Édition du 7 mars 2005 / volume 39, numéro 23
 
  année internationale de la physique
Notre soleil, une étoile variable

Ces taches solaires peuvent atteindre une fois et demie le diamètre de la Terre.

On pourrait croire que le Soleil n’a plus de secrets pour nous. Pourtant, chaque nouvel instrument tourné vers «notre» étoile apporte son lot de nouvelles questions, soulevant plus de problèmes qu’il n’en résout! C’est particulièrement le cas depuis l’avènement des télescopes solaires placés en orbite: l’atmosphère terrestre ne faisant plus obstacle, il est possible d’observer le Soleil sur toute la gamme des longueurs d’onde.

Depuis une trentaine d’années, des générations d’instruments spatiaux s’efforcent de mesurer l’irradiance solaire, soit la quantité d’énergie reçue du Soleil à la hauteur de l’orbite terrestre. Ces mesures révèlent, de manière surprenante, que le Soleil est une étoile variable, son irradiance croissant et décroissant de manière cyclique. L’amplitude de cette variation est cependant excessivement faible – environ 0,15 % de la valeur moyenne! – et c’est pourquoi il a fallu des mesures de très haute précision sur plusieurs décennies pour la détecter, ce qui représente un immense défi en technologie spatiale.

Les taches solaires, parfois visibles à l’œil nu (dans des conditions particulières!) et facilement observables même avec un télescope de taille modeste, ont été observées régulièrement depuis l’invention du télescope par Galilée, en 1609. Ce n’est qu’en 1843 que les astronomes ont remarqué que le nombre de taches visibles à la surface du Soleil croît et décroît de manière cyclique, atteignant un maximum tous les 11 ans environ; nous sommes présentement dans une phase décroissante de ce cycle.

Il aura fallu attendre le début du 20e siècle pour que la nature magnétique des taches solaires soit enfin établie. Le cycle des taches s’avère n’être qu’une des nombreuses manifestations de la variation cyclique du champ magnétique du Soleil. C’est ce même champ magnétique qui est le moteur et la source d’énergie de tous les phénomènes éruptifs collectivement regroupés sous le terme «activité solaire». Cette
activité – responsable de la grande panne du réseau d’Hydro-Québec en mars 1989 – est fortement modulée par le cycle magnétique. La fréquence des éruptions, par exemple, est environ 100 fois plus élevée durant les phases maximales d’activité, alors que des dizaines de taches à la fois peuvent être observées, que pendant les phases minimales, au cours desquelles le Soleil peut demeurer immaculé plusieurs mois. Sans son champ magnétique, le Soleil serait une étoile bien ennuyante, comme l’ont longtemps pensé de nombreux astronomes!

Le champ magnétique au cœur des taches est de 1000 à 10 000 fois plus intense que le champ terrestre, au point où il ralentit le transport de l’énergie en provenance des profondeurs du Soleil. On pourrait donc s’attendre à ce que le Soleil soit un peu moins brillant durant les phases maximales d’activité, mais c’est exactement le contraire qui est observé: il est plus brillant au maximum de l’activité magnétique, quand les taches (sombres!) sont les plus nombreuses. On peut en conclure qu’il doit exister d’autres structures dans l’atmosphère du Soleil plus scintillantes que l’atmosphère environnante, qui compensent le déficit lumineux associé aux taches.

Les observations effectuées depuis une dizaine d’années par les plus récentes missions spatiales ont finalement rendu possible la détection de ces structures scintillantes. Elles correspondent à des petites zones de champ magnétique très intense, ayant des diamètres d’environ 100 km (par comparaison, une tache solaire peut atteindre 10 000 km de diamètre, soit une fois et demie le diamètre de la Terre!). Sur de si petites échelles, le champ magnétique conduit à une baisse de la densité de l’atmosphère du Soleil, permettant à la lumière de s’échapper plus facilement. Ces petites structures font l’objet d’intenses travaux d’analyse et de modélisation – y compris au Département de physique – qui visent à mieux comprendre le lien entre les petites zones magnétiques et la désintégration des taches solaires, source principale du champ magnétique dans l’atmosphère du Soleil.

L’enjeu est de taille. Le rôle qu’a pu jouer le Soleil dans les changements climatiques, et en particulier dans le réchauffement global observé depuis le début du 20e siècle, demeure mal compris et est sujet à controverse parmi les climatologues. Les variations de l’irradiance solaire ont-elles pu être plus importantes dans le passé qu’au cours des deux derniers cycles d’activité, qui sont les seuls pour lesquels nous avons des mesures directes et précises? Comme le niveau général de l’activité solaire a grandement varié de la fin du 19e siècle jusqu’au milieu du 20e, on ne saurait pour l’instant exclure cette possibilité. Une histoire à suivre donc!

Paul Charbonneau
Professeur agrégé
Chaire de recherche du Canada en astrophysique stellaire
Département de physique
Collaboration spéciale



 
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