Édition du 10 janvier 2005 / volume 39, numéro 16
 
  La musique atténue la douleur
On savait que la musique adoucit les moeurs. On sait maintenant qu'elle adoucit également la douleur.

Mathieu Roy

L'effet apaisant de la musique sur la douleur a effectivement été démontré par Mathieu Roy, étudiant au doctorat au Département de psychologie. Ses travaux montrent aussi que l'effet positif n'est pas lié à la distraction suscitée par la musique mais à l'émotion qu'elle induit.

Dans les années 60, plusieurs recherches laissaient croire que la musique semblait diminuer la douleur, mais le manque de rigueur dans les méthodes ­ certaines études reposaient sur des témoignages subjectifs recueillis dans des cabinets de dentistes! ­  empêchait d'avoir une idée claire et précise du phénomène. De plus, on n'était pas parvenu à déterminer quel élément de la musique pouvait être responsable de l'effet analgésique.

Atténuation de la douleur

Les gens ne réagissent pas tous de la même façon à la douleur et la musique peut susciter des émotions à la fois agréables et désagréables ou encore entraîner une simple distraction, indique Mathieu Roy. Le protocole de recherche devait donc prendre en considération chacun de ces facteurs.

Pour les besoins de la cause, 80 sujets ont accepté de prêter leur avant-bras à la science pour que le chercheur y appose une plaque chauffante à quatre endroits et à quatre températures allant de 40 à 49 °C. L'expérience était répétée trois fois, c'est-à-dire accompagnée d'une musique jugée agréable, d'une musique désagréable et sans musique. Pour chaque situation, les sujets évaluaient l'intensité de la chaleur ressentie et l'intensité du désagrément, ce dernier critère constituant la composante émotive de la douleur.

Cet appareil doté de plaques chauffantes est placé sur l'avant-bras des sujets. Il provoque une certaine douleur.

«L'analyse des données révèle un effet significatif de la musique agréable sur la réduction de la douleur, affirme Mathieu Roy. À température égale, la douleur est évaluée 15 % plus faible avec la musique agréable qu'avec la musique désagréable ou lorsqu'il n'y a pas de musique.»

La musique agréable provenait du répertoire classique et était plus stimulante qu'apaisante. La musique désagréable était pour sa part constituée de pièces contemporaines dissonantes qui, aux tests de validation, s'est avérée plus déplaisante que le heavy metal!

Cette musique désagréable était tout aussi distrayante que la musique agréable, souligne le chercheur. Comme elle n'a pas eu d'effet sur l'intensité de la douleur ressentie, il en conclut que c'est l'émotion engendrée par la musique agréable qui atténue la douleur et non la distraction.

La musique agréable ne modifie par ailleurs pas la perception de la chaleur comme telle: à 45 °C, par exemple, les sujets font la même évaluation du degré de chaleur peu importe les conditions sonores. C'est uniquement la composante affective, soit le désagrément, qui est changée. Cet aspect des résultats montre donc que c'est l'émotion qui est en jeu dans le mécanisme de l'atténuation de la douleur.

Non seulement la musique agréable distrait, mais l'émotion qu'elle suscite réduit bel et bien la douleur.

Cette recherche apporte également un élément de réponse à une question théorique: quand on écoute de la musique, ne fait-on que reconnaitre qu'elle est gaie ou triste ou ressent-on vraiment l'émotion qu'on lui attribue? «Puisque la musique a eu un effet sur la sensation douloureuse, c'est qu'elle induit vraiment une émotion chez les sujets», conclut Mathieu Roy.

Selon le chercheur, ces résultats pourraient être mis à profit dans le traitement contre la douleur en combinant la musique avec les autres formes de thérapies. L'effet produit pourrait être sensible notamment dans les cas de douleurs chroniques, où la composante affective est plus grande.

Le doctorat de Mathieu Roy est codirigé par Isabelle Peretz, du Département de psychologie, et Pierre Rainville, du Département de stomatologie. Ultérieurement, l'étudiant envisage l'observation, en imagerie cérébrale, des zones activées lors d'émotions agréables et désagréables.

Daniel Baril



 
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