Édition du 14 février 2005 / volume 39, numéro 21
 
  Un pas de plus est franchi vers le scrutin proportionnel
L’avant-projet de loi sur la réforme du mode de scrutin reprend fidèlement la proposition de Louis Massicotte

Louis Massicotte

Le projet de réforme du mode de scrutin dont on parle depuis près de 30 ans au Québec est entré dans une nouvelle phase en décembre dernier avec le dépôt d’un avant-projet de loi proposant un scrutin «proportionnel compensatoire».

Cet avant-projet de loi reprend quasi à la lettre la proposition formulée par Louis Massicotte, professeur au Département de science politique, dans une recherche effectuée pour le compte du gouvernement du Québec. Cette commande faisait suite à un article publié en 2003 dans le volume Hommage à Vincent Lemieux, où le professeur Massicotte présentait, avec son collègue André Blais, un mode de scrutin mixte adapté au québec.

Le modèle proposé est celui de l’Allemagne. Il ne s’agit pas d’un système totalement proportionnel mais d’un système compensatoire: aux députés élus à une majorité simple dans chaque circonscription s’ajoutent des députés de région attribués aux partis qui n’ont pas eu leur juste part d’élus selon le suffrage exprimé. Ceci évite qu’un parti ayant obtenu moins de votes que son rival se retrouve au pouvoir comme c’est arrivé au Québec en 1944, 1966 et 1998.

Nouvelle catégorie de député

Selon l’avant-projet de loi, le Québec compterait 77 députés de circonscription; sauf pour le Grand-Nord, ces circonscriptions seraient regroupées par trois pour former un district auquel seraient attribués deux députés. Ce sont ces députés de district (50 au total dans l’avant-projet) qui rétabliraient une représentation plus proportionnelle du suffrage.

Les sièges des députés de district seraient répartis en fonction des voix obtenues par chaque parti dans l’ensemble du district, tout en tenant compte du nombre de députés qu’un parti aurait fait élire dans ce district. Fidèle à la proposition de Louis Massicotte, le projet de loi ne fixe pas de pourcentage minimal de voix pour avoir droit aux députés de district, contrairement au modèle allemand, qui a établi un seuil de cinq pour cent.

À la lumière de l’élection de 2003, le système proposé aurait donné les résultats suivants (avec une hypothèse de travail de 124 députés): 16 députés à l’ADQ (au lieu de 4), 42 au PQ (au lieu de 45) et 66 au PL (au lieu de 76).

«Dans le contexte de la distribution des votes au Québec, le système est honnête et n’avantage pas plus le Parti québécois que le Parti libéral, estime Louis Massicotte. De plus, il consolide le tripartisme et ouvre la porte à d’autres partis. Le seul système malhonnête est le système actuel.»

Dans les faits, des partis comme l’Union des forces progressistes et le Parti vert devraient toutefois obtenir un pourcentage de voix de l’ordre de 15 % dans un district pour espérer avoir un représentant à l’Assemblée nationale. Pour que le système soit totalement proportionnel et équitable envers les nouvelles formations, il faudrait que les sièges compensatoires soient attribués à l’échelle de tout le Québec plutôt qu’à l’échelle d’un district. Selon le professeur Massicotte, ceci risquerait de déstabiliser le pouvoir politique.

Même rôle pour tous

Voter, geste démocratique par excellence

Les deux catégories de députés joueraient-ils le même rôle et auraient-ils la même crédibilité et la même légitimité populaire?

«Députés de circonscription et députés de district auraient un statut, une rémunération et un rôle à l’Assemblée nationale identiques et tous pourraient être nommés ministres», assure Louis Massicotte. C’est du moins ainsi que ça se passe en Allemagne, où l’on n’observe ni préjugé ni discrimination à l’endroit d’un type ou l’autre de député.

La proposition du politologue, retenue dans l’avant-projet de loi, permet d’ailleurs aux candidats de district d’être aussi candidats de circonscription. De cette façon, celui qui emporte un éventuel siège compensatoire à l’échelon du district aura participé activement et de plein droit à la campagne électorale.

Le candidat qui opte pour cette stratégie maximise ses chances d’être élu. Selon Louis Massicotte, c’est ce que font la plupart des candidats en Allemagne, où un député sur cinq a été élu selon les deux modes au cours des 50 dernières années.

Par ailleurs, rien n’empêche le député de district d’avoir un bureau dans sa région pour seconder les députés de circonscription dans leur travail auprès de la population. Rien, si ce n’est le budget de fonctionnement! «En Allemagne, indique le professeur, les deux catégories de députés reçoivent les mêmes allocations budgétaires qu’ils peuvent utiliser pour ouvrir un bureau de circonscription ou pour effectuer un travail de recherche législatif.» Cette disposition, qui lui parait souhaitable, relèverait de la régie interne du Parlement.

Le professeur aurait par ailleurs souhaité que les députés de district passent par l’investiture de leur parti comme c’est traditionnellement le cas pour les députés de circonscription. Cette proposition n’a toutefois pas été retenue, jugée sans doute trop contraignante pour les partis politiques. La procédure de désignation des candidats de district est laissée aux partis, qui doivent toutefois publier la liste de ces candidats au moment de la campagne électorale.

Le gouvernement entend procéder à une consultation populaire sur cet avant-projet de loi et Louis Massicotte est confiant de voir adopter une loi sur ce mode de scrutin avant la fin de 2005. Une seule déception cependant: l’annonce, par le gouvernement, que le mode de scrutin ne sera pas modifié pour la prochaine élection.

Deux autres provinces canadiennes étudient également des modes de scrutin proportionnel, soit la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick.

Daniel Baril



 
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