Édition du 6 décembre 2004 / volume 39, numéro 14
 
  L'immersion française à l'école, ça fonctionne!
Les élèves bilingues réussissent mieux que leurs camarades unilingues, tant aux tests écrits qu'aux tests oraux

Le recours aux TIC en classe d'immersion française était le thème du congrès de l'Association canadienne des professeurs d'immersion. Selon Thierry Karsenti, ces technologies peuvent aider à l'apprentissage du français en facilitant l'accès aux ressources francophones partout dans le monde.

Au congrès de l'Association canadienne des professeurs d'immersion, tenu à Montréal les 19 et 20 novembre, les quelque 1000 participants venus de toutes les provinces canadiennes étaient accueillis par de jeunes élèves anglophones de sixième année qui les dirigeaient, en français, vers les ateliers de leur choix. Ces élèves provenaient de classes d'immersion française.

À cette même rencontre, des élèves anglophones et allophones de troisième année ont composé et interprété, toujours en français, une chanson dédiée à Antonine Maillet, qui livrait la conférence d'ouverture.
«Nous avons ainsi voulu montrer que l'immersion, ça fonctionne, déclare Thierry Karsenti, professeur au Département de psychopédagogie et d'andragogie et organisateur bénévole du congrès. Quoi qu'en disent les sceptiques, il s'agit d'une bonne méthode pour apprendre une langue seconde.»

Pas de risque pour la langue maternelle

Dans les classes d'immersion, les élèves anglophones ou allophones suivent, dans une proportion allant de 50 à 100 %, leurs cours en français. Certains programmes débutent dès la maternelle.
Non seulement cette méthode est sans pareil pour apprendre une langue seconde, mais elle ne nuit en rien à l'apprentissage de la langue maternelle même si l'immersion s'effectue au primaire, assure Thierry Karsenti.

«Si tout se passe en français, les élèves peuvent maitriser davantage cette langue, mais, un an après l'immersion, il n'y a plus de différences dans la maitrise des deux langues. Les connaissances apprises et les structures langagières servent de supports à la langue maternelle. Des parents s'inquiétaient des risques quant à l'acquisition de la langue maternelle, mais, dans notre contexte, il n'y a aucune restriction à l'immersion francophone.»

L'immersion permet aussi de rapprocher les cultures. «La connaissance d'une autre langue enracine la compréhension et le respect de l'identité, des droits et des valeurs d'autrui», ajoute le professeur.

Et il y a plus. Les études démontrent que les élèves des classes d'immersion performent mieux que les élèves unilingues tant aux tests écrits qu'aux tests oraux, et ceci, dans les deux langues. Ce qui veut dire qu'un allophone en classe d'immersion pourrait réussir mieux en français qu'un francophone unilingue, ce qui s'est d'ailleurs observé plusieurs fois dans les divers concours de dictée.

Pour le professeur Karsenti, cela serait dû à l'apprentissage intensif, qui permet de mieux maitriser les règles de base et qui suscite l'intérêt pour les langues et le vocabulaire. D'autres facteurs doivent
également être considérés, note-t-il, comme le soutien des parents et le milieu socioéconomique.

La vue d'un ordinateur suffit parfois à prolonger l'intérêt des élèves.

Sauver le français par les TIC

Au Canada, on trouve des programmes d'immersion française dans toutes les provinces et même au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Les taux de fréquentation de ces classes varie d'une province à l'autre: il est, par exemple, de 26 % au Nouveau-Brunswick, de 5,6 % en Ontario et de 37 % au Québec. Le Yukon fait la barbe à l'Ontario avec 6,7 % d'élèves anglophones en immersion française.

Dans l'ensemble du pays, on remarque une légère baisse de la fréquentation de ces classes en 2002-2003 en raison, selon Thierry Karsenti, d'une baisse des subventions accordées à ces programmes. Invitée à l'ouverture du congrès, la ministre du Patrimoine canadien, Liza Frulla, aurait promis de hausser les subventions.

Cette diminution de la fréquentation inquiète le professeur Karsenti puisque le français est de plus en plus en concurrence avec l'espagnol, voire avec le japonais en Colombie-Britannique, en tant que langue seconde au pays. Comme titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l'intégration des technologies de l'information et de la communication en éducation, il estime que les TIC peuvent insuffler un nouveau dynamisme aux classes d'immersion en facilitant l'accès aux innombrables ressources francophones dans le monde.

À titre d'exemple, un site de ressources en didactique qu'il a conçu (www.karsenti.scedu.umontreal.ca/didactique) donne accès à 5000 auteurs francophones et à toutes les ressources imaginables en grammaire. Le recours aux TIC en classe d'immersion était d'ailleurs le thème du congrès.

«Si le français se porte mieux à l'extérieur du Québec, cela ne pourra qu'être bénéfique pour le français au Québec; nous ne serons pas seuls au Canada», souligne le professeur.

Thierry Karsenti

Immersion anglaise?

Débattre de l'immersion pose l'inévitable question de l'immersion anglaise pour les francophones du Québec. Thierry Karsenti ne doute pas qu'il faudrait améliorer l'enseignement de l'anglais à l'école. «Dans certaines régions, des élèves du secondaire sont incapables de dire "Bonjour, comment ça va?" en anglais», déplore-t-il.

Il n'est pas pour autant en faveur de l'immersion anglaise; s'il faut aller de l'avant avec l'enseignement de l'anglais, il faut le faire avec prudence parce que le français demeure fragile. «Avant la loi 101, 88 % des immigrants allaient à l'école anglaise, rappelle-t-il. Les mesures de protection demeurent nécessaires, sinon le français risque de disparaitre.»

Devant la faible maitrise du français par les élèves du secondaire et l'appauvrissement du vocabulaire, Thierry Karsenti estime qu'il faudrait d'ailleurs renforcer l'enseignement de cette langue à l'école. Cela devient une urgence lorsque 60 % des candidats aux études en sciences de l'éducation échouent à leur test de français!

Mais selon le professeur, cette situation n'est pas nouvelle. «En 1900, des études montraient que la maitrise du français laissait à désirer», fait-il observer.

Daniel Baril



 
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