Édition du 31 janvier 2005 / volume 39, numéro 19
 
  L’État doit réinvestir en sciences humaines et sociales
Pierre Noreau publie une lettre signée par 26 chercheurs

Pierre Noreau a écrit une lettre dénonçant les politiques budgétaires du Québec en matière de recherche en sciences humaines et sociales. «Il fallait que quelqu’un le fasse», affirme-t-il.

En investissant à peine 100 M$ dans la recherche en sciences humaines et sociales sur un budget de plus de 50 G$, l’État québécois ne consacre que 2 ¢ à ses chercheurs pour chaque tranche de 10 $ engagée dans les politiques publiques. Une situation inadmissible selon Pierre Noreau, directeur du Centre de recherche en droit public (CRDP). «L’État doit réinvestir sans tarder dans les centres de recherche en sciences humaines et sociales, dit l’auteur d’une lettre publiée dans Le Devoir la semaine dernière et cosignée par 26 chercheurs de renom. Il y va de l’avenir de la recherche dans ce secteur.»

Les compressions de sept pour cent au Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC), au dernier budget provincial, ont eu des effets dévastateurs chez les chercheurs, relate M. Noreau. «Comme les projets de partenariat avec le privé sont rares dans ce secteur, ces réductions ont fait très mal. Particulièrement aux étudiants des cycles supérieurs. C’est pourquoi nous en appelons de toute urgence à un réinvestissement.»

Avec une soixantaine de représentants de centres de recherche de plusieurs universités québécoises, M. Noreau a rencontré en septembre dernier le ministre du Développement économique et régional et de la Recherche, Michel Audet. Celui-ci a assuré qu’il n’y aurait pas de nouvelles compressions au FQRSC, mais il ne s’est pas engagé à en augmenter les budgets. «La lettre que nous avons fait paraître ne se voulait pas une énième dénonciation de la carence de fonds dans un secteur financé par l’État, indique M. Noreau. Nous avons voulu donner des arguments au ministre afin qu’il puisse obtenir des crédits supplémentaires.»

Secteur névralgique

Le secteur des sciences humaines et sociales est souvent qualifié de parent pauvre de la recherche scientifique à cause de ses maigres budgets par comparaison aux sciences de la santé. Le FQRSC, par exemple, ne touche que 26 % des fonds publics attribués aux trois organismes subventionnaires que compte le Québec.

Certes, il en coute plus cher d’ouvrir un laboratoire de biochimie ou de médecine nucléaire que de créer un groupe de recherche en science politique. Mais il ne faut pas oublier que les sciences humaines et sociales, incluant les arts et les lettres, regroupent au Québec plus de la moitié des chercheurs universitaires et près des deux tiers des étudiants des cycles supérieurs. «Les travaux qui y sont menés engendrent des bénéfices sociaux souvent difficiles à quantifier, notamment parce qu’ils sont réalisés en amont des problèmes qu’ils visent à prévenir, peut-on lire dans la lettre ouverte des chercheurs. On oublie trop souvent que toute politique publique repose sur des connaissances fondamentales issues de travaux menés de longue haleine par des chercheurs déterminés.»

Les travaux de ces chercheurs ont des retombées concrètes dans l’ensemble de la société. On signale les recherches effectuées dans les domaines des services sociaux, de la petite enfance, de la réinsertion sociale, des jeunes contrevenants, de la conciliation travail-famille, de la réforme du système électoral, de la diversité culturelle, de l’économie sociale et de la politique culturelle.

Le texte paru la semaine dernière constituait un appel pressant aux décideurs. Il a exigé de nombreuses réécritures qui se sont étalées sur tout l’automne. Pour marquer le coup, M. Noreau l’a soumis à un nombre significatif de directeurs de centres de recherche touchés par les mesures budgétaires. «J’ai été impressionné par les réponses de ces collègues. Ils se sont mobilisés très rapidement.»

Parmi les signataires, on compte des chercheurs comme Guy Rocher, Jean-Paul Brodeur et Jean Renaud (UdeM), Gérard Bouchard (Université du Québec à Chicoutimi), Marie-Andrée Beaudet (Université Laval), Jean-Guy Belley (Université McGill), Denis Harrison (UQAM), Phil Abrami (Université Concordia) et Jean-Pierre Collin (INRS).

Les signataires invitent les chercheurs du Québec, incluant les étudiants des cycles supérieurs, à donner plus de poids à leur démarche en signant cette lettre à leur tour. Ils la trouveront sur le site <www.pourlarecherche.org/>

Mathieu-Robert Sauvé



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement