Édition du 13 décembre 2004 / volume 39, numéro 15
 
  CHUM : lettre des Doyens
Les doyens écrivent au ministre de la Santé et des Services sociaux

Jean Rouleau

Jean Rouleau
, M.D., FRCPC
Doyen
Faculté de médecine
Céline Goulet, Ph. D
Doyenne
Faculté des sciences infirmières

Jacques Turgeon, B. Pharm., Ph. D.
Doyen
Faculté de pharmacie
Claude Lamarche, D.M.D., C. Pros., M. Sc.
Doyen
Faculté de médecine dentaire

Jacques Gresset, O.D., Ph. D.
Directeur
École d'optométrie
Louis Maheu
Doyen
Faculté des études supérieures

Joseph Hubert

Joseph Hubert
Doyen
Faculté des arts et des sciences

 

Monsieur le ministre,

En notre qualité de doyen de la Faculté des études supérieures, de doyen de la Faculté des arts et des sciences et de doyens des facultés des sciences de la santé de l'Université de Montréal, nous aimerions exposer notre point de vue sur un aspect précis du dossier de l'implantation du Centre hospitalier de l'Université de Montréal.

Il nous paraît important de réaffirmer que la cohabitation du CHUM et des facultés des sciences de la santé représenterait sans aucun doute un atout pour le système de santé du Québec et pour l'ensemble de la société québécoise. Cette cohabitation ouvrirait également de formidables perspectives de développement pour l'Université de Montréal, qui est la seule université du Canada à couvrir tout l'éventail des programmes en sciences de la santé.

Aussi souhaitable soit-il, le jumelage des facultés de l'Université et du CHUM ne saurait toutefois se faire au détriment de nos programmes et de la formation de nos étudiants. Or, le déménagement des facultés au centre-ville, tel qu'il est envisagé dans le projet d'implantation du CHUM à l'Hôpital Saint-Luc, constitue une grave entorse à la logique du développement académique et scientifique qui a présidé à la création des programmes en santé de l'Université de Montréal. Un tel scénario ne nous paraît pas viable à court ni même à long terme, et ce, pour deux raisons.

La première, c'est que le vaste domaine des sciences de la vie ne peut se passer des infrastructures de recherche de disciplines connexes comme le génie, la chimie, la physique, l'informatique, voire la sociologie et le droit. Seul le campus principal de l'Université de Montréal réunit des installations aussi diversifiées en un même conglomérat multidisciplinaire. Il offre à nos étudiants et à nos professeurs des ressources qu'ils ne pourraient pas trouver ailleurs ­ pour ne rien dire des services auxquels ils ont droit.

Éloigner les facultés des sciences de la santé du campus de la montagne, ce serait les priver d'un voisinage scientifique essentiel à la réalisation de leur mission et les couper des plateformes technologiques indispensables à leurs activités de recherche. Ce serait, du même coup, compromettre durablement la qualité de la recherche et de l'enseignement dans un secteur névralgique qui est au coeur des préoccupations des gouvernements et de la population du Québec.

La deuxième raison concerne plus directement le CHUM. Le CHUM, il faut le rappeler, est une composante essentielle de la mission de recherche et d'enseignement en sciences de la santé de l'Université de Montréal. Mais il n'est pas la seule. Au fil des ans, les facultés de médecine, des sciences infirmières, de pharmacie et de médecine dentaire de même que l'École d'optométrie ont constitué un vaste réseau d'établissements affiliés qui jouent un rôle tout à fait crucial dans la formation des professionnels de la santé au Québec.

Cet ensemble regroupe des établissements comme le Centre hospitalier universitaire mère-enfant (Sainte-Justine), l'Institut de cardiologie de Montréal, l'Institut universitaire de gériatrie, l'Institut de réadaptation, l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et une dizaine d'autres organismes. Il cumule 75 % des fonds de recherche de l'Université dans les domaines médical et biomédical, accueille 65 % de nos étudiants en sciences de la santé et sert de lieu de travail à plus de 60 % des professeurs de la Faculté de médecine en milieu hospitalier.

Sur le plan géographique, ce réseau présente la particularité d'être concentré au nord du mont Royal, dans la zone d'influence du campus principal de l'Université. Une telle concentration est le fruit d'une longue histoire de développement de la recherche médicale et biomédicale, qui se confond avec l'histoire des soins de santé à Montréal. Elle est un gage de synergie et constitue un atout indéniable dans un monde où la tendance est à la concentration et à la mise en commun des ressources.

Déménager les facultés des sciences de la santé au centre-ville aurait pour effet de fragiliser le réseau qu'elles ont patiemment tissé avec les hôpitaux et les instituts de recherche du centre et du nord de la ville. Inversement, aménager le CHUM sur le nouveau campus de l'Université permettrait de consolider ce réseau et d'en faire un ensemble hospitalo-universitaire tout à fait unique au pays.

En termes imagés, nous dirions que c'est l'arbre qui devrait se joindre à la forêt, non la forêt à l'arbre. Il n'est pas inutile de rappeler que le pavillon Roger-Gaudry de l'Université de Montréal a été conçu à l'origine pour accueillir un hôpital universitaire qui aurait été partie intégrante de la Faculté de médecine. La démographie en a décidé autrement et Montréal a raté son premier rendez-vous avec un centre hospitalier intégré au campus.

Aujourd'hui, une nouvelle occasion nous est offerte de réaliser un rêve qui remonte au début du siècle dernier. D'une superficie de 227 000 m2, le terrain de la gare de triage du CP à Outremont permettra à l'Université de Montréal de compenser le déficit d'espace dont elle souffre depuis des années pour son développement et de la désenclaver de la montagne. Il pourrait très bien accueillir le Centre hospitalier de l'Université de Montréal et parachever une intégration qui serait dans l'intérêt de tous.

En somme, toutes les conditions sont réunies pour donner à l'Université de Montréal, à Montréal et au Québec un centre hospitalo-universitaire qui assurera l'avenir de la relève scientifique et professionnelle francophone dans les domaines médical et paramédical. C'est une occasion qu'il nous faut saisir collectivement.

Dans tout le débat entourant l'implantation du CHUM, certains ont reproché à l'Université de Montréal de faire passer ses intérêts avant ceux de la population. Rien n'est plus faux. Une équipe de chercheurs en santé publique vient de montrer qu'un CHUM à Outremont offrirait un accès équitable des services de santé à l'ensemble de la population montréalaise. Jumelé à un hôpital de 300 lits au centre-ville, qui répondrait aux besoins des clientèles de l'est et du centre-ville, le CHUM serait situé au coeur de ses grands bassins de desserte et le rapprochement qu'il opérerait entre le milieu clinique, celui de la recherche et celui de l'enseignement créerait, selon l'étude, «une synergie qui aura un impact notable sur la qualité des soins et des services».

Monsieur le ministre de la Santé et des Services sociaux, au cours des prochaines semaines, vous aurez à faire un choix d'une importance cruciale pour l'avenir des soins de santé au Québec.

Ce choix sera exigeant, car il ne pourra donner raison à tout un chacun. Il aura aussi des répercussions majeures sur la synergie qui s'établira par la suite entre la prestation des soins et des services, la recherche et l'enseignement, et sur le maintien du Québec à la fine pointe de ce qui se fait dans le monde du savoir et de la santé. En pareil cas, nous croyons que ce sont les intérêts supérieurs de notre société qui devront guider votre choix, et non un cumul d'intérêts individuels.

C'est pourquoi nous vous invitons à faire en sorte que ce choix soit celui de l'emplacement proposé par l'Université de Montréal, c'est-à-dire celui de la gare de triage du CP à Outremont.



 
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