Édition du 17 janvier 2005 / volume 39, numéro 17
 
  Le Canada comptera 52 % plus d’aveugles dans 20 ans
On peut très souvent traiter les problèmes oculaires avant qu’ils mènent à la perte irréversible de la vision

Jacques Gresset

Selon le directeur de l’École d’optométrie, Jacques Gresset, le nombre d’aveugles et de personnes atteintes de déficiences visuelles s’accroîtra de 52 % d’ici 2026 au Canada. Chez les gens de 75 ans et plus, cette hausse atteindra 72 %. «Un phénomène préoccupant, compte tenu du coût social et humain de la cécité», commente-t-il.

En effet, selon l’Institut national canadien pour les aveugles, les personnes qui ont perdu la vue sont admises dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée trois ans plus tôt que les gens du même âge dont la vision est intacte. Le nombre de chutes qu’elles font est multiplié par deux, l’incidence de la dépression est trois fois plus élevée et les fractures de la hanche sont quatre fois plus fréquentes. Mais le plus grave, c’est que le taux de mortalité chez les personnes âgées aveugles est deux fois supérieur à celui de la population voyante du même âge.

L’expert participait, en février 2004 à Toronto, à une rencontre nationale sur les coûts de la cécité. La réunion de l’Institut et de ses partenaires faisait suite à une résolution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) adoptée dans la foulée d’une initiative internationale visant à prévenir ce problème méconnu qui touche l’ensemble de la planète. Le rapport qui vient de paraître indique que le Canada a signé la résolution de l’OMS mais n’a encore rien fait de concret pour s’attaquer au problème. «Et le temps passe», peut-on lire dans l’introduction.

Actuellement, les coûts de la réadaptation liés à la cécité et aux déficiences visuelles sont assurés par la Régie de l’assurance maladie du Québec. L’Ontario offre aussi une protection significative, mais les régimes des autres provinces canadiennes ne couvrent pas tous les coûts. Quand on pense que la cécité entraîne pour chaque personne qui en est atteinte des pertes évaluées à 22 000 $ par année, on s’inquiète de l’aggravation de cette situation dans un contexte de compressions budgétaires. «La perte de la vue a longtemps été négligée par les autorités publiques, indique M. Gresset. Je crois qu’il serait temps qu’on s’y arrête, le temps de mettre en place des mesures préventives.»

On ignore le nombre de Québécois qui souffrent de cécité.

Prévenir la cécité

M. Gresset, qui étudie l’épidémiologie de la déficience visuelle depuis trois décennies, rappelle qu’on peut très souvent traiter les problèmes oculaires avant qu’ils mènent à la perte irréversible de la vision. «Dans 75 % des cas de perte de la vision, on aurait pu prévenir la détérioration soit par la chirurgie, soit par la prise de médicaments. La cécité est liée à l’âge, elle est souvent la conséquence d’une suite de négligences.»

La perte de la vision touche une personne âgée de 65 ans sur neuf et cette proportion grimpe à une sur quatre 10 ans plus tard. Sont responsables de cet accroissement la dégénérescence maculaire, la rétinopathie diabétique, le glaucome et la cataracte.

La dégénérescence maculaire affecte une personne de 75 ans sur quatre. Elle se manifeste par une vision trouble au milieu du champ de vision. Il n’existe actuellement aucun traitement efficace pour cette maladie qui accompagne le vieillissement. La rétinopathie diabétique est, comme son nom l’indique, causée par le diabète. La vue de la personne atteinte devient parfois floue mais l’affection peut rester longtemps asymptomatique.

Le glaucome est une maladie essentiellement asymptomatique qui entrave la vision périphérique. La chirurgie au laser et certains médicaments peuvent en retarder l’évolution. Enfin, la cataracte provoque une vision embrouillée. Elle se traite par chirurgie.

Problème de définition De façon assez étrange, on arrive difficilement à dénombrer les personnes qui souffrent de cécité ou de déficiences visuelles au Québec. Au Canada, il y aurait 68 000 aveugles et 319 000 handicapés de la vue. «Chose certaine, à cause du vieillissement de la population, il y aura un boom démographique parmi les gens atteints de déficiences visuelles», affirme le spécialiste.

On parle de cécité lorsqu’une personne obtient moins de 6/60 au test d’acuité visuelle avec le meilleur de ses deux yeux. La vision est jugée déficiente lorsque le sujet obtient moins de 6/21.

Avec ses 44 nouveaux étudiants chaque année, soit près de 200 étudiants en tout, l’École d’optométrie forme-t-elle assez de spécialistes pour réagir efficacement à l’augmentation du nombre de personnes atteintes de cécité ou de déficiences visuelles? Le professeur Gresset n’en doute pas. Il est plus inquiet en ce qui concerne les ophtalmologistes, qui devront traiter un nombre grandissant de gens âgés au cours des prochaines années, et les intervenants en réadaptation de la déficience visuelle, qui devront aider ces hommes et ces femmes atteints à vivre avec une perte de vision. «Je crois que nous commençons déjà à manquer de spécialistes dans ces domaines, mais pour ce qui est des intervenants en réadaptation nous avons mis sur pied des programmes de diplôme d’études supérieures spécialisées et de maîtrise qui devraient répondre aux besoins», annonce-t-il.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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