Édition du 14 février 2005 / volume 39, numéro 21
 
  Les robots passent au bistouri
Le Dr Michel Pellerin lance la chirurgie minimalement invasive

Le Dr Michel Pellerin

Caméras endoscopiques, nanorobots, gants robotisés, système de visualisation en trois dimensions... «La technologie chirurgicale explose actuellement et il ne faut pas laisser passer le train», commente le Dr Michel Pellerin, titulaire de la Chaire Michal et Renata Hornstein de l’Institut de cardiologie de Montréal.

Expert en chirurgie minimalement invasive, le médecin promet que Montréal comptera d’ici quelques années ses propres robots chirurgiens. Mais il tient à rassurer le public, qui ne voit pas d’un bon œil l’arrivée d’un robot maniant le bistouri. «Ce qu’il faut comprendre de la chirurgie robotique, c’est que le robot devient le prolongement de la main du chirurgien. Le mythe du médecin qui appuie sur un bouton afin de commencer la chirurgie pour ensuite s’envoler au soleil est totalement faux.»

La technologie qui permet au médecin de manipuler un robot à distance existe déjà. Le Dr Pellerin le sait bien, puisqu’il a eu la chance de travailler auprès du Dr Alain Carpentier, grand architecte de la première chirurgie robotisée, effectuée en 1998 à l’hôpital Broussais de Paris. À l’aide de gants robotisés et d’un système de visualisation en trois dimensions, le chirurgien a procédé à une véritable opération à distance. Le robot a été digne de confiance: le patient célébrait son 70e anniversaire quelques jours plus tard, évitant une convalescence plus douloureuse.

Une valve mitrale

Si les premières manipulations virtuelles se déroulaient à quelques mètres du lit des patients, rien n’empêche d’envisager qu’un médecin de Montréal puisse opérer à distance. «La distance est un des avantages de la chirurgie robotisée. Un autre avantage réside dans le fait que, lorsque vous opérez avec vos gants, la précision de tous vos mouvements est décuplée. Un mouvement d’un centimètre peut équivaloir en réalité à un mouvement d’un seul millimètre. Cela a pour effet d’annuler tout tremblement de la main», souligne le Dr Pellerin.

Que signifie «minimalement invasive»?

Le développement d’une expertise propre à ce type de chirurgie représente un volet important de la Chaire, inaugurée le 4 novembre dernier à l’Université de Montréal. Toutefois, avant d’y parvenir, le chercheur consacrera de nombreux efforts à améliorer les techniques de chirurgie valvulaire pratiquées à l’Institut. Le Dr Pellerin compte en effet introduire le concept de chirurgie minimalement invasive, qui recourt à des caméras endoscopiques et à un écran de visualisation. Au lieu de faire une incision de 12 à 15 cm devant le sternum, il sera désormais possible de pratiquer une incision dans le thorax droit de seulement 5 à 7 cm. Les caméras deviennent alors les yeux du chirurgien pour bien discerner les structures cardiaques.

Le résultat pour le patient? Un séjour à l’hôpital réduit de moitié et une convalescence plus courte. Même si la technologie relative à ce type de chirurgie existe depuis un moment déjà, elle n’a toujours pas reçu les approbations nécessaires au Canada, bien que ce ne soit qu’une question de temps au dire du Dr Pellerin. «L’acceptation a été assez lente. On sait maintenant qu’il y a un créneau. Quelques essais ont été tentés dans des hôpitaux québécois, mais nous voulons être les premiers de la province à offrir cette intervention à grande échelle de façon extrêmement scientifique et rigoureuse.»

Le Dr Michel Pellerin suit de près l’évolution de la technologie chirurgicale de manière à mieux soutenir ses patients.

Intervention cruciale

Les premiers patients à subir une chirurgie sous le regard attentif des caméras seront les gens atteints d’insuffisance valvulaire mitrale dégénérative. «Cette pathologie ne comporte aucun facteur de risque. Il n’y a pas de prédispositions, génétiques ou autres, connues», ajoute le Dr Pellerin. «Nous pouvons donc opérer des marathoniens, soit des gens en excellente santé et qui un jour ressentent un certain essoufflement.»

Le perfectionnement de la chirurgie liée à cette affection s’avère crucial quand on sait que, dans les 10 années qui suivent le diagnostic, 90 % des patients seront opérés et en pleine forme ou mourront. Quant aux traitements pharmaceutiques, ils ne règleront jamais le problème. Si l’opération n’a pas lieu, le cœur peut se dilater et devenir irrécupérable, réduisant du coup les possibilités d’intervention.

Insertion d’une valve mitrale chez un patient atteint d’insuffisance valvulaire mitrale dégénérative

Étendre à grande échelle la chirurgie minimalement invasive demeure la priorité du Dr Pellerin. Après quoi, la porte pourrait bien être grande ouverte pour les robots. «À long terme, nous voulons élaborer des robots de concert avec l’industrie. Peut-être même avec des chercheurs en nanotechnologie.» Quelques obstacles surgissent par contre à l’horizon.

Au cout de quatre millions de dollars, les robots exigent de fortes sommes de la part des hôpitaux. Sans parler du temps requis pour leur manipulation. Les interventions robotisées exigent davantage de temps. Dans le meilleur des cas, au moins deux fois plus de temps en salle d’opération; dans le pire, ce temps peut être multiplié par cinq.

Visiblement emballé par ce champ de la médecine, le Dr Pellerin évoque le film Le voyage fantastique, où des chirurgiens miniaturisés partent en expédition au cœur de l’être humain. «Ce voyage représentait une vision un peu particulière de la chirurgie, mais peut-être qu’avec les nanorobots nous allons pouvoir intervenir au moyen de ces méthodes.»

Samuel Auger
Collaboration spéciale



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement