Édition du 14 février 2005 / volume 39, numéro 21
 
  Chercher de l’argent, un mal nécessaire
«La charge de travail que représente la préparation des demandes de financement est si lourde qu’il devient de plus en plus difficile de s’acquitter de toutes nos tâches», affirme Michel Bouvier

Dans ses travaux, M. Bouvier tente, notamment, d’élucider les mécanismes moléculaires responsables de l’accoutumance aux médicaments. L’ensemble de ses études sont financées par les grands organismes subventionnaires.

Selon une étude du Bureau de recherche institutionnelle, les professeurs du Département de biochimie ont obtenu, en 2002-2003, en moyenne 311 000$ de fonds de recherche. Ils sont parmi les plus productifs de tous les chercheurs de l’Université de Montréal.

Ce succès réjouit le directeur du Département, Michel Bouvier. Mais il y a un revers à la médaille. «La charge de travail que représente la préparation des demandes de financement est si lourde qu’il devient de plus en plus difficile de s’acquitter de toutes nos tâches», affirme M. Bouvier, lui-même titulaire de six subventions et de deux chaires de recherche.

L’Association francophone pour le savoir (ACFAS) a soulevé le problème dans un rapport sur le financement de la recherche rendu public en mai 2002. Il ressort que le temps moyen consacré à une demande est de 63 heures, soit l’équivalent de près de deux semaines à temps plein. Pour être compétitif, un chercheur, toujours selon le rapport de l’ACFAS, doit présenter de deux à cinq demandes, souvent davantage, chaque année. «On consacre beaucoup trop de temps aux tâches administratives, toutefois essentielles à la survie de nos laboratoires», souligne le professeur Bouvier.

Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi le temps passé à rencontrer d’autres chercheurs et à discuter avec eux pour créer des équipes multidisciplinaires, quand il ne s’agit pas de siéger à des comités consultatifs ou de réviser en tant qu’arbitre les demandes pour les organismes subventionnaires. «Si on fait le calcul, c’est près de trois à quatre mois de travail par année», estime M. Bouvier.

Collaborations artificielles?

Si l’on se reporte aux années 80, les demandes de subvention se limitaient à quelques concours par année et les dates limites de dépôt des demandes étaient fixes. Aujourd’hui, les programmes de subvention se sont multipliés et se répartissent sur 12 mois. «Les dates changent continuellement d’un programme à l’autre, fait remarquer Michel Bouvier. Il nous faudrait engager quelqu’un à plein temps simplement pour suivre le calendrier des organismes subventionnaires», dit-il en boutade.

Cette perception largement partagée par la communauté scientifique a fait dire à certains qu’il faudrait cesser de créer des organismes et des programmes, ne serait-ce que pour éviter le chevauchement: où est la différence entre les «regroupements stratégiques» du FCAR et les «projets structurants» de Valorisation-Recherche Québec?

Le biochimiste ne voit pas d’un mauvais œil l’existence de plusieurs sources de financement, mais il déplore la complexité des exigences liées aux demandes et la difficulté d’effectuer le suivi. «Une meilleure concertation entre les divers organismes permettant l’attribution de plus grosses subventions, collectives ou individuelles, serait préférable à la multiplication de programmes qui ont chacun leurs propres critères, règlementations et dates de tombée. C’est devenu trop compliqué», explique le professeur Bouvier.

M. Bouvier signale également que les taux de succès aux concours de subvention sont relativement bas, souvent moins de 30%. «Deux chercheurs sur trois quand ce n’est pas trois sur quatre n’obtiennent pas leur financement, indique-t-il. Résultat: la majorité d’entre eux soumettent leur dossier une deuxième, voire une troisième fois. Cela engendre un énorme travail d’écriture et de révision des candidatures.»

Un autre irritant, relevé dans l’étude de l’ACFAS, tient au fait que plusieurs chercheurs croient que la structure inhérente à certains programmes susciterait des collaborations artificielles. En effet, la plupart des nouveaux programmes d’aide à la recherche favorisent les grandes équipes multidisciplinaires au détriment du chercheur individuel, constate Michel Bouvier. «Ces équipes ont-elles vraiment des intérêts communs? Par expérience, je dirais qu’il s’agit généralement de vrais regroupements. On n’a d’ailleurs pas le choix: la multidisciplinarité, c’est l’avenir de la recherche. Il ne faudrait toutefois pas tuer le génie et l’innovation des individus dans le processus», déclare-t-il.

Mentorat

Selon M. Bouvier, plusieurs raisons expliquent le succès étincelant du Département de biochimie auprès des grands organismes subventionnaires. «D’une part, il faut admettre que la discipline est en pleine effervescence. D’autre part, la qualité des programmes de recherche de nos professeurs a contribué à propulser le Département sur la scène internationale. Leur capacité de se regrouper tant à l’interne qu’à l’externe joue également en notre faveur», soutient le directeur du Département.

Une autre stratégie mise en place par M. Bouvier et ses collègues semble aussi porter ses  fruits. Ils ont élaboré un système de mentorat à l’intention des jeunes chercheurs de manière à les aider dans leurs démarches de financement et à les orienter vers les programmes appropriés. «Devant la complexité des demandes, il nous a fallu trouver des solutions pour demeurer compétitifs, explique le spécialiste en pharmacologie moléculaire. Le soutien aux nouveaux chercheurs n’allège pas le travail que représente la préparation des demandes de subvention, au contraire, mais c’est pour une bonne cause.»

Dominique Nancy



 
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