Édition du 21 février 2005 / volume 39, numéro 22
 
  Les ratons de mères stressées sont anxieux
Les petits rats nés de mères stressées éprouvent de nombreux problèmes de comportement et d'apprentissage

Les petits rats nés de mères stressées éprouvent de nombreux problèmes de comportement et d’apprentissage

Le stress chez les rates en gestation peut avoir des répercussions chez les petits en les rendant eux-mêmes anxieux et en retardant le développement de certaines habiletés liées à l’apprentissage et à la prise de décision.

C’est ce que montrent les travaux de Nathalie Le Marec, chercheuse associée au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine et au Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Mme Le Marec a provoqué un stress modéré chez des rates pendant la gestation et pendant les 15 premiers jours d’allaitement, puis a pris des mesures de l’anxiété et du développement cognitif chez les petits.

Pour créer une situation imprévisible et incontrôlable nécessaire à la production de stress, elle a placé les rates dans une pièce où elles pouvaient entendre des aboiements sporadiques, mais sans voir les chiens.

Anxiété et troubles d’apprentissage

La première constatation a été plutôt dramatique: le nombre d’avortements spontanés chez les rates soumises au stress a été de plus du double de celui observé en situation normale, soit 45 % contre 20 %.
Les ratons menés à terme ont été dans un premier temps soumis à trois tests d’anxiété. Les deux premiers, destinés à mesurer l’anxiété à l’égard d’un environnement insécurisant, n’ont pas fait ressortir de différence significative par rapport aux ratons du groupe témoin.

Le troisième test, portant sur l’anxiété liée au caractère de l’animal, a par contre révélé une différence très nette. L’épreuve consistait à placer l’animal dans une boite sombre au centre d’une table éclairée et à calculer le temps pris par le raton pour en émerger. Les ratons dont la mère avait été soumise au stress mettaient en moyenne trois fois plus de temps à sortir de la cache. «L’obscurité est rassurante pour les rats et ce test nous a permis d’établir que les ratons de l’expérience présentent une anxiété comportementale associée à une crainte de la nouveauté», affirme Nathalie Le Marec.

Deux autres mesures ont porté sur le développement cognitif des ratons. Plongés dans un bassin d’eau laiteuse, ils devaient apprendre à repérer l’emplacement d’une plateforme immergée. À ce premier test, les ratons des femelles stressées ont performé aussi bien que les ratons du groupe témoin.

Toutefois, lorsque les expérimentateurs déplaçaient la plateforme successivement d’un côté et de l’autre du bassin, les ratons des mères stressées prenaient deux fois plus de temps que les autres à repérer la plateforme. «Cette performance amoindrie révèle des problèmes relatifs à la mémoire de travail, à l’apprentissage à court terme, à la plasticité comportementale ou encore à la planification des tâches, affirme la chercheuse. Les ratons de mères stressées apprennent plus lentement.»

Soins maternels et biologie

Deux hypothèses peuvent expliquer ces résultats. Des travaux ont déjà montré que la qualité des soins maternels des rates – «couvaison» et léchage des petits, posture propice à l’allaitement – améliore les performances cognitives des ratons. Les mères stressées auraient ainsi accordé moins de soins à leur progéniture que les mères non stressées.

La seconde hypothèse est d’ordre biologique. «En situation de stress, le complexe hypothalamo-hypophysaire libère de la corticostérone, qui est l’hormone du stress, explique Nathalie Le Marec. Ce système pourrait être suractivé chez les ratons dont la mère a vécu du stress.»

La chercheuse penche en faveur de cette hypothèse en raison du type de problème cognitif observé chez les ratons. L’épreuve qui consistait à repérer la plateforme déplacée en alternance des deux côtés du bassin met à contribution le lobe préfrontal, qui est le siège du processus décisionnel. «Des études ont démontré que le stress nuit au développement des neurones de ce lobe et que l’anxiété de caractère est souvent liée à ce problème», indique-t-elle.

Chez les êtres humains, on sait également que le stress à répétition chez la femme enceinte représente un risque pour le développement des habiletés cognitives de l’enfant, qui peut également afficher des problèmes de caractère. Les travaux de Nathalie Le Marec appuient ces observations.

La chercheuse poursuit ses travaux sur l’effet de la dépression des rates sur leur portée. En compagnie du professeur Roger Godbout, elle étudie aussi la qualité du sommeil chez les rates en gestation.

Daniel Baril



 
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