Édition du 13 décembre 2004 / volume 39, numéro 15
 
  Bouc émissaire, démon du midi et brebis égarée
La Bible est créatrice d'expressions de tous les jours

Poète et diplômée en études françaises, Monique Deland a animé le dernier midi francophone

La plupart des étudiants l'ignorent, mais lorsqu'ils étudient «à la sueur de leur front», ils font une référence directe à l'Ancien Testament. En effet, c'est Yahvé qui a voué Adam à cultiver la terre à la sueur de son front pour ne pas être assimilé aux animaux. Ce châtiment découle du péché originel.

Parce qu'ils avaient croqué la pomme, Yahvé a condamné Ève à «enfanter dans la douleur» et Adam à «brouter l'herbe comme les bêtes». Gagner son pain à la sueur de son front signifie aujourd'hui «le gagner durement par son travail» (Le Petit Robert).

Le «démon du midi», le «bouc émissaire», une «arme à deux tranchants», la «brebis égarée», le «colosse aux pieds d'argile» sont autant d'expressions de la vie courante qui ont leur origine dans le premier livre à avoir été imprimé par Gutenberg. «Creuset de la sagesse occidentale pendant 20 siècles, la pensée chrétienne a marqué le croyant comme l'athée; on s'en reconnaîtrait autant prisonnier en la niant qu'en l'acceptant telle quelle», commente Jean-Claude Bologne, l'auteur du Dictionnaire commenté des expressions d'origine biblique (Larousse). «Méconnaître l'héritage biblique [...], c'est laisser la porte ouverte à d'autres irrationnels qui n'ont pas, derrière eux, 20 siècles de maturation.»

Le 2 décembre dernier, le Centre de communication écrite (CCE) invitait la communauté universitaire à mettre son imagination à l'épreuve dans un jeu du dictionnaire inusité consistant justement à découvrir les origines d'expressions bibliques. «Nous avons profité de l'approche des fêtes pour faire porter notre activité mensuelle sur des expressions tirées de la Bible», explique l'animatrice, Monique Deland.

Les cheveux d'Absalon

Autour de la table, une dizaine d'étudiants et employés devaient essayer de trouver l'origine d'une expression («les cheveux d'Absalon» par exemple) en mentionnant de quel livre elle était tirée. Puis ils devaient fournir une explication sur le sens actuel donné à cette expression. Pas de chance pour les profanes présents, plusieurs biblistes de la Faculté de théologie et de sciences des religions étaient parmi les participants!

Un nombre considérable d'expressions usuelles sont tirées de la Bible.

Avoir des cheveux d'Absalon ne signifie pas «avoir une chevelure vulnérable à l'électricité statique», comme l'a suggéré le reporter de Forum, mais bien «ce par quoi nous restons accrochés». Cette expression vient de la déroute du troisième fils de David. «Défait, il prend la fuite, mais sa volumineuse chevelure se prend dans les branches d'un chêne auquel il reste suspendu [...] Joad, qui commande l'armée de David, l'y trouve et le transperce de trois pieux.»

Lorsqu'on parle de la «marque au front de Caïn», on fait référence au «caractère distinctif du criminel», et non aux photos de kidnappeurs d'enfants qui sont posées sur les poteaux de téléphone, comme l'a proposé une participante.

Une autre expression choisie pour le jeu était «chanter le cantique de Siméon», c'est-à-dire «voir se réaliser, à l'heure de mourir, ce qu'on a attendu toute sa vie». Siméon avait voulu rencontrer le Christ toute sa vie durant, mais il a dû attendre jusqu'à son dernier jour pour le faire. Il chanta alors un cantique qui passa à l'histoire.

Midis francophones

Ce jeu du dictionnaire avait lieu à l'occasion des midis francophones, une série de rencontres qui veut amener la communauté universitaire à «développer une relation ludique avec la langue», comme le dit la directrice du CCE, Lorraine Camerlain. «Oui, l'accord des participes passés, c'est difficile, convient-elle. Mais il y a aussi des aspects amusants dans la langue. Chaque premier mercredi du mois, nous convions donc les gens à venir jouer avec les mots.»

Le mois dernier, on avait invité une écrivaine spécialisée dans le roman historique, Maryse Rouy, à exposer sa vision de la littérature (son texte sera bientôt accessible). Le jeu du dictionnaire revient aussi régulièrement.

Sur son site (www.cce.umontreal.ca), le CCE annonce les activités à venir. On peut aussi y trouver des capsules linguistiques, dont plusieurs vous feront sourire.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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