Édition du 29 novembre 2004 / volume 39, numéro 13
 
  capsule science
Faut-il retirer le permis de conduire aux personnes âgées?

Le 12 novembre dernier à 10 h 20, à l'angle de la rue Lacombe et du chemin de la Côte-des-Neiges, un conducteur âgé de 74 ans a perdu le contrôle de son véhicule, qui a heurté un groupe de piétons. Deux personnes sont mortes et sept autres ont été blessées. «On examine encore l'éventualité que le conducteur ait eu un malaise, mais, comme on l'a vu marcher après l'accident, on regarde de plus en plus la possibilité d'une fausse manoeuvre», a indiqué à La Presse Olivier Lapointe, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal.

Faut-il retirer le permis de conduire aux personnes âgées? «Manifestement, non, répond Jean-Yves Frigon, professeur au Département de psychologie. Mais je serais d'accord pour que l'État impose des tests destinés à mieux évaluer la cognition des conducteurs âgés. Actuellement, les tests se limitent à une évaluation des capacités visuelles et auditives.»

M. Frigon a dirigé la thèse de Geneviève Daigneault sur la conduite automobile des personnes âgées. «L'erreur la plus fréquente des conducteurs âgés est d'omettre de céder le passage en plus de leurs difficultés à tourner à gauche à un carrefour, explique la neuropsychologue aujourd'hui rattachée au Réseau de la santé Richelieu-Yamaska, à Saint-Hyacinthe. Pour pallier leurs déficits, les personnes âgées font souvent preuve d'une prudence excessive qui les amène à réduire leur vitesse. Mais cette attitude ne permet pas de contrebalancer leurs réflexes plus lents ni leurs difficultés d'adaptation aux situations imprévues.»

Elle a publié dans le Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology les résultats d'une étude sur 60 sujets où elle a comparé les fonctions cognitives, mesurées à l'aide de tests neuropsychologiques, avec le nombre d'accidents et les habitudes routières. Ses travaux suggèrent qu'un sous-groupe de conducteurs âgés (ceux responsables de trois accidents et plus au cours des 12 mois précédents) éprouvent des problèmes de jugement qui ne peuvent être compensés par des attitudes plus sécuritaires sur la route. «Ma thèse démontre que le principal problème des conducteurs âgés est l'adaptation au changement. Les personnes âgées ne sont pas les seules à rencontrer des obstacles à ce titre. Les victimes d'accidents vasculaires cérébraux, les traumatisés crâniens et même les diabétiques peuvent éprouver des difficultés de jugement.»

À son avis, la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) est consciente de la situation et recherche activement des solutions. Mais celles-ci sont très complexes. Les tests qui permettent d'évaluer la cognition, par exemple, sont fiables mais longs à faire passer: jusqu'à cinq heures excluant l'examen sur la route. «En tout cas, il faut prendre en considération que la conduite automobile est une tâche complexe, commente-t-elle. On a longtemps considéré la conduite automobile comme une tâche simple. C'est une erreur.»

Au Québec, le renouvellement d'un permis de conduire à l'âge de 75 ans est conditionnel à la réussite d'un examen de la vision et d'un examen médical. Mais le médecin n'est pas toujours apte à diagnostiquer les troubles sur le plan des fonctions exécutives, soit les prédispositions mentales qui permettent de superviser les mouvements et de prendre rapidement des décisions.

Pour Geneviève Daigneault, la question est préoccupante, mais l'âge n'est pas un indicateur fiable pour déterminer les compétences de la conduite automobile. «Des jeunes aux prises avec des difficultés d'attention peuvent aussi bien représenter un danger sur la route», indique-t-elle.

Si l'on compare les données de la SAAQ, on apprend que les conducteurs âgés de 75 ans et plus sont responsables d'à peine 4 % des accidents avec blessures, alors que le groupe des 16-24 ans cause 25 % de ces accidents.

Toutefois, le nombre d'accidents est proportionnellement beaucoup plus élevé si l'on tient compte du nombre de kilomètres parcourus. Vus de cette façon, les conducteurs de 75 ans et plus occasionnent de 1,6 à 2,4 fois plus d'accidents que les 25 à 64 ans.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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