Édition du 13 décembre 2004 / volume 39, numéro 15
 
  En route vers les muscles artificiels
Sumitra Rajagopalan travaille sur des polymères intelligents

Lorsque Sumitra Rajagopalan a découvert le principe du muscle artificiel ­ un hydrogel capable de se contracter avec du calcium et de se rétracter avec du sodium ­, elle s'est carrément écriée «Eurêka»! «C'était en pleine nuit, se souvient-elle. Le principe m'est apparu de façon théorique en lisant des articles et je me suis précipitée au laboratoire le lendemain pour vérifier mon hypothèse.»

Ce n'était que le début d'un processus qui est loin d'être achevé, précise la chercheuse qui poursuit aujourd'hui ses travaux aux laboratoires d'électrochimie de l'École Polytechnique. Mais l'idée était là. «On peut penser qu'un jour on fabriquera des structures artificielles en mesure de remplacer les muscles détruits à la suite d'une maladie ou d'un accident. Évidemment, on sera encore loin de ce qu'on trouve dans la nature. Par exemple, nos muscles artificiels réagissent à des stimulations électriques de un volt, soit une puissance 100 fois trop forte.»

Dans le corps, les muscles volontaires sont des élastiques très spéciaux qui répondent aux directives du système nerveux. Ils réagissent en fonction de doses très sensibles d'éléments chimiques libérées à la suite d'un ordre du cerveau. Si l'on veut produire un de ces élastiques en laboratoire, il faut trouver le bon matériau et le bon système de communication. Or, les travaux de Mme Rajagopalan ont permis de fabriquer un gel très semblable au muscle lui-même. De grands progrès ont été accomplis ces dernières années relativement aux informations intramusculaires qui amènent la contraction du muscle.

On n'est pas à la veille de vendre des muscles artificiels à la pharmacie du coin. Là où les connaissances doivent se préciser, c'est en ce qui concerne le contrôle et la rétroaction dans le système nerveux... «C'est un secteur de recherche très excitant, car nous sommes au carrefour de la biomécanique, de la chimie et des sciences biomédicales», s'exclame-t-elle. À preuve, l'intérêt que revêtent ses recherches pour des experts en robotique. Des muscles artificiels pour des robots «intelligents»? On se rapproche du fameux cyborg.

Hong-Kong, Saint-Pétersbourg et Montréal

D'origine indienne mais née à Hong-Kong, où son père occupait un poste de diplomate, Sumitra Rajagopalan a un parcours inusité qui passe par plusieurs pays d'Europe et d'Asie avant d'aboutir au Canada. C'est d'ailleurs à l'Université d'État de Saint-Pétersbourg qu'elle s'emballe pour les matériaux intelligents.

Les cours de chimie macromoléculaire du professeur Alexandre Bilibin sont à l'origine de cet engouement. Constatant l'enthousiasme de l'étudiante, le professeur la recommande à un de ses collègues de l'Institut Pavlov. Elle s'y rend pour plonger dans l'univers encore balbutiant des polymères programmables. Elle est fascinée d'apprendre que c'est dans ces murs qu'Ivan Pavlov a mené ses recherches sur le réflexe conditionné du chien en 1903.

Son travail de fin d'études sur les biocapteurs lui ouvre la voie de la maîtrise, qu'elle entreprendra au Département de chimie de l'Université de Montréal sous la direction de Julian Zhu. Ce chercheur, qui travaille sur les polymères thermosensibles, lui permettra de mettre au point un matériau prometteur. «Quand on observe le corps, il y a au moins six étapes entre la stimulation électrique et le mouvement musculaire, signale la chercheuse. Nous ne parviendrons pas à égaler la nature dans son raffinement et sa précision. Mais mon but est tout de même de trouver un moyen de concevoir un muscle capable de se relier adéquatement au corps et de jouer son rôle de prothèse.»

Chroniqueuse scientifique

Récemment, Mme Rajagopalan a obtenu un prix de la Société internationale de biomécanique. En juillet dernier, elle recevait des spécialistes mondiaux de sa discipline à un symposium sur la biomimétique, la biomécanique et la bionique à l'occasion d'un congrès scientifique du Réseau canadien de la conception en ingénierie.

Dans sa religion, l'hindouisme, il existe un mot pour décrire la «mission noble» d'un être humain: dharma. «Mon dharma, c'est de tenter d'établir un lien entre le monde vivant et le non-vivant», résume-t-elle.
Mais cette polyglotte (elle parle ou comprend cinq langues) affiche également un grand intérêt pour la diffusion des connaissances à titre de communicatrice scientifique.

En effet, au cours des dernières années, Sumitra Rajagopalan a collaboré à plusieurs publications comme chroniqueuse scientifique. Elle a par exemple publié des textes sur la recherche scientifique dans The Washington Post, The Globe and Mail, The Gazette et The Toronto Star. Elle est également chroniqueuse scientifique pour CBC Online (voir www.cbc.ca/news/viewpoint/vp_rajagopalan/).

Après avoir vécu dans plusieurs villes, elle estime être une authentique Montréalaise. «Je me sens vraiment chez moi ici», dit-elle. Mais elle considère que tous les étudiants d'origine étrangère n'ont pas sa chance. Aussi, elle a été nommée représentante étudiante au Bureau d'intervention en matière de harcèlement, qui a pour mandat général d'assurer le respect de la Politique contre le harcèlement à l'Université.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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