Édition du 13 décembre 2004 / volume 39, numéro 15
 
  La musique sur le bout des doigts
L'Institut Nazareth et Louis-Braille met en place un nouveau service destiné aux aveugles

Manon Dubé

Les personnes atteintes d'une déficience visuelle auront bientôt accès à des partitions musicales grâce à un logiciel capable de transcrire la musique en braille que l'Institut Nazareth et Louis-Braille vient d'acquérir.

Le logiciel Toccata ­ de l'italien toccare, qui signifie «toucher» ­ est un protocole informatique en temps réel qui permet de transformer les partitions en lettres et symboles compréhensibles pour les aveugles, explique Manon Dubé, chef du service Adaptation de l'information en médias substituts à l'Institut. Concrètement, les musiciens professionnels ou amateurs peuvent ainsi, par la pulpe de leur index, prendre connaissance aussi bien de la partition d'un morceau que des informations relatives à son interprétation.

Il suffit d'entrer les notes et la mélodie à partir d'un clavier MIDI ou standard pour avoir accès à divers types de musique allant des chansons pour enfants de Carmen Campagne aux symphonies de Beethoven.

Chez les aveugles, la transcription musicale ne passe pas par la portée mais par un système de notation différente. «Cela  n'a rien à voir avec les partitions musicales des voyants. Notre système est composé de symboles», signale Manon Dubé. Aveugle de naissance et musicienne dans ses temps libres (elle joue du piano et de la trompette), elle pense que la technologie mise à leur disposition par l'Institut répond à un besoin. «La musique, que ce soit par l'appropriation d'un instrument ou par la participation à une chorale, est un loisir très populaire chez les aveugles.»

Mme Dubé, qui a pour tâche de tester les limites de cette technologie, souligne qu'avec un clavier MIDI (acronyme de Musical Instrument Digital Interface) on perd des informations, notamment le doigté. Avec un clavier standard, les partitions sont plus complètes. Dans les deux cas, l'information transmise à l'ordinateur doit l'être par un voyant.

Ici, une illustration tactile accompagne la partition musicale en braille de la chanson Marianne s'en va au moulin.

Mme Dubé et ses collègues évaluent présentement une autre approche, soit la numérisation des partitions qui, croit-on, pourrait être fiable tout en permettant une production rapide.

Avocate de formation diplômée de la Faculté de droit, Manon Dubé travaille depuis trois ans à l'Institut Nazareth et Louis-Braille, un centre affilié à l'Université de Montréal où une vingtaine de handicapés visuels étudient. Parmi eux, une dizaine ont fait connaître leur intérêt pour la transcription musicale dès la mention du service dans le PubliBraille, un journal produit par l'Institut.  

Afin de rendre ce projet viable, l'Institut est en train d'évaluer les besoins précis des usagers et les coûts liés à sa réalisation. Techniquement, l'achat d'un ordinateur, d'un clavier MIDI et d'un dispositif numérique est estimé à environ 5000$. «Les frais en ressources humaines sont plus difficiles à évaluer, car on ne connaît pas encore l'importance de la demande ni les délais de production.»

L'Institut prévoit engager un spécialiste pour assurer la formation des employés ainsi que du personnel pour entrer l'information dans l'ordinateur. Les étudiants qui possèdent des connaissances en musique et qui souhaiteraient effectuer ce travail sont invités à communiquer avec Mme Dubé. À noter qu'il n'est pas obligatoire de connaître le braille, ni d'être un crack en informatique.

Le service de transcription musicale devrait être offert à un prix minime aux résidants du Québec d'ici septembre 2005.
Dominique Nancy



 
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