Édition du 7 mars 2005 / volume 39, numéro 23
 
  Le Conseil du statut de la femme doit survivre!
En matière de statut de la femme, le Québec fait bonne figure

            

De gauche à droite : Danielle Hébert, Lucie Desrochers, Nicole Boily, Paul Bernard et Diane Lamoureux

       

Le Conseil du statut de la femme (CSF) du Québec a lancé l’automne dernier une consultation visant à définir un «nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes». Mais dans le contexte du désengagement de l’État, plusieurs voient dans cette démarche le début de la fin du CSF. C’est du moins la crainte qu’ont exprimée les spécialistes regroupés par le Centre de recherche sur les politiques et le développement social, qui organisait le 25 février dernier une table ronde intitulée «Du Conseil du statut de la femme à un conseil de l’égalité: quels changements pour les femmes?»

«Il y a eu des acquis substantiels, je peux en témoigner, a dit par exemple Nicole Boily, ancienne présidente du Conseil de la famille et de l’enfance et militante féministe de longue date. Mais ces acquis sont fragiles. C’est pourquoi les femmes doivent conserver les organismes qui défendent leurs intérêts, le Conseil du statut de la femme et le Secrétariat à la condition féminine [SCF].»

Même inquiétude de la part de Danielle Hébert, coordonnatrice de la Fédération des femmes du Québec, qui perçoit le CSF et le SCF comme le «tronc commun» des groupes de femmes. «Il faut maintenir ces organisations avec les missions qu’on leur connait», a-t-elle indiqué, ajoutant qu’elles ont donné de bons résultats jusqu’à maintenant; alors pourquoi les transformer? «Malgré les avancées indéniables dans les conditions de vie des femmes, encore beaucoup de travail reste à accomplir», estime-t-elle.

Tant les conférenciers que l’assistance ont manifesté leur préoccupation particulière quant à la situation des immigrantes et des femmes autochtones.

Le Québec chef de file?

Dans son allocution, le sociologue Paul Bernard a résumé une étude comparative sur la situation des femmes réalisée avec son étudiante Sophie Mathieu, aujourd’hui doctorante à l’Université Carleton. «Le Québec est-il un chef de file dans les rapports hommes-femmes? Quand on le compare avec les autres sociétés libérales, oui. Mais il demeure loin derrière les pays les plus progressistes en la matière, notamment la Scandinavie.»

Après avoir cherché des indicateurs précis (politiques publiques, services de garde, congés parentaux, conciliation travail-famille), les chercheurs ont retenu des points de comparaison permettant d’examiner les inégalités de genre dans plusieurs pays de l’OCDE. Résultat, certains pays fonctionnent avec des rôles assez rigides: hommes et femmes occupent des fonctions différenciées et incompatibles. D’autres sont plus ouverts et certains sont carrément des modèles dans leur genre.

Dans les sociétés «familiaristes», qu’on trouve surtout dans le sud de l’Europe, les pères sont les pourvoyeurs et les mères sont au foyer. En Europe continentale du Nord, ce sont les «travailleuses temporaires» qui prédominent. On y trouve peu de conciliation travail-famille et les femmes, dès la naissance d’un premier enfant, se voient forcées d’occuper un emploi à temps partiel ou de se retirer temporairement du marché du travail. Les «sociétés du partage des tâches», existantes en Scandinavie, offrent quant à elles un éventail de services publics qui favorisent la vie professionnelle parallèlement à la famille. Enfin, les «sociétés libérales» se rencontrent dans les pays anglo-saxons et ne proposent que relativement peu de services publics permettant cette conciliation.

Le Canada fait partie des pays libéraux, bien entendu, mais des disparités importantes ressortent d’un océan à l’autre. C’est là que le Québec fait bonne figure, selon les experts. «On voit nettement, dans les politiques aussi bien que dans les situations vécues, les traces de l’action des mouvements féministes et de l’État, écrivent les auteurs dans leur mémoire. C’est encourageant et il faut poursuivre le changement.»
La politique a influencé le mouvement des femmes, a signalé M. Bernard. Et le mouvement des femmes a à son tour influencé la politique.

Un débat majeur

À ce débat, auquel assistait un nombre quasi égal de femmes et d’hommes, on a pu entendre aussi Lucie Desrochers, ancienne recherchiste au CSF, et Diane Lamoureux, professeure au Département de science politique de l’Université Laval. Celle-ci a insisté sur le fait que le mouvement des femmes n’avait pas servi exclusivement les femmes elles-mêmes mais l’ensemble de la société. La conciliation travail- famille, par exemple, qu’on a beaucoup trop associée aux féministes, profite tout autant aux pères. Disant craindre un «recul majeur déjà amorcé», elle a dénoncé «l’oppression patriarcale», toujours présente à son avis.

À l’issue du débat, la modératrice Pascale Dufour, professeure au Département de science politique de l’UdeM, semblait satisfaite des échanges. «Le but de ces rencontres est de stimuler les discussions entre universitaires et non-universitaires, a-t-elle expliqué à Forum. Nous invitons des militants et des professionnels à venir discuter avec nous de questions d’intérêt public.»

La première table ronde du Centre de recherche sur les politiques et le développement social, l’automne dernier, avait porté sur la «réingénierie» de l’État. «C’est important de faire le point sur ces questions-là, commente Mme Dufour. Cela interpelle beaucoup de gens.»

Dirigé par Éric Montpetit, professeur de science politique à l’Université de Montréal, le Centre de recherche sur les politiques et le développement social a pour objet l’étude des liens et des interactions entre les politiques publiques et le développement social au Québec et au Canada, mais aussi dans une perspective comparée et internationale. Trois axes de recherche définissent ses activités: l’étude des politiques publiques et des institutions; l’étude des enjeux du développement social et des mouvements sociaux; et l’analyse des dynamiques associées à la mondialisation et à la gouvernance à niveaux multiples.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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