Édition du 7 mars 2005 / volume 39, numéro 23
 
  Marie-Ève Fradette au pays des lamas
L’aspirante vétérinaire fera un troisième stage à l’étranger en quatre ans

L’alpaga est de la famille des lamas, mais l’animal est de plus petite taille et a la toison plus épaisse.

Pas facile d’attraper des alpagas dans les andes péruviennes. Surtout quand ce camélidé semblable à un petit lama est en semi-liberté dans de vastes pâturages. «Le jour de notre échantillonnage, nous sommes partis à cheval à l’aube, relate Marie-Ève Fradette, étudiante en médecine vétérinaire. Le troupeau était à une heure de route.»

But de l’opération: étudier la virulence d’un protozoaire très commun chez les alpagas mais dont l’existence est assez peu documentée en médecine vétérinaire, Sarcocystis. «Notre projet de recherche consistait à évaluer le taux de contamination chez les jeunes animaux pour savoir à quel moment l’infection commence», explique l’aspirante vétérinaire.

La chasse à l’alpaga a été difficile mais couronnée de succès: 25 bêtes ont été immobilisées le temps de subir une prise de sang. La stagiaire a pu compter sur la collaboration d’un étudiant de l’Université Peruana Cayetano Heredia, Nino Arias, rattaché à l’équipe du Dr Armando Hung, chef du laboratoire de pathologie clinique et de biologie moléculaire de cette université.

Pourquoi ce projet? «Je voulais étudier les camélidés, répond la jeune femme en quatrième année de son programme. Je voulais aussi me plonger dans une culture étrangère où je pourrais pratiquer mon espagnol.»

Rituels et feuilles de coca

La société rurale péruvienne, que l’étudiante a côtoyée en aout 2004, s’est montrée méfiante à l’égard des chercheurs qui voulaient s’approcher de ses bêtes. D’autant plus que l’étude du protozoaire menée par le professeur Hung n’avait pas de retombées directes pour les éleveurs. «Il n’existe actuellement aucun remède pour guérir cette infection qui touche 100 % des bêtes à partir de l’âge de quatre ans, affirme la jeune femme. On en est encore à comprendre le procédé de propagation du parasite.»

L’alpaga, dont on exporte la laine, est vendu pour la viande sur le marché péruvien. Mais le parasite forme des kystes comparables à de petits grains de riz qui donnent à la viande une apparence peu attirante. Les éleveurs connaissent cette infection depuis toujours et pensent qu’elle disparait avec le temps, lorsqu’ils font sécher la viande. «Pas sûr», commente la future vétérinaire.

Durant les deux premières semaines de son stage, Marie-Ève Fradette a surtout effectué des manipulations dans un laboratoire de Lima afin d’établir la généalogie des parasites grâce à des analyses d’ADN. Par la suite, elle a préparé son échantillonnage sur le terrain. «Il a fallu y aller progressivement», précise-t-elle.
Après être passée de Lima à Cuzco, dans le centre du pays, où se trouve le troupeau étudié, elle a dû avec son collègue péruvien familiariser les agriculteurs avec les objectifs de leur recherche. «Nous partions tous les jours de notre hôtel pour aller leur expliquer nos intentions. Il a fallu se prêter aux rituels locaux: boire du thé avec eux et même mâcher des feuilles de coca, comme ils font afin de lutter prétendument contre les effets de l’altitude.»

Et alors, quels sont les effets de ce psychotrope? «Aucun. Je n’ai rien ressenti du tout.»

D’autres stages

Comme voyageuse, Marie-Ève Fradette a déjà une feuille de route impressionnante. Après avoir travaillé pendant plusieurs mois dans une écurie à Brompton, en Ontario, puis dans des cliniques spécialisées en Nouvelle-Angleterre, elle s’est prise d’affection pour la médecine équine. Au point d’accompagner l’équipe olympique canadienne à Sydney afin de prendre soin des chevaux.

Mais même si son choix semblait se préciser, elle s’est dit qu’il n’y avait pas que les chevaux dans la vie. Son séjour au Pérou a été précédé, en 2003, par un stage de six semaines au Mexique, où elle a étudié un élevage de bovins. Elle s’est penchée sur certains mécanismes de reproduction.

«Il s’agit de stages non crédités et non rémunérés, explique-t-elle. Mais ils sont encouragés par la Faculté.» En effet, dans sa lettre d’appui à l’étudiante, la vice-doyenne aux affaires étudiantes et aux communications, Diane Blais, souligne que la Faculté de médecine vétérinaire «encourage ses étudiants à développer une expertise issue d’autres milieux. De tels stages leur permettent d’acquérir une expérience qui leur sera profitable dans leurs études et dans leur future profession.»

Il faut quand même se prêter au jeu. Avant le départ, une foule de formalités doivent être remplies par la stagiaire pour trouver un chercheur prêt à la superviser. Puis il faut s’atteler au financement. Pour son voyage au Pérou, Marie-Ève Fradette a sollicité et obtenu une bourse de 3000 $ de l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture. Elle y a ajouté les revenus de son travail d’assistante de recherche, notamment au laboratoire de la professeure Sheila Laverty. Enfin, le soutien des parents s’est aussi avéré très utile.

Mais ces efforts ne sont pas excessifs à ses yeux. «Ce que je cherche, c’est de combiner les voyages culturels avec mes intérêts professionnels et la pratique de langues étrangères», dit-elle.

Déjà, elle prépare son prochain stage, qui se déroulera en France. Elle se joindra à une équipe de vétérinaires de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, où l’on trouve un important centre d’imagerie équine. Cette fois, elle recevra des crédits de cours.

Comment imagine-t-elle sa vie dans 10 ans? «Je m’occupe de chevaux. Quelque part sur la planète. Pas nécessairement au Québec.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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