espérance de vie s'accroîtra sans cesse. Les antibiotiques à eux seuls ont mis fin à plusieurs affections mortelles. Désormais, les personnes âgées sont les principaux occupants des hôpitaux de réadaptation.

Diplômée de la deuxième promotion

Andrée Forget 

Andrée Forget est arrivée à l'École de réadaptation à la deuxième année d'existence de l'unité. Elle a obtenu son diplôme en 1958. «Je me destinais à la carrière d'infirmière, mais j'avais entendu parler de cette nouvelle discipline. Je n'ai jamais regretté mon choix», confie-t-elle à Forum.

Avec le Dr Gingras, Mme Forget a travaillé auprès des anciens combattants à Montréal, mais aussi à l'étranger. «Nous avons mis sur pied ensemble, au Viêtnam, en 1975, un programme d'ergothérapie qui devait compléter les soins de physiothérapie qui existaient déjà. Malheureusement, la guerre a éclaté et le projet n'a jamais vu le jour.»

L'expérience a toutefois été répétée, avec succès cette fois, au Maroc puis au Liban et à la Barbade. Mme Forget a poursuivi l'oeuvre à l'échelle internationale du fondateur de l'École en présidant pendant huit ans la Fédération mondiale des ergothérapeutes. Elle a même créé, au moment où le Dr Gingras a pris sa retraite, en 1997, un fonds qui porte son nom. Il a pour but de promouvoir la réadaptation dans les pays en voie de développement. Le Fonds contribue au financement des activités des étudiants ou de membres du corps professoral dans le secteur de la réadaptation dans des pays pauvres (stages étudiants, activités préparatoires à la création de programmes de formation ou d'intervention en réadaptation).

Le fondateur de l'École, Gustave Gingras

Les débuts de l'École de physiothérapie et de thérapie occupationnelle, comme on l'appelait alors, ont été fort difficiles, rappelle Andrée Forget. À ses premières années, les budgets étaient modestes et les professeurs étaient «empruntés» à l'Université McGill et ailleurs. Aujourd'hui, l'École jouit d'une excellente réputation tant pour ce qui est de son enseignement que sur le plan de la recherche qui s'y déroule. En plus des programmes de physiothérapie et d'ergothérapie, elle accueille en 1956 le programme d'orthophonie-audiologie conduisant à la maîtrise. L'École prend alors le nom d'École de réhabilitation. Ce n'est qu'en 1971 que son nom actuel lui est donné.

L'École accueille en ce moment 172 étudiants par cohorte au premier cycle, soit 100 étudiants en ergothérapie et 72 en physiothérapie. Depuis le début des années 80, un accent a été mis sur le développement de la recherche et le recrutement de professeurs au doctorat et, du même coup, de chercheurs boursiers.

L'École occupe des locaux sur cinq étages du pavillon Marguerite-d'Youville, où sont donnés la plupart des cours. Les activités de recherche des professeurs et des chercheurs se déroulent dans plusieurs milieux cliniques: l'Institut de réadaptation de Montréal, l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, l'Hôpital Sainte-Justine, l'Hôpital Marie-Enfant, le Centre de réadaptation Lucie-Bruneau et le Centre hospitalier Côte-des-Neiges. Certaines activités de recherche se passent également sur le campus. La formation clinique se donne dans 90 milieux cliniques en physiothérapie et dans 60 milieux en ergothérapie.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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