Édition du 24 janvier 2005 / volume 39, numéro 18
 
  capsule science
Qu’est-ce que l’attention?

«Fais attention!» «Ne te laisse pas distraire!» «Concentre-toi!» Ces phrases de la vie quotidienne témoignent des capacités limitées de l’esprit humain, souligne Pierre Jolicœur, professeur au Département de psychologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sciences cognitives expérimentales.

Qu’il s’agisse d’écouter pendant une heure une conférence sur la conception du paradigme selon le philosophe et historien Thomas S. Kuhn, de suivre un cours à huit heures du matin alors qu’on a fait la fête la veille ou encore de passer un examen de trimestre, un effort mental est très souvent nécessaire, affirme le chercheur. 

Pour Pierre Jolicœur, l’attention est une fonction mentale au même titre que la mémoire ou le langage. «Mais l’attention interagit à plusieurs niveaux, précise-t-il, notamment dans les mécanismes de coordination, de planification de l’action, d’intention et d’anticipation.» Voilà pourquoi les scientifiques préfèrent parler des «processus attentionnels», locution qui englobe une grande variété de fonctions: «l’attention sélective» permet de privilégier une tâche par rapport à une autre, «l’attention soutenue» de maintenir la concentration dans la durée, «l’attention divisée» d’exécuter deux tâches en même temps.

Les travaux du professeur Jolicœur s’articulent autour de la connaissance de la capacité d’attention au moyen des méthodes psychophysique et chronométrique. Son objectif à long terme est de comprendre le rôle de l’attention dans la perception humaine et la réflexion, ainsi que le défaut d’attention, qui se produit lorsqu’une personne est exposée à trop de stimulus ou doit accomplir plusieurs tâches à la fois, par exemple conduire tout en parlant au téléphone. «Les progrès technologiques ont permis de beaucoup améliorer les réseaux des communications, dit-il. De ces technologies découle toutefois la nécessité d’une plus grande capacité d’attention, qu’on soit au travail ou dans sa voiture.»

Le sentiment de concentration que chacun ressent dans ces situations a longtemps été considéré sans intérêt par les psychologues béhavioristes. L’étude de la pensée et de ses mécanismes donne naissance à un vaste courant de recherche, les sciences cognitives. Après plusieurs décennies consacrées à la compréhension de fonctions mentales comme la perception, la mémoire et le calcul, les chercheurs s’interrogent sur les processus qui permettent de les régler et de les moduler. Ils découvrent ainsi le rôle central de l’attention.

«Une des fonctions principales de l’attention est de pouvoir sélectionner un sous-ensemble d’éléments d’information parmi tous ceux qui transitent par les sens, notamment la vision, car il est impossible pour l’esprit humain de tout traiter, signale M. Jolicœur. Seulement alors l’information pourra être développée, traitée et organisée par le cerveau.»

Mais il arrive parfois qu’un dérèglement à l’échelle des neurotransmetteurs engendre un déficit attentionnel. Dans la population en général, environ 5 % des enfants sont atteints d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Le problème touche trois garçons pour deux filles. Contrairement aux garçons, ce trouble chez les filles passe souvent inaperçu, car il est très souvent associé à la rêverie.

Environ 20 % des enfants atteints de TDAH éprouvent des difficultés d’apprentissage, selon les spécialistes. Les autres sont parfois plus intelligents que la moyenne. Einstein, Picasso et même Léonard de Vinci, qui avaient semble-t-il des déficits d’attention, se sont d’ailleurs révélés de grands créateurs et penseurs...

De quoi donner envie d’être plus souvent dans la lune!

Dominique Nancy



 
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