Édition du 21 février 2005 / volume 39, numéro 22
 
  Avoir la piqure pour la coopération internationale
Des étudiants parlent de leurs expériences à l'occasion de la Semaine interculturelle

Milène Leduc-Robillard, Patrick Lemieux et Caroline Grégoire

Il faut avoir du cran et du cœur au ventre pour délaisser le confort nord-américain afin d’aller aider les plus démunis du monde. Mais l’expérience est si emballante et gratifiante que tous ceux qui l’ont connue
la recommandent et sont prêts à repartir à la première occasion.

C’est du moins le cas des étudiants qui ont relaté leurs expériences de coopération internationale à la table ronde organisée sur le sujet le 11 février par l’Atelier Sud-Nord du Service d’action humanitaire et communautaire. L’activité, qui se déroulait à l’occasion de la Semaine interculturelle, visait à la fois à donner de l’information sur ce que vivent les coopérants à l’étranger et à susciter le gout de vivre cette aventure humanitaire.

Redonner l’enfance aux enfants

Avec un groupe de 20 coopérants encadrés par SUCO, Milène Leduc-Robillard, étudiante en science politique et en philosophie, a participé à un stage de deux mois dans l’un des pays les plus pauvres d’Amérique latine, le Nicaragua. «Dans ce pays, des enfants de moins de 10 ans ont des responsabilités d’adultes, souligne-t-elle. Le projet consistait à organiser des activités d’animation, de jeux et de chants pour redonner une enfance à ces enfants. Nous avons aussi produit du matériel scolaire avec les enseignants.»

Hébergée dans une famille nicaraguayenne, Milène Leduc-Robillard a partagé le quotidien de ses hôtes et a été acceptée comme l’une des leurs. Depuis, sa perception de la pauvreté n’est plus la même. «La pauvreté a maintenant un visage. Même si la coopération ne révolutionne pas le monde, elle nous permet d’apporter une aide et tous devraient vivre cette expérience de conscientisation.»

Étudiante à la Faculté de médecine, Caroline Grégoire a quant à elle vécu trois expériences de solidarité en solo dans des endroits aussi différents que l’Amazonie péruvienne, le Nunavik et le Cambodge. Dans les trois cas, il s’agissait de participation à des projets de santé communautaire.

La chaleur des Péruviens lui a permis de nouer de belles amitiés et elle est même tombée amoureuse, a-t-elle avoué. Tout un contraste avec Inukjuak, au Nunavik, où les Blancs et les autochtones ne se fréquentent guère. «Dans cette ville, tous les professionnels sont blancs et il y a beaucoup de ressentiment chez les Inuits à cause des déplacements forcés et des conflits du passé.»

Travailler au Pérou en santé communautaire

Pas facile comme situation lorsqu’il faut intervenir dans un programme de prévention du suicide et de soutien auprès des proches des victimes! Heureusement pour elle, l’expérience a été tout autre à Salluit, où ce clivage n’existe pas et où les enfants allaient spontanément vers elle.

Autre expérience quelque peu difficile au Cambodge, mais cette fois à cause d’un trop grand paternalisme de son hôte, un médecin anglais, qui craignait de la laisser sortir seule.

Ces expériences l’ont toutefois «emballée et fascinée» au point où elle souhaite orienter sa carrière vers le développement international. «Pourquoi la coopération? Pour rencontrer l’autre, pour vivre des échanges culturels, par esprit d’aventure et aussi par naïveté de vouloir changer le monde», répond-elle.

Au front avec MSF

L’expérience de coopération internationale de Patrick Lemieux diffère des deux précédentes. Titulaire d’un baccalauréat en droit et d’un MBA, il a passé quatre ans avec Médecins sans frontières (MSF) à courir tous les points chauds du globe. Les noms parlent par eux-mêmes: Kosovo, Congo, Burundi, Afghanistan, Pakistan, Ouganda, Tchad et Darfour.

MSF n’envoie pas que des médecins à l’étranger; 45 % de son personnel est non médical. En tant qu’administrateur, Patrick Lemieux a connu toutes les phases de réalisation d’une mission, allant de la mise en place du projet au Congo jusqu’à la clôture de la mission au Kosovo.

Partout, c’était la même souffrance et la même misère, comme l’ont montré ses photos des victimes de la bêtise humaine; «on n’est jamais préparé à la souffrance et à la violence, dit-il. Il faut le voir pour savoir». En plus de devoir être en bonne forme physique et morale et d’être capable de supporter le stress, il faut parvenir à prendre ses distances et à se faire une carapace.

Mais ce qu’il semble avoir trouvé le plus difficile, c’est son retour au Québec après ces quatre années passées au front. «Après avoir côtoyé des gens qui n’ont rien et qui ne se plaignent pas, je portais un jugement sur tous les comportements de ma famille et de mes amis», admet-il. Un choc culturel que Milène Leduc-Robillard et Caroline Grégoire ont aussi connu au retour et qui leur fait voir notre société de consommation sous un autre jour.

Accepter son rôle

Ce type d’interventions humanitaires a évidemment ses limites et ne change pas la nature de l’être humain. Les trois coopérants ne se laissent pas abattre pour autant. «Le rôle de Médecins sans frontières est de mettre un pansement sur une blessure pour maintenir la vie, pas de refaire le système de santé. D’autres s’occupent de cette tâche; à chacun son rôle», déclare Patrick Lemieux tout en ajoutant qu’il faudra sans doute recommencer demain.

Des organismes comme MSF font également du travail de lobbying auprès des responsables politiques et leur présence dans les zones de conflits leur permettent de témoigner de ce qui se passe sur place. «Cette fonction de témoin a une influence», estime-t-il.

Pour Caroline Grégoire, l’expérience n’est pas à sens unique; «la coopération a un effet formateur et l’on reçoit autant qu’on donne, fait-elle remarquer. Les stages favorisent les échanges culturels et notre travail permet de solidifier la communauté qui nous accueille et qui peut alors mettre ses énergies sur autre chose.»

De l’avis des trois coopérants, quand on y a gouté on ne peut plus s’en passer. C’est comme une piqure, reconnaissent-ils en attendant la prochaine occasion de repartir.

Daniel Baril



 
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