Édition du 14 février 2005 / volume 39, numéro 21
 
  Les étudiants veulent des plats faciles à préparer
La valeur nutritive n’arrive qu’après le prix et le plaisir

Marie Marquis signe dans l’International Journal of Consumer Studies une rare étude sur les habitudes alimentaires des étudiants qui vivent dans les résidences universitaires.

Quand ils préparent un repas, les étudiants recherchent d’abord et avant tout la... commodité. Il faut que les plats soient simples et faciles à cuisiner. «Ce critère passe bien avant la qualité nutritive des aliments», soupire Marie Marquis, professeure au Département de nutrition et auteure d’une étude sur les habitudes alimentaires des étudiants qui vient de paraitre dans l’International Journal of Consumer Studies.

Pour sonder ce groupe rarement étudié par les nutritionnistes, la spécialiste a distribué un questionnaire aux centaines d’étudiants des résidences de l’Université de Montréal et a reçu 319 réponses, dont les deux tiers de jeunes femmes. Ce qui ressort de l’analyse de leurs habitudes est un peu décourageant: d’abord, ils consacrent moins de 18 à 24 minutes par jour à la préparation de leurs repas. Ensuite, les critères qui président à leurs choix alimentaires sont, dans l’ordre, le prix de la denrée à l’achat, le plaisir qu’elle recèle (odeur alléchante, gout agréable, etc.), sa valeur nutritive («bon pour la santé») et, enfin, les préoccupations relatives au maintien du poids («weight concern»).

Mme Marquis, qui se spécialise depuis 20 ans dans l’analyse des comportements alimentaires, déplore que les jeunes aient rejeté presque systématiquement les légumes de leur alimentation. «Un brocoli, ça ne prend pas plus de temps à cuire qu’une pizza. Pourtant, cela ne fait pas partie de leurs habitudes.»

Le critère familial est incontournable quand on s’intéresse aux comportements alimentaires des gens. Les jeunes qui n’ont jamais vu leurs parents manipuler les chaudrons, par exemple, n’ont pas tendance à popoter à leur tour. Et ils sont beaucoup plus nombreux qu’on pense. «De plus en plus de familles ne prennent pas le temps de manger ensemble au moins un repas par jour, mentionne Mme Marquis. À cause des horaires qui ne concordent pas, chaque membre se voit obligé de faire son petit snack individuel, souvent devant la télé. Les conséquences de ces habitudes sont inquiétantes à long terme.»

«Macdonalisation» de la société

C’est la première fois qu’une recherche se penche de façon particulière sur les mœurs nutritionnelles des étudiants canadiens qui vivent dans les résidences universitaires. L’intérêt d’en connaitre plus à leur sujet vient du fait que leurs habitudes témoignent de leur éducation et des valeurs de leur milieu d’origine. Dans l’échantillon, deux répondants sur trois étaient nés au pays. La moitié vivait en résidence depuis moins d’un an et le tiers depuis plus de deux ans.

Un danger guette ces jeunes soudainement laissés à eux-mêmes: ils doivent adopter ou conserver de saines habitudes alimentaires même s’ils sont le plus souvent seuls devant leur assiette. «Le fait de manger seul est un phénomène qui intéresse de plus en plus les professionnels de la santé, écrit l’auteure de l’étude. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur les effets à long terme du rythme effréné de la vie moderne et de la “macdonalisation” de la société sur les perceptions quant à l’alimentation.»

Fait cocasse, les étudiants qui ont la chance de rendre visite à leur famille durant le weekend (les deux tiers des filles le font) reviennent très souvent avec des petits plats préparés par leur mère. «Ceux qui le peuvent conservent ce lien qui les unit à leur famille. Sûrement que cela fait plaisir à la maman...»

En principe, les étudiants en résidence n’ont pas le droit de cuisiner dans leur chambre. Mais on sait que plusieurs le font quand même, en douce. De plus, à l’étage, on trouve des cuisines communes où ils peuvent se préparer de petits plats et, mieux encore, partager des repas.

Commodité n’égale pas variété

On sait que le manque de temps est l’argument le plus souvent invoqué en Occident lorsqu’on demande aux gens d’expliquer pourquoi ils ne sont pas portés à cuisiner. C’est encore plus vrai chez les étudiants, qui avancent aussi le manque d’espace. C’est pourquoi les plats préparés, qu’ils achètent le plus souvent dans le rayon des surgelés, connaissent autant de succès. Or, des études ont démontré que ces préparations sont souvent riches en gras, en sodium et en sucres. Et les brocolis sont rares...

Les étudiants en résidence constituent une population intéressante à étudier, car, plus scolarisés que la moyenne, ils sont en général conscients de l’importance d’une saine alimentation. Le questionnaire qu’on leur a distribué comprenait une liste de 23 points sur les motivations à l’égard de l’alimentation, chacun relié à une échelle allant du plus important (5) au moins important (1). Plus de 40 aliments étaient aussi présentés et le répondant devait préciser s’il les consommait souvent, parfois, rarement ou jamais.

«Pour les hommes comme pour les femmes, la commodité apparait comme la plus importante source de motivation alimentaire chez les étudiants en résidence, conclut l’étude. Elle est suivie par le prix, le plaisir et les préoccupations liées à la santé et au gain de poids. L’analyse des variances indique une différence significative entre les hommes et les femmes dans quatre des cinq facteurs, seul le facteur santé étant commun aux deux sexes.»

Comme on s’en doute, plus les répondants semblaient motivés par l’aspect «commodité» de leurs choix alimentaires, moins leur alimentation était variée et de bonne qualité.

D’un point de vue familial, rappelle l’auteure dans la conclusion, les parents doivent être conscients de leur influence sur le comportement alimentaire de leurs enfants. Le meilleur service qu’on puisse leur rendre sur le plan nutritionnel, c’est de les amener à être autonomes dans une cuisine...

Mathieu-Robert Sauvé



 
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